Urteilskopf
123 I 296
31. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 novembre 1997 dans la cause X. contre Conseil d'Etat du canton de Genève (recours de droit public)
Regeste
Art. 27 Abs. 3 sowie Art. 49 BV und
Art. 9 EMRK: Konfessionelle Neutralität der Schule, Glaubens- und Gewissensfreiheit einer Lehrerin.
Das Schutzobjekt der Glaubens- und Gewissensfreiheit umfasst auch das in der religiösen Überzeugung gründende Tragen besonderer Kleidungsstücke. Die persönliche Freiheit kann dagegen nicht angerufen werden. Nicht einschränkbarer Kerngehalt der Glaubens- und Gewissensfreiheit (E. 2).
Das gegenüber einer in einer öffentlichen Schule tätigen Lehrerin ausgesprochene Verbot, in der Schule eine nach ihrer Auffassung den Anforderungen des Korans entsprechende Kopfbedeckung zu tragen, stützt sich vorliegend auf eine genügende gesetzliche Grundlage (E. 3).
Dieses Verbot entspricht einem überwiegenden öffentlichen Interesse (insbesondere der konfessionellen Neutralität und dem Religionsfrieden in der Schule) und ist verhältnismässig (E. 4).
X., ressortissante suisse, a été nommée par le Conseil d'Etat du canton de Genève dans la fonction d'institutrice de la division élémentaire dès le 1er septembre 1990. Depuis la rentrée scolaire 1995, elle est titulaire d'une classe à l'école primaire de C., où elle enseigne depuis 1989.
Le 23 mars 1991, X. s'est convertie du catholicisme à l'islam et, le 19 octobre suivant, elle a épousé un ressortissant algérien. Voulant respecter les prescriptions du Coran, elle a alors commencé à porter des vêtements amples lui cachant les parties du corps autres que le visage et les mains, en particulier un voile ou un foulard lui couvrant le cou et les cheveux (ci-après: le foulard).
En mai 1995, la Directrice générale de l'enseignement primaire a été informée par l'inspectrice scolaire que X. portait "régulièrement le foulard islamique à l'école".
Le 11 juillet 1996, la Directrice générale a confirmé à l'intéressée l'entrevue qu'elles avaient eue le 27 juin précédent - en présence du Directeur du service du personnel enseignant - par un courrier libellé comme suit:
"- le port du foulard islamique est en contradiction avec le respect de l'art. 6 de la loi sur l'instruction publique;
- pour les raisons invoquées, dès la prochaine rentrée, vous renoncerez à porter le foulard dans l'exercice de vos activités et de vos responsabilités professionnelles;
- vous n'aurez pas recours à des attributs vestimentaires investis d'un sens confessionnel incompatible avec les impératifs de notre système scolaire."
X. ayant requis une décision formelle à cet égard, la Directrice générale lui a notifié le 23 août 1996 une décision déclarée "exécutoire dès la présente rentrée, même en cas de recours", confirmant les termes de la lettre du 11 juillet 1996 et précisant que, dans le cas
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de X., "les compétences strictement professionnelles et les signes extérieurs de conviction confessionnelle" se rejoignaient "dans le mode ostensible d'identification imposé par l'enseignante aux élèves, de surcroît dans un système scolaire public et laïc."
Le 26 août 1996, X. a recouru contre cette décision auprès du Conseil d'Etat et a demandé l'octroi de l'effet suspensif.
Par courrier du 6 septembre 1996, ayant appris que, depuis la rentrée scolaire 1996, X. portait à l'école un chapeau avec une écharpe ou un foulard enroulé en turban, lesquels cachaient entièrement ses cheveux et son cou, ainsi que des vêtements la couvrant de la tête aux pieds, la Directrice générale a requis le mandataire de X. d'enjoindre à sa cliente de se conformer strictement à la décision prise.
Le 12 septembre 1996, X. a déposé des pièces supplémentaires et une nouvelle détermination. Elle expliquait notamment que son habillement n'avait rien de particulier puisque des tenues similaires, c'est-à-dire respectant les mêmes critères de décence, pouvaient être trouvées dans la mode profane de grands couturiers occidentaux. Elle précisait en outre que, dans les murs de sa propre classe, elle se découvrait parfois, se recouvrant lorsqu'une personne pubère de sexe masculin pénétrait dans la salle ou était susceptible d'y entrer. Ainsi, lors des différentes visites de l'inspectrice scolaire, elle ne portait pas systématiquement de couvre-chef. En revanche, elle cachait ses cheveux dans l'enceinte de l'école.
Par arrêté du 16 octobre 1996, appliquant notamment l'art. 27 Cst. et les art. 6 et 120 al. 2 de la loi cantonale sur l'instruction publique, le Conseil d'Etat a rejeté le recours.
Agissant le 25 novembre 1996 par la voie du recours de droit public, X. demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat du 16 octobre 1996. Elle requiert également l'octroi de l'effet suspensif.
Le 13 décembre 1996, le Conseil d'Etat a déposé des interviews de X. parues dans "Le Matin" des 22 et 29 octobre 1996 ainsi que dans "L'Illustré" du 23 octobre 1996. Il a également produit deux courriers anonymes reçus à l'école de C. le 7 novembre 1996, lesquels, en substance, s'opposent au port du foulard à l'école. Le Conseil d'Etat a encore annexé le formulaire d'une pétition, émanant d'un comité de soutien constitué en faveur de X. à l'initiative d'une mère d'élève, ainsi que le procès-verbal d'une séance du 10 décembre 1996 réunissant l'inspectrice scolaire et les enseignantes de l'école de C., y compris l'intéressée, en vue de déterminer la manière de traiter l'affaire en cours avec les élèves et leurs
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parents. Enfin, le Conseil d'Etat a déposé une résolution adoptée par le Grand Conseil genevois le 10 octobre 1996, ainsi libellée:
"Considérant (...)
- que l'école publique genevoise est une école laïque;
- que les enseignants sont des représentants de l'institution et qu'à ce titre, ils doivent respecter ce principe de laïcité, notamment en ce qui concerne les signes religieux extérieurs;
- qu'une institutrice refuse de se soumettre à cette règle en portant un foulard islamique, invite le Conseil d'Etat
- à faire respecter ce principe de laïcité par tous les enseignants genevois, quelles que soient leurs convictions religieuses;
- à poursuivre dans sa politique de fermeté face à l'institutrice genevoise ayant refusé de se soumettre à cette règle."
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Extrait des considérants:
2.
a) Préalablement, il faut observer que la recourante déclare à titre principal que son habillement, dont les éléments peuvent être acquis en grande surface, ne doit pas être traité comme un symbole religieux, mais comme n'importe quel vêtement plus ou moins anodin qu'un enseignant déciderait de porter pour des motifs qui lui seraient propres, notamment pour des raisons esthétiques ou pour mettre en valeur, voire cacher, une partie de son anatomie (foulard autour du cou, gilet, petit chapeau...). La décision attaquée reviendrait ainsi à interdire à un enseignant, sans justification suffisante, de s'habiller selon son désir.
Toutefois, il ne fait aucun doute que la recourante porte le foulard et des vêtements amples non pas pour des raisons esthétiques mais afin d'obéir à une exigence religieuse, qu'elle tire des passages suivants du Coran (Le Coran, essai de traduction par Jacques Berque, 2e éd., Paris 1995):
"Dis aux croyantes de baisser les yeux et de contenir leur sexe; de nepas faire montre de leurs agréments, sauf ce qui en émerge, de rabattreleur fichu sur les échancrures de leur vêtement. Elles ne laisseront voirleurs agréments qu'à leur mari, à leurs enfants, à leurs pères,beaux-pères, fils, beaux-fils, frères, neveux de frères ou de soeurs, auxfemmes (de leur communauté), à leurs captives, à leurs dépendants hommesincapables de l'acte, ou garçons encore ignorants de l'intimité des femmes.Qu'elles ne piaffent pas pour révéler ce qu'elles cachent de leursagréments." (sourate 24, verset 31)
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"Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de revêtir leurs mantes: sûr moyen d'être reconnues (pour des dames) et d'échapper à toute offense - Dieu est Tout indulgence, Miséricordieux." (sourate 33, verset 59)
Le port du foulard et de vêtements amples manifeste dès lors l'appartenanceà une confession déterminée et la volonté de se comporter conformément auxprescriptions de celle-ci. Cette tenue constitue même un symbole religieux"fort", c'est-à-dire un signe immédiatement visible pour les tiers,indiquant clairement que son porteur adhère à une religion déterminée.Le litige porte donc sur le port d'un symbole religieux fort par unenseignant d'une école publique dans le cadre de son activitéprofessionnelle. Aucune limitation n'a été imposée à la recourante quant àsa tenue hors de l'enseignement. Il ne s'agit pas non plus du port d'unsigne religieux par un élève, ni du port de vêtements de fantaisie, voireexcentriques mais sans connotation religieuse, par un enseignant à l'école.Vu ce qui précède, il y a lieu d'examiner quelle liberté constitutionnelle la recourante peut invoquer.
b) aa) La liberté de conscience et de croyance, déclarée inviolable parl'
art. 49 al. 1 Cst., protège le citoyen de toute ingérence de l'Etat quiserait de nature à gêner ses convictions religieuses (
ATF 116 Ia 252
consid. 5a p. 257; W. BURCKHARDT, Kommentar der schweizerischenBundesverfassung, 3e éd., Berne 1931, p. 442). Elle confère au citoyen ledroit d'exiger que l'Etat n'intervienne pas de façon injustifiée enédictant des règles limitant l'expression et la pratique de ses convictionsreligieuses (
ATF 118 Ia 46
consid. 3b p. 52). Elle comporte la libertéintérieure de croire, de ne pas croire et de modifier en tout temps et demanière quelconque ses propres convictions religieuses, ainsi que laliberté extérieure d'exprimer, de pratiquer et de communiquer sesconvictions religieuses ou sa vision du monde, dans certaines limites (
ATF 119 Ia 178 consid. 4c p. 184;
118 Ia 46 consid. 4c p. 56;
116 Ia 252consid. 5a p. 257; ANTOINE FAVRE, Droit constitutionnel suisse, 2e éd.,Fribourg 1970, p. 280). Cela comprend le droit pour le citoyen de dirigertout son comportement selon la doctrine de sa foi et d'agir selon sesconvictions intérieures. L'exercice garanti de cette religion ne comprendpas seulement les cultes - qui sont également protégés par l'
art. 50 Cst. -et les besoins religieux, mais aussi d'autres expressions de la viereligieuse, pour autant qu'elles se tiennent dans certaines limites, parexemple le port de vêtements religieux particuliers (
ATF 119 Ia 178
BGE 123 I 296 S. 301
consid. 4c p. 184, concernant précisément les prescriptions vestimentaires de lafemme musulmane;
119 IV 260 consid. 3b/aa p. 263; PETER KARLEN, UmstritteneReligionsfreiheit, in RDS 1997 I p. 193 ss, spéc. p. 207/208; ULRICHHÄFELIN, Commentaire de la Constitution fédérale, n. 50 ad art. 49). Toutesles convictions et les conceptions spirituelles ou intellectuellesrelatives aux rapports entre l'être humain et la divinité sont ainsiprotégées (
ATF 119 Ia 178
consid. 4b p. 183/184;
ATF 116 Ia 252
consid. 5c p.258; HÄFELIN/HALLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 3e éd., Zurich1993, n. 1196 p. 388).
La liberté religieuse est également garantie par l'art. 9 de la Conventioneuropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101), selon lequel toutepersonne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; cedroit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsique la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellementou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, lespratiques et l'accomplissement des rites (al. 1er). La portée de cettedisposition est toutefois ici pratiquement identique à celle de l'art. 49Cst. De même, l'art. 18 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques (Pacte ONU II; RS 0.103.2), non invoqué par la recourante,comporte un principe similaire (MANFRED NOWAK, U.N. Covenant on Civil andPolitical Rights, CCPR Commentary, Kehl-Strasbourg-Arlington 1993).
En l'espèce, étant fondé sur des motifs religieux, le style d'habillement de la recourante est protégé par les art. 49 Cst. et 9 CEDH.
bb) Dans ces circonstances, le principe constitutionnel non écrit de laliberté personnelle, invoqué en première ligne par la recourante, ne trouve pas d'application.En effet, la liberté personnelle se conçoit comme une garantie générale etsubsidiaire. Elle ne s'applique donc pas lorsque l'épanouissement de lapersonnalité du citoyen est touché sous un aspect protégé par une libertéindividuelle plus spécifique, telle que la liberté de conscience et decroyance (
ATF 123 I 112
consid. 4a p. 118;
ATF 119 Ia 178
consid. 5 p. 187
; 117Ia 27 consid. 5b p. 30;
114 Ia 350 consid. 5 p. 357 et les arrêts cités;HÄFELIN, op.cit., n. 108/109 ad art. 49; WALTER HALLER, Commentaire de laConstitution fédérale, n. 90 ss ad Liberté personnelle).
cc) La recourante soutient ensuite que l'arrêté attaqué ne respecte pas lenoyau intangible de la liberté garantie par l'
art. 49 Cst. Selon elle, leport du foulard est une expression religieuse externe liée si
BGE 123 I 296 S. 302
intimement àune conviction interne que l'interdire équivaut à porter atteinte à celle-ci.La jurisprudence et la doctrine ne sont pas unanimes à propos du noyauintangible de la liberté religieuse (
ATF 101 Ia 392
; JÖRG PAULMÜLLER/STEFAN MÜLLER, Die Grundrechte der schweizerischen Bundesverfassung,2e éd., Berne 1991, p. 58; JÖRG PAUL MÜLLER, Eléments pour une théoriesuisse des droits fondamentaux, Berne 1983, p. 157; BURCKHARDT, op.cit., p.442; MARTIN PHILIPP WYSS, Glaubens- und Religionsfreiheit zwischenIntegration und Isolation, in ZBl 95/1994 p. 385 ss, spéc. p. 394 ss;HÄFELIN, op.cit., n. 7 et 124 ss ad art. 49; KARLEN, Das Grundrecht derReligionsfreiheit in der Schweiz, Zurich 1988, p. 243 ss et 318). Elless'accordent toutefois à admettre, d'une part, que le noyau intangiblecomprend l'interdiction de contraindre quelqu'un à adopter une convictionet, d'autre part, qu'il ne comporte pas les manifestations extérieuresd'une conviction. Ainsi, le droit d'exprimer ses convictions religieuses,de les professer ou de les mettre en pratique dans des actes cultuels n'estpas protégé de manière absolue (HÄFELIN, op.cit., n. 125 ad art. 49).
De même, selon l'art. 9 par. 2 CEDH, la liberté de manifester sa religionou sa conviction peut faire l'objet de restrictions (arrêt de la Coureuropéenne des droits de l'homme du 25 mai 1993 en la cause Kokkinakis c.Grèce, Série A n. 260-A § 33; FROWEIN/PEUKERT, EuropäischeMenschenrechtskonvention, 2e éd., 1996, n. 1 ad art. 9 p. 368). Acontrario, la liberté intérieure présente un caractère absolu: ne pouvant,par nature, donner lieu à des atteintes à l'ordre public, elle échappe àtoute restriction (VELU/ERGEC, La Convention européenne des droits del'homme, Bruxelles 1990, n. 714 p. 584).
En l'espèce, même s'il est particulièrement important aux yeux del'intéressée, et même s'il ne représente pas seulement l'expression d'uneconviction religieuse mais obéit à une exigence impérative de celle-ci, leport du foulard et de vêtements amples reste une manifestation extérieurequi, à ce titre, n'appartient pas au noyau intangible de la liberté de religion.Dès lors, à l'instar des autres libertés constitutionnelles, la liberté dereligion de la recourante peut être limitée à condition que la restrictionrepose sur une base légale suffisante, réponde à un intérêt publicprépondérant et respecte le principe de la proportionnalité (
ATF 119 Ia 178
consid. 3 et 4 p. 182 ss;
117 Ia 311 consid. 2b p. 315; HÄFELIN, op.cit.,n. 131 ss ad art. 49).
Des limitations à la liberté de religion garantie par l'
art. 9 CEDH
BGE 123 I 296 S. 303
sont également possibles, selon le par. 2 de cette disposition, à conditionqu'elles concernent la liberté de manifester sa religion ou sesconvictions, qu'elles soient prévues par la loi et qu'elles constituent desmesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique,à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à laprotection des droits et libertés d'autrui.
3.
La recourante prétend que l'arrêté entrepris ne repose pas sur une base légale suffisante.
Le Tribunal fédéral examine librement, lorsqu'elle est grave, si uneatteinte à une liberté constitutionnelle se fonde sur une base légalesuffisante (
ATF 122 I 236
consid. 4a p. 244, 360 consid. 5b/bb p. 363 etles arrêts cités). En l'espèce, peu importe que l'arrêté attaqué impliqueune atteinte grave ou non à la liberté de conscience et de croyance de larecourante, car même un examen libre conduit à admettre l'existence d'unebase légale suffisante.
Les atteintes graves portées à une liberté constitutionnelle doivent êtreréglées, pour l'essentiel, de manière claire et non équivoque dans une loiau sens formel (
ATF 122 I 360
consid. 5b/bb p. 363;
ATF 118 Ia 305
consid. 2ap. 309/310). Toutefois, lorsqu'une atteinte à la liberté de conscience etde croyance est constituée par une prescription de comportement trèsparticulière, voire secondaire à l'aune du citoyen moyen (ici,l'interdiction faite à un enseignant de porter le foulard à l'école), on nesaurait exiger une base légale trop précise. Il suffit dans cescirconstances que la prescription de comportement découle d'une obligationplus générale contenue dans la loi au sens formel.
De plus, en l'espèce, la décision querellée concerne la recourante en tantque fonctionnaire de l'Etat de Genève. Or, les fonctionnaires sont soumis àun rapport de puissance publique spécial, auquel ils ont librement adhéréet auquel ils trouvent un intérêt, ce qui justifie qu'ils ne puissentbénéficier des libertés publiques que dans une mesure limitée. Notamment,il n'est pas nécessaire que la base légale qui doit fonder les restrictionsà ces libertés soit particulièrement précise. En effet, la multiplicité etla variété des rapports quotidiens entre l'agent et l'autorité dont ildépend excluent que les comportements à limiter ou à interdire puissentêtre prévus dans une nomenclature exhaustive. Il suffit dès lors que la loiindique de manière générale, par des concepts juridiques indéterminés, lesvaleurs qui doivent être respectées et qui pourront être concrétisées parordonnance ou par décision individuelle. En revanche, dans leur contenu,les restrictions aux libertés publiques doivent être justifiées par le
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but et la bonne marche de l'institution. Enfin, le respect des principesd'intérêt public et de proportionnalité sera contrôlé d'autant plusrigoureusement que l'atteinte aux intérêts du fonctionnaire est grave et labase légale imprécise (
ATF 120 Ia 203
consid. 3a p. 205;
ATF 119 Ia 178
consid.6b p. 188;
101 Ia 172 consid. 6 p. 181; SJ 1995 681 consid. 3; ZBl 85/1984 308 consid. 2b; PIERRE MOOR, Droit administratif, Berne, vol. III 1992, n.5.1.2.3. p. 213/214 et n. 5.3.1.2 p. 223/224; vol. I 1994, n. 4.2.4.5 p.362 ss; THOMAS WYSS, Die dienstrechtliche Stellung des Volksschullehrers imKanton Zürich, thèse Zurich 1986, p. 224 ss; PAUL RICHLI, GrundrechtlicheAspekte der Tätigkeit von Lehrkräften, PJA 6/93, p. 673 ss, spéc. p. 677).
A Genève, l'art. 6 de la loi cantonale du 6 novembre 1940 sur l'instructionpublique (LIP) dispose que "L'enseignement public garantit le respect desconvictions politiques et confessionnelles des élèves et des parents". Ilressort en outre des art. 164 ss de la Constitution cantonale que ce cantonconnaît une séparation nette de l'Eglise et de l'Etat, au sens d'unelaïcité de celui-ci (UELI FRIEDERICH, Kirchen und Glaubensgemeinschaften impluralistischen Staat, thèse Berne 1993, p. 239 et HÄFELIN, op.cit., n.26/27 ad art. 49). En matière scolaire, cette séparation est concrétiséepar l'art. 120 al. 2 LIP selon lequel: "Les fonctionnaires doivent êtrelaïques; il ne peut être dérogé à cette disposition que pour le corps enseignant universitaire".
En l'espèce, l'interdiction faite à la recourante de porter un foulardindiquant clairement l'appartenance à une confession déterminée concrétisela volonté accrue du législateur genevois, exprimée dans les dispositionsprécitées, de respecter en matière scolaire les principes de neutralitéreligieuse (cf. art. 27 al. 3 Cst.) et de séparation de l'Eglise et del'Etat. Dès lors, même si l'arrêté entrepris comportait une atteinte graveà la liberté religieuse de la recourante, il se fonde sur une base légalesuffisante.
Encore peut-on préciser que, malgré son habillement caractéristique, larecourante n'occupe aucune fonction particulière dans l'organisationislamique, de sorte qu'il est douteux qu'elle ne puisse plus être qualifiéede laïque au sens de l'art. 120 al. 2 LIP. Du reste, dans ses observationsdu 15 janvier 1997, le Conseil d'Etat indique qu'il n'a jamais prétenduqu'elle ne respecterait plus les exigences de cette disposition. La priseen compte de cet article dans l'analyse de la base légale s'expliquetoutefois du fait qu'il constitue l'une des expressions de la volonté dulégislateur d'instaurer une école religieusement neutre.
On pourrait enfin se demander si un canton peut se fonder directement surl'art. 27 al. 3 Cst. pour ordonner à ses enseignants de respecter laneutralité religieuse de l'école également dans leur apparence extérieure,ou s'il doit nécessairement disposer d'une norme cantonale à cet égard.Cette question peut toutefois rester indécise, la législation genevoisecomportant une telle base légale.
4.
a) Puis, la recourante déclare que la décision attaquée ne répond pas à un intérêt public.
En arborant un signe religieux fort dans l'enceinte de l'école, voire en classe, la recourante peut porter atteinte aux sentiments religieux de ses élèves, des autres élèves de l'école et de leurs parents. Certes, ni parents ni élèves ne se sont plaints jusqu'ici. Mais cela ne signifie pas qu'aucun d'entre eux n'ait été heurté. Il est possible que certains aient renoncé à intervenir directement pour ne pas envenimer la situation, en espérant une réaction spontanée des autorités scolaires. Du reste, l'opinion publique s'est émue de ce problème, la recourante a fait l'objet de nombreuses interviews et le Grand Conseil a adopté une résolution dans le sens de la décision prise par le Conseil d'Etat. De même, s'il est vrai que les autorités scolaires ne sont pas intervenues par voie de décision immédiatement après que l'inspectrice les a informées de la tenue de la recourante, cette attitude ne doit pas être entendue comme un assentiment implicite. Il est compréhensible que les autorités scolaires aient d'abord tenté de régler la question sans épreuve de force.
La décision attaquée est en droite ligne du principe de la neutralitéconfessionnelle de l'école, dont le but est non seulement de protéger lesconvictions religieuses des élèves et des parents, mais également d'assurerla paix religieuse qui, sous certains aspects, reste fragile. A cet égard,il faut relever que l'école risquerait de devenir un lieu d'affrontementreligieux si les maîtres étaient autorisés par leur comportement, notammentleur habillement, à manifester fortement leurs convictions dans ce domaine.Il existe donc un intérêt public important à interdire à la recourante deporter le foulard musulman.
b) Encore faut-il examiner si l'arrêté entrepris respecte le principe de la proportionnalité et peser avec le plus grand soin les intérêts en jeu (HÄFELIN, op.cit., n. 139 ad art. 49).
A cet égard, il convient de comparer la liberté de conscience et decroyance de la recourante à l'intérêt public à la neutralitéconfessionnelle de l'école, c'est-à-dire de confronter l'intérêt de larecourante à respecter un commandement de sa religion à l'intérêt des
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élèves et de leurs parents à ne pas être influencés ou heurtés dans leurspropres convictions, ainsi qu'à l'intérêt de maintenir la paixconfessionnelle à l'école. Enfin, encore faut-il tenir compte de lanécessité d'une tolérance, également composante du principe de laneutralité confessionnelle, entre les adhérents de diverses croyancesreligieuses (cf.
ATF 119 Ia 178
consid. 7a p. 190;
ATF 116 Ia 252
consid. 6a p.261; KARLEN, Umstrittene Religionsfreiheit, op.cit., p. 199/200; mêmeauteur, Das Grundrecht, op.cit., p. 193 ss et 386; WALTER GUT, Kreuz undKruzifix in öffentlichen Räumen im säkularen Staat, in RDS 1997 I p. 63 ss,spéc. n. 11 p. 77; MARTIN PHILIPP WYSS, op.cit., p. 405; PIUS HAFNER, Staatund Kirche im Kanton Luzern, Fribourg 1991, p. 199; CONSTANCE GREWE etCHRISTIAN RUMPF, La Cour constitutionnelle turque et sa décision relativeau "foulard islamique", in RUDH 1991, p. 113 ss, spéc. n. 2 in fine, p. 124).
Il faut cependant d'emblée rappeler que la liberté religieuse ne sauraitdispenser automatiquement une personne de ses devoirs civiques ou, ici, deses devoirs de fonction (
ATF 119 Ia 178
consid. 7a p. 190). Les enseignantsdoivent tolérer des restrictions - proportionnées - à leur libertéreligieuse (HAFNER, La libertà religiosa chiede la tolleranza per i simbolireligiosi, J+P Text 2/95, n. III/D4 p. 9; THOMAS WYSS, op.cit., p. 232).
aa) Avant d'étudier de plus près les questions litigieuses, il n'est pasinutile d'examiner les solutions adoptées par d'autres pays dans des casidentiques ou par le Tribunal fédéral dans des affaires analogues.
Ainsi, en Allemagne, le 9 septembre 1985 (NVwZ 1986 n. 49, p. 405 ss), leTribunal administratif supérieur de Munich a confirmé l'interdiction faiteà un enseignant d'une école publique de porter, dans l'enceinte de l'école,des vêtements de couleurs répondant aux exigences du mouvement religieuxBhagwan (tons rouges, allant de rose à lilas foncé). Le Tribunaladministratif a retenu que l'enseignant qui met constamment etquotidiennement en exergue, par son habillement, qu'il adhère à certainesconvictions religieuses, conduit nécessairement ses élèves à se préoccuperde ses idées (arrêt critiqué par HANS W. ALBERTS, Neue Religionen undBeamtenrecht - Sannyasin als Lehrer? in NVwZ 1985 p. 92 ss, spéc. p. 95).
En France, dans un arrêt du 20 octobre 1994, le Tribunal administratif deBordeaux a admis le recours d'une élève infirmière qui avait été exclue del'école parce qu'elle refusait de renoncer au port du voile ou d'un bonnetchirurgical, bien que le foulard ou le bonnet puisse gravement troublercertains patients du département psychiatrique
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dans lequel elle devait faire son stage. Selon un auteur allemand, A. GROMITSARIS (Laïzität undNeutralität in der Schule, in AöR, 121/1996, p. 359 ss, spéc. p. 393), ladoctrine qui s'est exprimée au sujet de cette décision a surtout traité del'ambivalence du statut de l'élève infirmière, qui peut être simple élèveou stagiaire dans un hôpital. En ce sens, si le port du foulard par uneélève peut être autorisé à l'école, il est inadmissible dans le cadre d'unstage professionnel effectué comme soignante dans un service public, lecomportement de la stagiaire devant alors être imputé à l'Etat.
Toujours en France, dans un arrêt du 14 avril 1992, le Tribunaladministratif de Versailles a confirmé la non-prolongation du contrat d'une"maîtresse de demi-pension" (une surveillante) d'un établissement scolairesecondaire qui ne voulait pas quitter le voile. GROMITSARIS (op.cit., p.394) souligne à cet égard que la "maîtresse" n'exerçait pas d'activitésd'enseignement et ne se livrait à aucun acte de prosélytisme, de sortequ'une telle atteinte dans sa liberté de religion était justifiéeuniquement du fait qu'elle incarnait l'école dans son activité desurveillance. En outre, dans le cadre de ce rapport hiérarchique envers lesélèves, le simple port du foulard comportait un caractère ostentatoireagissant sur le processus de formation de la conscience de ceux-ci. Cetauteur soulignait en d'autres termes que les signes d'appartenancereligieuse ont en eux-mêmes, lorsqu'ils sont portés par des enseignants oud'autres membres de l'administration scolaire, un caractère violant le principe de la laïcité.
Dans l'
ATF 116 Ia 252
consid. 7b p. 262, le Tribunal fédéral a retenu quela décision de l'autorité de faire placer un crucifix dans les sallesd'école est contraire au principe de la neutralité confessionnelle del'école sanctionnée par l'
art 27 al. 3 Cst., car on peut concevoir quecelui qui fréquente l'école publique voie dans la présence d'un tel symbolela volonté de se référer à des conceptions de la religion chrétienne enmatière d'enseignement ou de placer l'enseignement sous l'influence d'unetelle religion; il n'est pas non plus exclu que quelques personnes sesentent lésées dans leurs convictions religieuses par la présenceconstante, dans les salles de classe, du symbole d'une religion à laquelleils n'appartiennent pas. Cela peut avoir des conséquences non négligeablesspécialement sur l'évolution spirituelle des élèves et sur leursconvictions religieuses - qui sont celles de leurs parents - et danslesquelles ils sont éduqués en même temps qu'à l'école, conséquences quel'
art. 27 al. 3 Cst. veut justement éviter. On peut tirer de cet arrêt une
BGE 123 I 296 S. 308
analogie certaine dans la mesure où il s'agissait également d'un symbolereligieux fort. Certes, le crucifix avait été apposé par les autoritésscolaires mais force est de constater que le maître représente également l'Etat et l'école.
Enfin, dans l'
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consid. 7a p. 190, le Tribunal fédéral aautorisé une enfant à ne pas participer à des cours de natation mixte àl'école primaire car, selon la conception de sa famille, l'islaminterdisait la mixité en ce domaine. A cet égard, le Tribunal fédéral arelevé que, selon l'
art. 49 al. 5 Cst., les opinions religieuses nepermettent pas de s'affranchir de l'accomplissement des devoirs civiques,mais que le caractère prioritaire de ces devoirs ne doit cependant pas êtreconsidéré comme absolu, car les alinéas 1er et 5 de l'
art. 49 Cst. sont,d'un point de vue juridique, de même niveau. Il appartient dès lors aulégislateur, lorsqu'il définit les devoirs des citoyens, de prendre enconsidération la liberté de conscience et de croyance. Cet arrêt comportetoutefois la différence importante qu'il s'agissait alors d'une restrictionimposée à une élève, non à un enseignant.
bb) En ce qui concerne le cas d'espèce, l'intérêt public opposé à l'intérêt de la recourante est la neutralité confessionnelle, sous ses différents aspects, qu'il convient d'examiner ci-après:
La liberté de conscience et de croyance oblige l'Etat à observer uneneutralité confessionnelle et religieuse; le citoyen peut se prévaloir àcet égard d'un droit individuel (
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consid. 3b p. 53 et 4e/aa p.58;
113 Ia 304 consid. 4c p. 307). L'Etat peut porter atteinte à la libertéreligieuse lorsqu'il prend parti de manière illicite dans des controversesd'ordre religieux ou métaphysique, en particulier en soutenantfinancièrement un des protagonistes (
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consid. 4e/aa p. 58).L'exigence de neutralité n'est cependant pas absolue, ce que démontrel'existence - admissible - d'Eglises nationales garanties par le droitpublic (
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consid. 4e/aa p. 58;
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consid. 5d p.258/259). La neutralité n'a pas pour sens d'exclure, dans les activités del'Etat, tout élément d'ordre religieux ou métaphysique; toutefois, uneattitude antireligieuse, telle qu'une laïcité de combat, voireirréligieuse, n'est pas neutre. La neutralité tend à ce que toutes lesconceptions existant dans une société pluraliste soient prises en comptesans esprit partisan. Le principe selon lequel l'Etat ne doit avantager oudésavantager personne pour des motifs religieux a une portée générale etil découle directement des
art. 49 et 50 Cst. (
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consid. 4e/aap. 58; KARLEN, Umstrittene Religionsfreiheit, op.cit.,
BGE 123 I 296 S. 309
p. 199/200; mêmeauteur, Das Grundrecht, op.cit., p. 188). Finalement, la laïcité de l'Etatse résume en une obligation de neutralité qui lui impose de s'abstenir,dans les actes publics, de toute considération confessionnelle oureligieuse susceptible de compromettre la liberté des citoyens dans unesociété pluraliste (
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consid. 5e p. 260 et les référencescitées). En ce sens, elle vise à préserver la liberté de religion descitoyens, mais aussi à maintenir, dans un esprit de tolérance, la paixconfessionnelle (cf. GUT, op.cit., n. 11 p. 76; MARTIN PHILIPP WYSS, op.cit., p. 400/401).Cette neutralité prend une importance particulière à l'école publique, carl'enseignement est obligatoire pour chacun, sans aucune différence entreles confessions. En cette matière, l'
art. 27 al. 3 Cst., selon lequel "lesécoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents detoutes les confessions, sans qu'ils aient à souffrir d'aucune façon dansleur liberté de conscience ou de croyance", est le corollaire de la libertéde conscience et de croyance. Cette disposition a pour but de garantir lerespect de la sensibilité des individus de convictions diverses, derenforcer le droit conféré aux parents par les
art. 49 al. 3 Cst. et 303 CCet de protéger de toute influence le droit des enfants de choisir librementleur confession au moment où ils accomplissent leur 16e année (ATF 116 Ia252 consid. 6 p. 260). Enfin, voulant préserver la paix confessionnelle, laneutralité religieuse tend à éviter que l'école devienne un lieud'affrontement entre tenants de convictions différentes. En conséquence,l'orientation confessionnelle de l'enseignement de la part de l'autorité oudes enseignants - en faveur ou en défaveur d'une ou de plusieurs religions- ne saurait être imposée de manière contraignante (
ATF 116 Ia 252
consid.6b p. 261). L'
art. 27 al. 3 Cst. prohibe donc les programmes, formes etméthodes d'enseignement ou d'organisation scolaire, qui ont une orientationconfessionnelle ou qui, au contraire, sont hostiles aux convictionsreligieuses (
ATF 119 Ia 178
consid. 1c p. 180; FLEINER/GIACOMETTI,Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich 1949, p. 329; BURCKHARDT,op.cit., p. 200). De même, l'école ne doit pas s'identifier à certainesconceptions religieuses - majoritaires ou minoritaires - au détriment desadhérents d'autres confessions (
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consid. 7b p. 262; HAFNER,Staat und Kirche, op.cit., p. 195; Karlen, Das Grundrecht, op.cit., p. 188et 396). Elle doit tenir compte du phénomène religieux, sans toutefoiscompromettre la liberté de religion des élèves, notamment en exerçant descontraintes à leur encontre ou en dépréciant ou vantant certaines
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convictions déterminées (
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consid. 4e/aa p. 58; KARLEN, DasGrundrecht, op.cit., p. 386; BURCKHARDT, op.cit., p. 201).
Dans cette optique, l'attitude des enseignants joue un rôle important. Mêmepar leur seul comportement, ceux-ci peuvent avoir une grande influence surleurs élèves; ils représentent un modèle auquel les élèves sontparticulièrement réceptifs en raison de leur jeune âge, de la quotidiennetéde la relation - à laquelle ils ne peuvent en principe se soustraire - etde la nature hiérarchique de ce rapport. En fait, l'enseignant estdétenteur d'une part de l'autorité scolaire et représente l'Etat, auquelson comportement doit être imputé. Il est donc spécialement important qu'ilexerce ses fonctions, c'est-à-dire transmette des connaissances etdéveloppe des aptitudes, en restant confessionnellement neutre. Il ne doitpas seulement renoncer à utiliser des moyens illicites pour tenterd'endoctriner ses élèves, tels que des pressions psychiques, la sanctiond'opinions opposées ou la discrimination, mais il doit en outre êtreparticulièrement attentif à respecter la liberté de religion de ses élèves,c'est-à-dire à observer une grande discrétion dans l'expression de sescroyances, à ne pas les heurter dans leurs convictions et à ne pas abuserde son autorité pour contrarier l'éducation que leurs parents entendentleur donner ou pour les influencer dans leur choix, le moment venu. Il luiappartient ainsi de prendre en considération les différentes croyances deses élèves et de faire régner dans l'école une atmosphère de tolérancereligieuse (KARLEN, Das Grundrecht, op.cit., p. 389; HERBERT PLOTKE,Schweizerisches Schulrecht, Berne 1979, p. 155 et 160; FAVRE, op.cit., p. 300).Toutefois, un enseignement absolument neutre sous tous ses aspects est,concrètement, difficilement concevable (MARCO BORGHI, Commentaire de laConstitution fédérale, n. 68/69 ad art. 27). Il est inévitable que lesconvictions de l'enseignant exercent une certaine influence dans desmatières déterminées de l'enseignement (histoire, géographie...), sur samanière d'éduquer ses élèves et sur son comportement en général. Du reste,l'exigence de neutralité à l'école ne permet pas de disqualifier desmaîtres ayant des convictions religieuses, ni même d'attendre d'eux qu'ilsrenient leur confession au point qu'elle ne soit plus reconnaissable(BORGHI, op.cit., n. 76/77 ad art. 27; PLOTKE, op.cit., p. 160/161; FAVRE,op.cit., p. 300). De même, la liberté de croyance ne comporte pas un droitgénéral à ne pas être exposé aux convictions religieuses d'autrui (KARLEN,Religiöse Symbole in öffentlichen Räumen, in ZBl 90/1989, p. 12 ss, spéc. p. 15).
Toute la question est ainsi de savoir jusqu'où va le devoir de réserve d'unenseignant d'une école publique dans le cadre de ses activités.Une réponse doit être élaborée en tenant compte de toutes les circonstancesdu cas concret (cf. KARLEN, Umstrittene Religionsfreiheit, op.cit., p. 206ss). Le devoir de réserve sera plus strict lorsqu'il s'agit de l'écoleobligatoire. Dans ce sens, en principe, plus les degrés d'enseignement sontélevés, plus les limites posées au comportement orienté de l'enseignantdoivent être élargies, car les élèves plus âgés disposent normalement d'uneplus grande capacité de discernement en matière spirituelle et sont, surles plans intellectuels et personnels, plus indépendants de leur maître(BURCKHARDT, op.cit., note 1 p. 200). Le danger d'influence par le maîtredoit de même être relativisé dans la mesure où les élèves sont soumis àd'autres courants provenant de l'environnement, de camarades, d'autresprofesseurs et de leurs parents. Enfin, il faut examiner la manière dontl'enseignant vit et présente ses convictions à l'école. En particulier, sondevoir de discrétion peut être assoupli s'il met en évidence que sonopinion n'en est qu'une parmi d'autres et s'il encourage ses élèves à sedéterminer en toute liberté (THOMAS WYSS, op.cit., p. 227 et 231). De même,si la manifestation religieuse extérieure du maître inclut le port d'unsigne religieux, il faut tenir compte du degré de visibilité et de forced'évocation de ce symbole (KARLEN, Umstrittene Religionsfreiheit, op.cit.,p. 207 et 210).
cc) En l'espèce, d'un côté, ainsi qu'on l'a vu plus haut, interdire à larecourante de porter le foulard la place devant une alternative difficile:ne pas respecter un précepte de sa religion qu'elle juge important oucourir le risque de ne plus pouvoir enseigner à l'école publique.
Mais, d'un autre côté, le foulard est ici un signe religieux évident. Enoutre, la recourante enseigne dans une école primaire, c'est-à-dire à dejeunes enfants particulièrement influençables. Certes, il ne lui est pasreproché de se livrer au prosélytisme ni même de parler de ses convictionsà ses élèves. La recourante ne peut toutefois guère se soustraire auxquestions que les enfants n'ont pas manqué de lui poser. Il paraît plutôtdélicat d'invoquer à cet égard des arguments esthétiques ou de sensibilitéau froid, ainsi qu'elle a déclaré, selon le dossier, l'avoir fait jusqu'àprésent, car les enfants se rendent compte qu'il s'agit d'une échappatoire.Elle peut ainsi difficilement leur répondre sans exposer ses convictions.Or, la recourante détient une part de l'autorité scolaire et personnifie
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l'école aux yeux de ses élèves, de sorte que, même si d'autres enseignantsde la même école font montre d'autres opinions religieuses, une tellereprésentation de soi paraît difficilement concevable avec le principe denon-identification, dans la mesure où, comme fonctionnaire, soncomportement doit être imputé à l'Etat. Enfin, il faut rappeler que lecanton de Genève a opté pour une nette séparation de l'Eglise et de l'Etatqui se traduit notamment par une laïcité marquée de l'enseignement public.Par ailleurs, force est de constater que le port du foulard estdifficilement conciliable avec le principe de l'égalité de traitement dessexes (cf. SAMI ALDEEB, Musulmans en terre européenne, PJA 1/96 p. 42 ss,spéc. lettre d p. 49). Or, il s'agit là d'une valeur fondamentale de notresociété, consacrée par une disposition constitutionnelle expresse (art. 4al. 2 Cst.), qui doit être prise en compte par l'école.
De plus, la paix confessionnelle demeure finalement malgré tout fragile etl'attitude de la recourante est susceptible d'entraîner des réactions,voire des affrontements qu'il convient d'éviter. Il faut du reste tenircompte dans la pesée des intérêts du fait qu'admettre le port du foulardconduirait à accepter également le port de symboles vestimentaires fortsd'autres religions, par exemple la soutane ou la kippa (à cet égard, sousl'angle de la proportionnalité, le Conseil d'Etat admet qu'un maître porteà l'école un signe religieux discret, par exemple un petit bijou, problèmequ'il n'est pas nécessaire d'approfondir ici). Pareille conséquencepourrait compromettre le principe de la neutralité confessionnelle àl'école. On peut enfin noter qu'il est difficilement concevable d'interdirela pose du crucifix dans une école publique et d'admettre que les maîtresportent eux-mêmes des symboles religieux forts, peu importe de quelle confession.En conclusion, il existe en l'espèce des éléments prépondérants quipermettent au Conseil d'Etat, sans violer les art. 49 Cst. ou 9 CEDH,d'interdire à la recourante de porter le foulard dans le cadre de ses activités d'enseignante.