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Urteilskopf
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2. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 23 mars 2000 dans la cause O. contre Chambre d'accusation et Chef de la police du canton de Genève (recours de droit public)
Regeste
Art. 10 Abs. 2, 13 Abs. 2 und 29 Abs. 2 BV; Einsicht in Polizeiakten.
Abgrenzung zwischen dem aus der persönlichen Freiheit (Art. 10 Abs. 2 BV) und dem Anspruch auf Schutz vor Missbrauch persönlicher Daten (Art. 13 Abs. 2 BV) abgeleiteten Akteneinsichtsrecht einerseits und dem Anspruch auf rechtliches Gehör (Art. 29 Abs. 2 BV) andererseits (E. 2).
Kann der Betroffene nach dem anwendbaren kantonalen Recht die Berichtigung oder die Löschung unrichtiger Daten in Polizeiakten verlangen, muss er auch die Möglichkeit haben, Einsicht in diese Akten zu nehmen, sofern kein überwiegendes, von der Behörde nachzuweisendes öffentliches Interesse entgegensteht (E. 3).
Le 6 décembre 1996, le Procureur général du canton de Genève a reçu une plainte relative à des actes de pornographie et pédophilie commis sur Internet, mettant en cause la société X., spécialisée dans le domaine de l'accès et l'utilisation d'Internet. Une enquête préliminaire de police a été ordonnée et les représentants de X., parmi lesquels O., ont été entendus.
Le 29 janvier 1999, le Procureur général a classé la procédure en tant qu'elle concernait les organes de X.: les infractions avaient été commises sur le réseau Internet depuis l'étranger, et le fournisseur d'accès, qui n'était pas à même de vérifier les informations accessibles, ignorait la diffusion des images tombant sous le coup de l'art. 197 CP.
Le 25 février 1999, se fondant sur l'art. 3A de la loi genevoise sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et moeurs (LDP/GE), O. a demandé à être renseigné sur les données personnelles contenues dans les dossiers et fichiers de police.
Le 29 mars 1999, le Chef de la police lui a transmis l'inventaire des pièces du dossier.
Le 16 avril 1999, O. demanda la radiation de toutes les données concernant la procédure pénale, puisque celle-ci avait fait l'objet d'un classement.
Dans sa réponse, du 24 juin 1999, le Chef de la police indiqua avoir procédé à la rectification de l'inventaire. En revanche, il refusa de détruire les rapports de police établis dans le cadre de la procédure pénale, qui avait fait l'objet d'un simple classement.
O. a recouru contre cette décision auprès de la Chambre d'accusation genevoise. Il invoquait son droit d'accès au dossier de police,
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n'en ayant pu consulter que l'inventaire. Il demandait par ailleurs la radiation de toute mention de la plainte déposée contre X., et la destruction des pièces no 2, 3 et 6 de l'inventaire.Par ordonnance du 6 octobre 1999, la Chambre d'accusation a partiellement admis le recours. Elle a rejeté la demande de consultation du dossier, au motif que le recourant ne faisait pas partie des personnes habilitées au sens de l'art. 2 LDP/GE. Par ailleurs, les renseignements figurant au dossier portaient sur des investigations complexes; ils étaient récents et gardaient leur utilité, le classement étant intervenu en raison de la prévention insuffisante, et sauf faits nouveaux. Les éventuelles infractions commises dans le cadre de personnes morales seraient imputables à leurs organes. La Chambre d'accusation a toutefois considéré que l'inventaire des pièces devait être modifié, en précisant l'objet de la plainte et en mentionnant l'ordonnance de classement.
O. forme un recours de droit public contre cette ordonnance. Il conclut, préalablement, à ce que les art. 2 et 3A LDP /GE soient déclarés contraires à la Constitution, principalement à l'annulation de l'ordonnance attaquée et au renvoi de la cause à la cour cantonale afin que le recourant ait accès à l'intégralité de son dossier de police, notamment les rapports des 19 août 1997, 9 juin et 16 novembre 1998.
Le Tribunal fédéral a admis le recours.
Extrait des considérants:
2. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 4 aCst., principalement de son droit d'être entendu. Il se plaint de n'avoir pu accéder aux données contenues dans son dossier de police afin d'en contrôler l'exactitude; il y aurait lieu de penser que le dossier contiendrait des inexactitudes concernant le recourant. L'inventaire fourni par le Chef de la police serait insuffisant à ce propos. Les conditions de restriction au droit d'accès, telles que prévues à l'art. 5 LDP/GE, ne seraient pas réalisées dès lors que le recourant a été entendu comme témoin, sans être mis en cause personnellement. La procédure a d'ailleurs été classée. Il y aurait inégalité de traitement puisque son dossier a été transmis à l'Office cantonal de la population. La cour cantonale aurait arbitrairement retenu que le recourant ne fait pas partie des personnes habilitées par l'art. 2 LDP/GE à consulter le dossier: son droit de consultation serait fondé sur l'art. 3A de la loi. Le refus de la cour cantonale violerait aussi sa liberté personnelle art. 2 et 3A LDP /GE pour contraires à la Constitution et au droit fédéral.
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et l'art. 8 CEDH (RS 0.101). Il tient enfin les a) Sous l'angle de la protection des données, le droit de consulter un dossier de l'autorité contenant des données personnelles découle non seulement de la liberté personnelle, aujourd'hui garantie à cet égard par l'art. 10 al. 2 Cst., mais plus spécifiquement du droit, garanti depuis le 1er janvier 2000 par l'art. 13 al. 2 Cst., d'être protégé contre l'emploi abusif des données personnelles. Le Tribunal fédéral admet que la personne concernée a en principe le droit de consulter les renseignements recueillis sur elle pour pouvoir réclamer, s'il y a lieu, leur rectification (ATF 113 Ia 1 consid. 4b/bb p. 7). Il relève qu'il y va de l'intérêt de l'autorité elle-même à ne détenir que des données utiles et concrètes (ATF 113 Ia 257 consid. 4c p. 264). La conservation de renseignements porte une atteinte au moins virtuelle à la personnalité de l'intéressé, tant que ceux-ci peuvent être utilisés ou, simplement, être consultés par des agents de la police ou être pris en considération lors de demandes d'informations présentées par certaines autorités, voire même être transmis à ces dernières (arrêt du 12 janvier 1990 dans la cause S., consid. 2a, reproduit à la SJ 1990 p. 561).
b) En tant que garantie générale de procédure, le droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. (art. 4 aCst.), permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d'une décision. En effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l'autorité dispose. Selon la jurisprudence, la garantie constitutionnelle de l'accès au dossier comprend le droit de consulter des pièces au siège de l'autorité, de prendre des notes et de faire des photocopies, pour autant qu'il n'en résulte pas un surcroît de travail excessif pour l'autorité (ATF 122 I 109 consid. 2b p. 112 et les arrêts cités). Ce droit n'est pas absolu et peut être limité pour la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant, dans l'intérêt d'un particulier, voire même dans l'intérêt du requérant lui-même (ATF 122 I 153 consid. 6a p. 161 et les arrêts cités). L'accès au dossier peut être exercé non seulement dans la procédure proprement dite, mais aussi indépendamment, par exemple pour consulter un dossier archivé. Dans ce dernier cas, le requérant doit faire valoir un intérêt digne de protection. Ce droit peut, lui aussi, être restreint ou supprimé dans la mesure où l'intérêt public, ou l'intérêt de tiers, exigent que tout ou partie des documents soient tenus secrets. Conformément au principe de la proportionnalité, l'autorité doit autoriser l'accès aux pièces dont la
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consultation ne compromet pas les intérêts en cause (ATF 125 I 257 consid. 3b p. 260 et les arrêts cités).c) Fondées sur des bases constitutionnelles différentes, les garanties rappelées ci-dessus ne se recoupent pas entièrement: elles ont chacune leur propre champ d'application et peuvent être invoquées indépendamment l'une de l'autre (ATF 125 II 473 consid. 4a p. 74 et la jurisprudence citée). Le droit d'accès aux données, tel qu'il découle de l'art. 13 al. 2 Cst., est concrétisé, en droit genevois, par l'art. 3A LDP/GE, qui garantit le droit "aux renseignements", à la rectification et à la radiation des données inexactes. Les conditions matérielles en sont déterminées à l'art. 3A al. 1, 2, 3 et 5, alors que la procédure est réglée par les art. 3B et 3C de la loi. S'agissant en revanche du droit de consulter le dossier, déduit de l'art. 29 al. 2 Cst., le droit genevois renvoie, pour les procédures pénales pendantes, aux règles de procédure applicables (art. 3A al. 4 LDP/GE).
En l'espèce, point n'est besoin de rechercher si - et dans quelle mesure - le droit d'accès aux dossiers de police peut être déduit directement de la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et des normes cantonales de procédure qui la mettent en oeuvre; en effet, même si la décision de classement n'a qu'un caractère provisoire, et si, dès lors, la procédure pénale n'est pas formellement et définitivement close, la cour cantonale n'a pas considéré que la demande de consultation devait être examinée au regard des règles cantonales de procédure pénale. Le présent recours doit donc être examiné - et admis, comme on le verra - sous l'angle de la seule garantie constitutionnelle de la protection des données, et du droit d'accès spécifique aménagé, en droit cantonal, à l'art. 3A LDP/GE.
Art. 2 Consultation des dossiers
1 Les dossiers de police ne peuvent être remis en communication qu'aux fonctionnaires de police, qui doivent les consulter sur place, c'est-à-dire dans les locaux de la sûreté, au Conseiller d'Etat chargé du département de justice et police et des transports, au secrétaire général et aux secrétaires adjoints de ce département.
2 Ils peuvent aussi être communiqués au procureur général, aux procureurs, aux substituts, aux juges d'instruction, aux juges juristes présidant le Tribunal de la jeunesse, au juge des enfants, ainsi qu'au président de la Chambre d'accusation dans le cas prévu à l'art. 1, alinéa 4.
3 [procédure].
Art. 3A Droit d'accès
Droit aux renseignements, rectification et radiation des données inexactes
1 Toute personne a le droit d'être renseignée sur les données personnelles la concernant qui sont contenues dans les dossiers et fichiers de police et en requérir la rectification ou la radiation lorsque celles-ci sont inexactes.
Le droit d'être renseigné sur les données personnelles s'étend à l'usage qui en est fait.
2 La preuve de l'exactitude d'une donnée doit être apportée par la police.
Si ni l'exactitude, ni l'inexactitude ne peut être prouvée, mention en est faite dans le dossier.
3 Nul ne peut renoncer d'avance au droit d'accès.
4 Si la personne qui demande des renseignements fait l'objet d'une enquête préliminaire ou d'une procédure pénale [...], son droit est régi par les règles de procédure pénale qui lui sont applicables.
5 Si aucune enquête ou procédure pénale, au sens de l'alinéa 4, n'est pendante, le droit d'obtenir des renseignements peut être limité, suspendu ou refusé si un intérêt public prépondérant, en particulier l'exécution de la peine ou la prévention efficace des crimes et délits par la police l'exigent. Il en va de même si la communication des renseignements est contraire à des intérêts prépondérants et légitimes de tiers.
b) Pour motiver son refus d'accès au dossier, la cour cantonale se borne à considérer que le recourant ne faisait pas partie des personnes mentionnées à l'art. 2 LDP/GE, disposition qui ne traite que de la consultation des dossiers de police par les membres des autorités. Elle ne fait nullement mention de l'art. 3A LDP/GE.
c) Insuffisante et lacunaire, une telle motivation heurte les principes rappelés ci-dessus.
aa) Le droit de requérir la rectification et la radiation de données inexactes, qui découle du droit de toute personne à être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernent (art. 13 al. 2 Cst.), fait l'objet d'une garantie spécifique en droit genevois, l'art. 3A LDP/GE. Cette disposition suppose que le justiciable a pu avoir connaissance des données recueillies à son sujet dans le dossier de police. Même si le droit cantonal ne le prévoit pas (ou ne le fait qu'implicitement, à l'art. 3A LDP/GE), la personne visée par une enquête, à quelque titre que ce soit, a un intérêt légitime à connaître les renseignements obtenus dans ce cadre. En l'espèce, cet intérêt est d'autant plus manifeste que les accusations portées contre X. et ses organes étaient graves. Privé d'accès au dossier, le recourant n'avait aucune possibilité de vérifier si celui-ci contient des données inexactes, et de s'assurer que n'y figurent que les renseignements
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nécessaires à l'exécution des tâches de police (art. 2 al. 1 LDP/GE; ATF 113 Ia 1 consid. 4b/cc p. 7). Le recourant se trouvait de surcroît entravé dans l'exercice du droit de recours prévu à l'art. 3C LDP/GE. A cet égard, la production par l'autorité d'un inventaire des pièces du dossier de police du requérant était manifestement insuffisante et inapte à satisfaire le droit, que lui reconnaît l'art. 3A al. 1 LDP/GE, d'être renseigné sur les données personelles le concernant contenues dans le dossier de police. Le recourant était d'autant plus fondé à vérifier le contenu du dossier qu'à deux reprises, l'inventaire fourni par le chef de la police avait dû, à sa demande, être corrigé.bb) Sur le fond, la consultation du dossier de police peut certes être restreinte ou supprimée en raison d'un intérêt prépondérant. S'agissant de données récoltées par la police, les nécessités liées à la poursuite des infractions et à la découverte de leurs auteurs constituent un intérêt public évident, tout comme les restrictions à la communication de renseignements justifiées par des intérêts prépondérants et légitimes de tiers (art. 3A al. 5 LDP/GE; cf. également l'art. 102bis al. 2 PPF [RS 312.0]). En l'espèce toutefois, l'autorité cantonale a omis de procéder à une pesée des intérêts en présence et d'indiquer quel motif spécifique apparaissait suffisant pour empêcher toute consultation du dossier par le recourant. Dans une décision très circonstanciée, le Procureur général a en effet classé la procédure le 29 janvier 1999, en tant qu'elle concernait les organes de X., car le fournisseur d'accès Internet n'était pas à même de vérifier les informations accessibles et ignorait la diffusion, sur le réseau, des images tombant sous le coup de l'art. 197 CP. En l'état, le recourant semble donc mis hors de cause. Certes, au contraire du non-lieu (art. 204 al. 1 CPP/GE) qui met fin à la procédure pénale, le classement peut être prononcé par le Ministère public lorsqu'il estime, pour des motifs de droit ou de simple opportunité, "que les circonstances ne justifient pas l'exercice de l'action publique" (art. 198 al. 1 CPP/GE); une telle décision est dépourvue de toute autorité de la chose jugée, le Ministère public pouvant, tant que la prescription n'est pas acquise, décider d'engager à nouveau la poursuite pénale si des circonstances nouvelles apparaissent. Toutefois, même si la possibilité d'une reprise de l'instruction n'est pas exclue, on ne saurait refuser l'accès au dossier de police pour cette seule raison, car ce refus obligerait les personnes mises au bénéfice d'un classement de requérir un non-lieu préalablement à toute demande de consultation du dossier dans une situation analogue à celle du cas d'espèce.
cc) L'autorité cantonale devait bien plutôt rechercher concrètement si le dossier de police contenait des données qui devaient demeurer inconnues du recourant, par exemple dans la perspective d'une éventuelle reprise de l'enquête. Le principe de la proportionnalité commande en effet, plutôt que de refuser tout accès au dossier, d'autoriser l'accès aux pièces dont la consultation ne compromet pas les intérêts en cause (ATF 125 I 257 consid. 3b p. 260 et la jurisprudence citée).
d) Sur le vu de ce qui précède, la décision attaquée, qui refuse par principe toute consultation du dossier de police, consacre une application arbitraire de l'art. 3A LDP/GE; elle se révèle ainsi contraire à l'art. 13 al. 2 Cst., ainsi qu'à l'art. 8 CEDH que le recourant invoque également (cf. notamment l'arrêt de la CourEDH Amann c. Suisse, du 16 février 2000, § 65-80). La cause doit par conséquent être renvoyée à la cour cantonale. Il lui appartiendra de statuer sur la demande de consultation qui lui était soumise, d'indiquer, le cas échéant, les motifs précis qui pourraient y faire obstacle, et de définir, s'il y a lieu, les modalités pratiques d'exercice du droit de consultation.
Cela étant, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant.