Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Urteilskopf

3235/09


Michel Manuela gegen Schweiz
Décision d'irrecevabilité no. 3235/09, 08 juillet 2014

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 35 par. 1 CEDH. Exception préliminaire de non-épuisement des instances en matière de reconnaissance d'une adoption étrangère.

La Cour rappelle que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention est subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux et que les Etats doivent pouvoir redresser la situation dans leur ordre juridique interne. Les requérants ont donc l'obligation d'utiliser les recours internes de l'Etat et de soulever devant l'organe adéquat, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par la loi, les griefs dont ils entendent saisir par la suite la Cour.
En l'espèce, la requérante a elle-même reconnu n'avoir pas expressément invoqué l'art. 8 CEDH devant le Tribunal fédéral. De plus, la Cour constate qu'elle se borne à faire référence à la Convention relative aux droits de l'enfant, dont le Tribunal fédéral a soigneusement examiné les dispositions, sans démontrer qu'elle avait invoqué au moins en substance le droit au respect de la vie privée et familiale.
Conclusion: accueil de l'exception préliminaire.



Inhaltsangabe des BJ


(3. Quartalsbericht 2014)

Recht auf Achtung des Privat- und Familienlebens (Art. 8 EMRK) alleine und in Verbindung mit dem Diskriminierungsverbot (Art. 14 EMRK); Anerkennung der Adoption; Nicht-Ausschöpfung des innerstaatlichen Instanzenzuges.

Gestützt auf Art. 8 EMRK wirft die Beschwerdeführerin den Schweizer Behörden vor, dass sie ihre in Brasilien ausgesprochene Adoption nicht anerkannt haben und folglich die Erbenqualität gegenüber ihrem Adoptivvater verneint haben. Unter Art. 8 in Verbindung mit Art. 14 EMRK macht sie geltend, dass die Schweizer Behörden die Adoption von Manoel durch die Eheleute Hans und Sieglinde Michel im Gegensatz zu ihrer Adoption anerkannt hätten. Der Gerichtshof berücksichtigte insbesondere, dass die Beschwerdeführerin selbst anerkannte, dass sie Art. 8 EMRK vor dem Bundesgericht nicht ausdrücklich angerufen hatte. Sie habe lediglich auf das Übereinkommen über die Rechte des Kindes verwiesen, ohne konkret und sorgfältig darzulegen, dass sie in Ihrer Beschwerde an das Bundesgericht das Recht auf Achtung des Privat- und Familienlebens (Art. 8 EMRK) zumindest sinngemäss angerufen habe. Der Gerichtshof kam zum Schluss, dass die Beschwerde infolge Nicht-Ausschöpfung des innerstaatlichen Instanzenzuges zurückzuweisen sei. Beschwerde unzulässig (einstimmig).





Sachverhalt

 
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 3235/09
Manuela MICHEL
contre la Suisse
 
 
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant le 8 juillet 2014 en une chambre composée de :
Guido Raimondi, président,
    András Sajó,
    Nebojša Vučinić,
    Helen Keller,
    Paul Lemmens,
    Egidijus Kūris,
    Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22 décembre 2008,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1.  La requérante, Mme Manuela Michel, née en 1981, est une ressortissante brésilienne résidant à Fribourg (Suisse). Elle a été représentée par Me T. Göksu, avocat à Fribourg. Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent suppléant, M. A. Scheidegger, de l'unité Droit européen et protection internationale des droits de l'homme de l'Office fédéral de la justice.
A.  Les circonstances de l'espèce
2.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
1.  L'origine de la présente affaire
3.  Les époux Hans et Sieglinde Michel (« les époux »), tous deux de nationalité suisse, s'établirent en Espagne en 1989.
4.  La même année, ils se rendirent au Brésil, où ils prirent en pension la requérante en vue de l'adopter par la suite. Ils prirent également en pension les enfants Silvia, née le 30 ou le 31 octobre 1989, et Manoel, né le 6 novembre 1989. De retour en Espagne, les époux et les trois enfants vécurent ensemble en tant que famille.
5.  Silvia décéda en bas âge. Le 30 juillet 1992, Manoel fut inscrit au registre d'état civil du Brésil en tant que fils des époux. Il est reconnu en tant que tel par les autorités suisses.
6.  À la même date, les époux adoptèrent la requérante au Brésil selon le droit brésilien. Cette adoption ne fut cependant pas reconnue dans leur pays d'origine, la Suisse. La demande d'adoption introduite par les époux fut en effet rejetée par les autorités du canton de Berne le 7 septembre 1992 au motif qu'elles n'étaient pas compétentes dès lors que l'adoption de la requérante hors de la Suisse n'avait été prononcée ni dans l'État du domicile des époux, l'Espagne, ni dans l'État national des adoptants (voir l'article 78 de la loi fédérale sur le droit international privé au paragraphe 25 ci-dessous).
7.  Les époux ne contestèrent pas cette décision et n'entreprirent aucune nouvelle démarche visant à faire reconnaître l'adoption par l'Espagne et n'entamèrent pas de procédure d'adoption de la requérante en Suisse ou en Espagne.
8.  Au cours de l'été 1996, les époux, accompagnés de la requérante, se rendirent en vacances en Suisse. À la suite de disputes qui eurent lieu pendant ce laps de temps, la garde de la requérante fut retirée aux époux et l'intéressée fut placée dans un foyer par les autorités helvétiques de protection des mineurs.
9.  Depuis lors, la requérante vit en Suisse. Les époux repartirent en Espagne et ne soutinrent l'intéressée ni financièrement ni d'aucune autre manière. Celle-ci bénéficia d'une assistance financière de l'État suisse.
10.  Le 30 juillet 1998, elle introduisit contre ses parents adoptifs une action visant à l'obtention du versement d'une pension alimentaire. Dans le cadre de cette procédure, le tribunal cantonal du canton de Fribourg reconnut son adoption - à titre préjudiciel - par un jugement du 13 février 2001.
11.  Le 4 janvier 2004, Hans Michel décéda. Son épouse Sieglinde et son fils adoptif Manoel, ses héritiers incontestés, sont également défendeurs dans la procédure en partage successoral engagée par la requérante.
12.  La première instance, le tribunal d'arrondissement VIII Berne-Laupen, limita le litige à la question de savoir si la requérante était héritière du défunt. Cette qualité lui fut déniée par un jugement du 2 mars 2007.
13.  La cour suprême du canton de Berne confirma cette décision le 18 décembre 2007.
2.  L'arrêt du Tribunal fédéral du 25 juin 2008
14.  Par un arrêt du 25 juin 2008, le Tribunal fédéral rejeta le recours de droit civil introduit par la requérante.
15.  Tout d'abord, le Tribunal fédéral rappela que, d'après l'article 78 de la loi fédérale sur le droit international privé, les adoptions intervenues à l'étranger étaient reconnues en Suisse lorsqu'elles avaient été prononcées dans l'État du domicile ou dans l'État national de l'adoptant ou des époux adoptants. L'adoption de la requérante ayant été prononcée au Brésil, son pays d'origine, et les parents adoptifs étant de nationalité suisse et domiciliés en Espagne, le Tribunal fédéral conclut que les conditions requises pour la reconnaissance de l'adoption en question n'étaient pas remplies et que, dans une telle situation, l'adoption aurait dû être confirmée en Suisse.
16.  Devant le Tribunal fédéral, la requérante alléguait que l'article 78 de la loi susmentionnée présentait des lacunes et qu'elle devait être interprétée selon son but, et non selon son sens littéral que l'intéressée estimait peu explicite. Elle en déduisait que son adoption devait être reconnue.
17.  À cet égard, le Tribunal fédéral rappela que le droit suisse suivait le principe de la favor recognitionis et que, dès lors, les adoptions prononcées à l'étranger tendaient à être reconnues. Il considéra néanmoins que l'introduction, par l'article 78 susmentionné, de limites à ce principe était justifiée. À cet égard, il précisa que les autorités de l'État dans lequel les adoptants étaient domiciliés seraient mieux placées pour examiner puis juger si une adoption correspondait à l'intérêt supérieur de l'enfant et si les futurs parents adoptifs étaient susceptibles de prendre soin de l'enfant de manière adéquate. Aussi fallait-il, selon le tribunal, rejeter une interprétation contraire au sens littéral de la disposition en question ainsi que l'hypothèse d'une lacune.
18.  Le Tribunal fédéral constata en outre qu'il n'y avait pas eu violation de la Convention internationale sur le droit des enfants et que la requérante n'avait fourni aucune preuve du contraire. Il précisa que ladite convention tout comme le droit interne énonçaient, aux fins de garantir le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, qu'une adoption ne pouvait être autorisée que par les autorités compétentes après un examen détaillé des circonstances de la cause.
19.  Le Tribunal fédéral ne constata pas non plus de violation de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Il rappela que l'article 24 de cette convention, invoqué par la requérante, précisait effectivement que la reconnaissance d'une adoption ne pouvait être refusée par un État contractant que si l'adoption était manifestement contraire à son ordre public, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant. Il souligna que cet article n'était cependant applicable qu'aux adoptions certifiées conformes à cet instrument. Il ajouta que l'une des conditions à respecter était que les personnes désirant adopter un enfant devaient s'adresser à l'autorité centrale de l'État de leur résidence habituelle et que cela faisait partie des conditions à respecter, et que cette autorité établissait un rapport après avoir examiné divers points, comme cela serait également prévu à l'article 78 de la loi fédérale sur le droit international privé.
20.  Ainsi, selon le Tribunal fédéral, l'interprétation de l'article 78 de la loi fédérale sur le droit international privé à la lumière des conventions susmentionnées ne pouvait conduire à des conclusions différentes. D'après la haute juridiction, il n'existait, au vu des circonstances de l'espèce, aucune raison matérielle d'étendre la compétence des autorités en matière de reconnaissance de l'adoption dès lors que les parties à l'adoption n'auraient pas, après la décision d'irrecevabilité rendue en 1992 par les autorités du canton de Berne, donné suite à leur désir de faire reconnaître en Suisse l'adoption prononcée au Brésil. Le Tribunal fédéral considéra également que les parties à l'adoption étaient elles-mêmes responsables de l'issue défavorable pour la requérante, puisque, tout en étant informées de l'absence d'effet juridique en Suisse de l'adoption en cause, elles n'auraient introduit aucun recours ni sollicité la reconnaissance de l'adoption en Espagne et qu'en outre elles n'auraient introduit aucune nouvelle demande d'adoption ni en Suisse ni en Espagne. Le Tribunal fédéral rappela que, dans un tel cas, le droit matériel national ne prévoyait pas pour l'enfant le droit de faire constater le lien de filiation créé par l'adoption.
21.  La requérante soutint également devant le Tribunal fédéral que l'invocation par les défendeurs de l'article 78, alinéa 1, de la loi fédérale sur le droit international privé était constitutive d'un abus de droit au motif que ses parents adoptifs l'avaient adoptée légalement au Brésil. Le Tribunal fédéral rejeta cet argument, considérant que les parents adoptifs auxquels la requérante reprochait l'abus de droit n'étaient pas parties à la procédure. Il ajouta qu'y étaient parties le fils adoptif Manoel, à qui la conduite de ses parents adoptifs ne pouvait être reprochée, et l'épouse du défunt, qui seule était également partie à la procédure d'adoption.
22.  Il estima que, dans ces conditions, il n'y avait pas lieu non plus d'examiner si le comportement de la mère adoptive de la requérante était constitutif d'un abus de droit. Par ailleurs, il observa que la requérante n'avait jamais entrepris d'action en vue de faire reconnaître son adoption.
23.  Eu égard à l'ensemble de ces considérations, le Tribunal fédéral rejeta la requête.
B.  Le droit interne et international pertinent
1.  Le droit interne
24.  Les dispositions pertinentes en l'espèce, en vigueur à l'époque, du code civil (CC) du 10 décembre 1907 (publié dans le recueil systématique (RS) 210), sont libellées comme suit :
« Article 264 : A. Adoption de mineurs
I.  Conditions générales
Un enfant peut être adopté si les futurs parents adoptifs lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an et si toutes les circonstances permettent de prévoir que l'établissement d'un lien de filiation servira au bien de l'enfant sans porter une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants des parents adoptifs.
(...)
Article 268 : D. Procédure
I. En général
1  L'adoption est prononcée par l'autorité cantonale compétente du domicile des parents adoptifs.
(...)
Article 268a: II. Enquête
1  L'adoption ne peut être prononcée avant qu'une enquête portant sur toutes les circonstances essentielles n'ait été faite, au besoin avec le concours d'experts.
2  L'enquête devra porter notamment sur la personnalité et la santé des parents adoptifs et de l'enfant, sur leur convenance mutuelle, sur l'aptitude des parents adoptifs à éduquer l'enfant, sur leur situation économique, sur leurs mobiles et leurs conditions de famille, ainsi que sur l'évolution du lien nourricier.
(...) »
25.  Les dispositions pertinentes en l'espèce de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP ; RS 291) sont libellées comme suit :
« Article 76 : 2. For d'origine
Sont compétentes pour prononcer l'adoption les autorités judiciaires ou administratives du lieu d'origine, lorsque l'adoptant ou les époux adoptants ne sont pas domiciliés en Suisse et que l'un d'eux est suisse et lorsqu'ils ne peuvent pas adopter à leur domicile à l'étranger, ou que l'on ne saurait raisonnablement exiger qu'ils y engagent une procédure d'adoption.
(...)
Article 78 : III.  Adoptions et institutions semblables du droit étranger
1  Les adoptions intervenues à l'étranger sont reconnues en Suisse lorsqu'elles ont été prononcées dans l'État du domicile ou dans l'État national de l'adoptant ou des époux adoptants.
(...) »
26.  La disposition pertinente en l'espèce de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF ; RS 173.110) est libellée comme suit :
« Article 106 : Application du droit
1  Le Tribunal fédéral applique le droit d'office.
2  Il n'examine la violation de droits fondamentaux (...) que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant ».
Dans l'arrêt 5A_433/2007 du 18 septembre 2007, publié dans le recueil des arrêts principaux du Tribunal fédéral (sous la référence ATF 133 III 639, 640), le Tribunal fédéral clarifia que le deuxième alinéa de l'article 106 LTF, en énonçant seulement les droits fondamentaux, est rédigé de manière trop étroite. Selon la cour suprême suisse, la disposition englobe également les droits constitutionnels (verfassungsmässige Rechte), y compris les garanties offertes par la Convention.
2.  Le droit international
27.  Les dispositions pertinentes en l'espèce de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (RS 0.107), ratifiée par la Suisse le 26 mars 1997, sont libellées comme suit :
« Article 3
1.  Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.
(...)
Article 21
Les États parties qui admettent et/ou autorisent l'adoption s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale en la matière, et :
a)  veillent à ce que l'adoption d'un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l'adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l'enfant par rapport à ses père et mère, parents et représentants légaux et que, le cas échéant, les personnes intéressées ont donné leur consentement à l'adoption en connaissance de cause, après s'être entourées des avis nécessaires ;
b)  reconnaissent que l'adoption à l'étranger peut être envisagée comme un autre moyen d'assurer les soins nécessaires à l'enfant, si celui-ci ne peut, dans son pays d'origine, être placé dans une famille nourricière ou adoptive ou être convenablement élevé ;
c)  veillent, en cas d'adoption à l'étranger, à ce que l'enfant ait le bénéfice de garanties et de normes équivalant à celles existant en cas d'adoption nationale. (...) »
28.  Les dispositions pertinentes en l'espèce de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (RS 0.211.221.311), ratifiée par la Suisse le 1er janvier 2003, sont libellées comme suit :
« Article 14
Les personnes résidant habituellement dans un État contractant, qui désirent adopter un enfant dont la résidence habituelle est située dans un autre État contractant, doivent s'adresser à l'Autorité centrale de l'État de leur résidence habituelle.
Article 15
1.  Si l'Autorité centrale de l'État d'accueil considère que les requérants sont qualifiés et aptes à adopter, elle établit un rapport contenant des renseignements sur leur identité, leur capacité légale et leur aptitude à adopter, leur situation personnelle, familiale et médicale, leur milieu social, les motifs qui les animent, leur aptitude à assumer une adoption internationale, ainsi que sur les enfants qu'ils seraient aptes à prendre en charge.
2.  Elle transmet le rapport à l'Autorité centrale de l'État d'origine.
Article 23
1.  Une adoption certifiée conforme à la Convention par l'autorité compétente de l'État contractant où elle a eu lieu est reconnue de plein droit dans les autres États contractants. Le certificat indique quand et par qui les acceptations visées à l'article 17, lettre c), ont été données.
(...)
Article 24
La reconnaissance d'une adoption ne peut être refusée dans un État contractant que si l'adoption est manifestement contraire à son ordre public, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant ».
GRIEFS
29.  Invoquant l'article 8 de la Convention, la requérante reproche aux autorités suisses de ne pas avoir reconnu son adoption prononcée au Brésil et de lui dénier en conséquence la qualité d'héritière de son père adoptif, décédé le 4 janvier 2004. Elle présente également un grief sous l'angle de l'article 8 combiné avec l'article 14 de la Convention, au motif que l'adoption de Manoel par les époux Hans et Sieglinde Michel aurait été, contrairement à la sienne, reconnue par les autorités suisses.
 


Erwägungen

EN DROIT
30.  Le Gouvernement se réfère d'abord à l'article 106 LTF qui, selon lui, dispose que le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie requérante.
En l'espèce, le Gouvernement indique que la requérante n'a soulevé devant le Tribunal fédéral ni le grief d'une violation de son droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la Convention, ni le grief d'une discrimination injustifiée qu'elle aurait tiré de la différence existant entre sa situation et celle de l'enfant Manoel.
Partant, le Gouvernement conclut que la requérante n'a pas épuisé les voies de recours internes pour les griefs qu'elle a soulevés devant la Cour. Il invite par conséquent la Cour à déclarer la requête irrecevable sur le fondement de l'article 35 § 1 de la Convention.
31.  La requérante réfute les allégations du Gouvernement. Si elle reconnaît qu'elle n'a pas expressément invoqué l'article 8 de la Convention devant le Tribunal fédéral, elle soutient en revanche avoir invoqué la Convention relative aux droits de l'enfant qui, selon son analyse de la pratique de la Cour, devrait être prise en compte lors de l'interprétation de l'article 8 de la Convention.
Elle indique que, pour le surplus, à la différence de ce que soutiendrait le Gouvernement, la garantie de l'article 8 de la Convention n'est pas un « droit fondamental » au sens du deuxième alinéa de l'article 106 LTF. Elle précise à cet égard que les droits fondamentaux, au sens de ladite disposition, « sont uniquement les droits fondamentaux au sens des articles 7 à 34 de la Constitution fédérale ». Partant, elle considère que le Tribunal fédéral aurait dû et pu effectuer un contrôle de la conformité de sa décision avec l'article 8 de la Convention, même en l'absence de sa part d'une référence expresse à cet article. À l'appui de sa thèse, la requérante cite un commentaire dont l'auteur aurait été un juge du Tribunal fédéral à l'époque de la procédure en cause.
32.  La Cour rappelle que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l'homme et qu'elle a pour tâche d'assurer le respect par les États contractants de leurs obligations découlant de la Convention. Elle rappelle par ailleurs qu'elle ne doit pas se substituer aux États contractants, auxquels il incombe de veiller à ce que les droits et libertés fondamentaux consacrés par la Convention soient respectés et protégés au niveau interne (Vučković et autres c. Serbie [GC], no 17153/11, § 69, 25 mars 2014).
33.  La Cour rappelle ensuite que les États n'ont pas à répondre de leurs actes devant un organisme international avant d'avoir eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne. Les personnes désireuses de se prévaloir de la compétence de contrôle de la Cour relativement à des griefs dirigés contre un État ont donc l'obligation d'utiliser auparavant les recours qu'offre le système juridique interne de celui-ci (voir, parmi beaucoup d'autres, Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 65, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, Vučković et autres, précité, § 70).
34.  La Cour réaffirme en outre que l'article 35 § 1 de la Convention impose aussi de soulever devant l'organe interne adéquat, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs dont on entend saisir par la suite la Cour (voir, par exemple, Castells c. Espagne, 23 avril 1992, § 32, série A no 236 ; Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999-I ; et Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, §§ 144 et 146, CEDH 2010 ; Vučković et autres, précité, § 72). Une requête ne satisfaisant pas à ces exigences doit en principe être déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes (voir, par exemple, Cardot c. France, 19 mars 1991, § 34, série A no 200 ; et Thiermann et autres c. Norvège (déc.), no 18712/03, 8 mars 2007 ; Vučković et autres, précité, § 72).
35.  En l'espèce, la Cour prend acte du fait que la requérante a elle-même reconnu n'avoir pas expressément invoqué l'article 8 de la Convention devant le Tribunal fédéral. De plus, la Cour constate que l'intéressée se borne à faire référence à la Convention relative aux droits de l'enfant - dont le Tribunal fédéral avait d'ailleurs soigneusement examiné les dispositions en l'espèce - sans démontrer, de manière concrète et approfondie, qu'elle avait bien invoqué, dans son mémoire de recours devant le Tribunal fédéral, au moins en substance, le droit au respect de la vie privée et familiale.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'allégation de la requérante selon laquelle la garantie de l'article 8 de la Convention ne serait pas un « droit fondamental » au sens du deuxième alinéa de l'article 106 LTF, la Cour renvoie à l'arrêt du 18 septembre 2007, publié dans le recueil des arrêts principaux du Tribunal fédéral (sous la référence ATF 133 III 639, 640), dans lequel il est dit que ladite disposition est rédigée de manière trop étroite et qu'elle devrait englober également les droits constitutionnels (verfassungsmässige Rechte), y compris les garanties offertes par la Convention.
36.  Partant, à la lumière de ce qui précède, la Cour estime que la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
 
Déclare la requête irrecevable.
 
  Stanley Naismith   Greffier
  Guido Raimondi   Président
 

Referenzen

Artikel: Art. 35 par. 1 CEDH, art. 8 CEDH