134 I 322
Chapeau
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37. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Amaudruz et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Genève (recours en matière de droit public)
1C_155/2008 du 5 septembre 2008
Regeste
Art. 5 al. 1, art. 36 al. 1 et art. 164 al. 1 Cst. ; règlement genevois relatif à l'interdiction de fumer dans les lieux publics.
La disposition constitutionnelle cantonale sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics n'est pas directement applicable (consid. 2.5). Le règlement attaqué ne peut se fonder ni sur cette disposition, insuffisamment précise et dépourvue de délégation en faveur de l'exécutif (consid. 2.6), ni sur la clause d'urgence (consid. 2.7).
Le 22 juin 2006, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a partiellement validé l'initiative populaire intitulée "Fumée passive et santé" (IN 129). Celle-ci portait sur l'introduction, dans la Constitution genevoise (Cst./GE; RS 131.234), d'un nouvel article 178B intitulé "Protection de l'hygiène publique et de la santé; Fumée passive". Tel qu'il a été validé, le texte de cette disposition était ainsi libellé:
Art. 178B
1Vu l'intérêt public que constitue le respect de l'hygiène publique et la protection de la santé, le Conseil d'État est chargé de prendre des mesures contre les atteintes à l'hygiène et à la santé de la population résultant de l'exposition à la fumée du tabac, dont il est démontré scientifiquement qu'elle entraîne la maladie, l'invalidité et la mort.
2Afin de protéger l'ensemble de la population, il est interdit de fumer dans les lieux publics intérieurs ou fermés, tout particulièrement dans ceux qui sont soumis à une autorisation d'exploitation.
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3Sont concernés:
a) tous les bâtiments ou locaux publics dépendant de l'État et des communes ainsi que toutes autres institutions de caractère public;
b) tous les bâtiments ou locaux ouverts au public, notamment ceux affectés à des activités médicales, hospitalières, para-hospitalières, culturelles, récréatives, sportives ainsi qu'à des activités de formation, de loisirs, de rencontres, d'exposition;
c) tous les établissements publics au sens de la législation sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement;
d) les transports publics et les autres transports professionnels de personnes;
e) les autres lieux ouverts au public tels que définis par la loi.
Par arrêt du 28 mars 2007 (ATF 133 I 110), le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par deux citoyens genevois contre cette décision de validation. Laissant ouverte la question de savoir si le fait de fumer relevait de la liberté personnelle, il a notamment considéré que l'initiative poursuivait un but incontestable d'intérêt public; l'interdiction générale de fumer dans les lieux publics fermés devrait être assortie d'exceptions, en particulier pour les détenus et les pensionnaires d'établissements médicaux, ainsi que pour les lieux publics à usage privatif. Le Grand Conseil avait déjà envisagé de tels assouplissements dans la perspective de la législation d'application.
L'IN 129 a été acceptée en votation populaire le 24 février 2008.
Le 3 mars 2008, le Conseil d'Etat genevois a adopté un règlement d'exécution relatif à l'interdiction de fumer dans les lieux publics (ci-après: le règlement, ou RIF), dont la teneur est la suivante:
Chapitre I Dispositions générales
Art. 1 But
Le présent règlement a pour but de définir les modalités de l'interdiction de fumer dans les lieux publics prévue à l'article 178B de la constitution et d'en assurer le respect.
Art. 2 Définitions
1 Il faut entendre par lieux publics tous les lieux publics ou privés libres d'accès au public.
2 Ne sont pas considérés comme lieux publics:
a) les locaux à caractère exclusivement ou essentiellement privatif qui sont situés dans les bâtiments et établissements visés part l'article 178B, alinéa 3, de la constitution, notamment les chambres individuelles des hôpitaux, cliniques et autres lieux de soins, les chambres d'hôtels et autres lieux d'hébergement professionnel, ainsi que les cellules des lieux de détention et d'internement;
b) les établissements à caractère privé tels que définis par le règlement d'exécution de la loi sur les restaurations, le débit de boissons et l'hébergement, du 31 août 1988.
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Art. 3 Champ d'application
1 L'interdiction de fumer s'applique à tous les lieux publics qui sont intérieurs ou fermés, tels qu'énumérés à l'art. 178B, alinéa 3, de la constitution.
2 Cette interdiction ne s'étend pas aux lieux de vente spécialisés dans le domaine du tabac, disposant d'un local de dégustation réservé aux clients consommateurs de tabac.
3 En respect des dispositions internationales, l'Aéroport international de Genève est autorisé à exploiter un fumoir isolé pour les passagers en transit, à la condition expresse que ce local soit ventilé et qu'aucun collaborateur n'y travaille.
Art. 4 Produits interdits
Tous les produits issus du tabac ainsi que ceux qui se fument mais ne contiennent pas à proprement parler du tabac sont interdits.
Art. 5 Contrôle
1 Le département de l'économie et de la santé, soit pour lui la direction générale de la santé, est chargé de l'application du présent règlement.
2 Elle peut inspecter ou faire inspecter tous les lieux visés par l'interdiction de fumer, en s'assurant la collaboration des agents publics chargés d'appliquer les prescriptions de police relevant de la sécurité, la propreté, la salubrité publiques, ainsi que l'exploitation à titre onéreux des établissements publics au sens de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement, du 17 décembre 1987.
3 L'exploitant ou le responsable des lieux doit en tout temps laisser libre accès pour l'inspection des lieux visés par l'interdiction. Il prend toute mesure utile à cet effet.
Art. 6 Voie d'affichage
L'interdiction de fumer est portée à la connaissance du public par voie d'affichage ou tout autre moyen adéquat.
Chapitre II Sanctions
Art. 7 Sanctions
1 Est passible d'une amende de 100 à 1000 fr. celui qui contrevient à l'interdiction de fumer.
2 Est passible d'une amende de 100 à 10000 fr. l'exploitant ou le responsable des lieux qui ne fait pas respecter l'interdiction de fumer.
Chapitre III Dispositions finales et transitoires
Art. 8 Entrée en vigueur
Le présent règlement entre en vigueur simultanément à la disposition constitutionnelle sur la protection de l'hygiène publique et de la santé, du 24 février 2008, soit le 1er juillet 2008.
Art. 9 Durée de validité
Le présent règlement a effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi d'exécution de l'art. 178B de la constitution.
[...]
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Ce règlement fait l'objet de trois recours en matière de droit public. Le premier (1C_155/2008) est formé par Michel Amaudruz et Michel Yagchi, qui se plaignent du défaut de base légale et d'une violation du principe de la proportionnalité, les exceptions prévues dans le règlement n'étant selon eux pas suffisantes. Le deuxième recours (1C_156/2008) est formé par Soli Pardo, qui invoque notamment la liberté personnelle et la nécessité d'une base légale formelle. Ces recours tendent à l'annulation du RIF dans son ensemble.Le troisième recours (1C_181/2008) est formé par Michel Starobinski et Alain Daniel Wenger, qui soutiennent au contraire que le règlement prévoirait trop d'exceptions par rapport au texte constitutionnel. Ils demandent l'annulation des art. 2 et 3 al. 3 du règlement.
Le Tribunal fédéral a admis les deux premiers recours et annulé le règlement. Il a déclaré sans objet le troisième recours.
Extrait des considérants:
2. Les recourants Amaudruz, Yagchi et Pardo invoquent en premier lieu les principes de légalité et de séparation des pouvoirs. Les travaux préparatoires relatifs à l'art. 178B Cst./GE, ainsi que l'arrêt du Tribunal fédéral du 28 mars 2007 feraient clairement ressortir que la disposition constitutionnelle devait d'abord faire l'objet d'une loi formelle d'application prévoyant notamment les exceptions à l'interdiction de fumer, ainsi que les sanctions. Faute d'une délégation figurant dans la constitution ou la loi, le Conseil d'Etat ne pouvait se fonder directement sur l'art. 178B Cst./GE.
Les recourants Starobinski et Wenger estiment au contraire que la disposition constitutionnelle serait suffisamment précise pour être directement applicable, ce qui justifierait son entrée en vigueur immédiate, sous réserve des sanctions pénales.
Le Conseil d'Etat rappelle que l'élaboration d'un règlement d'application a été évoquée lors des débats sur l'initiative populaire, afin de permettre une mise en oeuvre rapide de l'interdiction de fumer. Le RIF constituerait une base légale matérielle suffisante au regard des exigences du droit constitutionnel fédéral et cantonal. Les sanctions prévues par le règlement ne seraient pas suffisamment graves pour devoir figurer dans une loi formelle. Le Conseil d'Etat conteste par ailleurs une atteinte aux droits fondamentaux (liberté personnelle, protection de la sphère privée et liberté économique) en
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relevant que le principe de l'interdiction de fumer dans les lieux publics est déjà posé à l'art. 178B Cst./GE, et que le RIF ne ferait que permettre des assouplissements. Le Conseil d'Etat insiste également sur le caractère transitoire du règlement (art. 9 RIF), destiné uniquement à permettre d'appliquer la disposition constitutionnelle en attendant l'adoption de la loi formelle.
2.1 Sous réserve de sa signification particulière en droit pénal et en droit fiscal, le principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.) n'est pas un droit constitutionnel individuel, mais un principe constitutionnel dont la violation ne peut être invoquée séparément, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l'interdiction de l'arbitraire ou d'un droit fondamental spécial (ATF 129 I 161 et les références).
2.2 Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti, au moins implicitement, par toutes les constitutions cantonales; il représente un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen (ATF 130 I 1 consid. 3.1 p. 5 et les références). Ce principe assure le respect des compétences établies par la constitution cantonale. Il appartient donc en premier lieu au droit public cantonal de fixer les compétences des autorités (ATF 130 I 1 consid. 3.1 p. 5; ATF 128 I 113 consid. 2c p. 116 et les nombreuses références citées). Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à un organe de l'Etat d'empiéter sur les compétences d'un autre organe (ATF 119 Ia 28 consid. 3 in fine p. 34; ATF 106 Ia 389 consid. 3 p. 394); en particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 118 Ia 305 consid. 1a p. 309). En droit fédéral, l'art. 164 al. 1 Cst. prévoit que doivent faire l'objet d'une législation formelle les règles de droit importantes, soit en particulier les dispositions fondamentales relatives à la restriction des droits constitutionnels (let. b) et aux droits et obligations des personnes (let. c). Une loi formelle peut prévoir une délégation législative, à moins que la Constitution ne l'exclue (al. 2).
2.3 Sans être expressément consacré en droit genevois (sauf en ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire, posée à l'art. 130 Cst./GE), le principe de la séparation des pouvoirs découle notamment de l'art. 116 Cst./GE, selon lequel le Conseil d'Etat promulgue les lois, est chargé de leur exécution et prend à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires. Pour le surplus, c'est à la lumière
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des principes constitutionnels généraux qu'il y a lieu de définir les limites de l'activité réglementaire du Conseil d'Etat.
2.4 Comme le prévoit l'art. 116 Cst./GE, ce dernier est chargé en premier lieu d'édicter les règlements d'exécution des lois adoptées par le Grand Conseil. Ceux-ci ne peuvent contenir que des règles secondaires, qui ne font que préciser ce qui se trouve déjà dans la loi (ATF 130 I 140 consid. 5.1 p. 149 et les références). Le Conseil d'Etat peut également, bien que cela ne soit pas expressément prévu par la constitution cantonale, adopter des ordonnances de substitution dépendantes, lorsque le législateur le met au bénéfice d'une délégation législative (cf., en droit fédéral, l'art. 164 al. 2 Cst.); celle- ci doit notamment figurer dans une loi au sens formel, et le cadre de la délégation, qui doit être clairement défini, ne doit pas être dépassé (ATF 132 I 7 consid. 2.2 p. 9). Les règles les plus importantes doivent en tout cas figurer dans la loi (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 p. 347; ATF 130 I 1 consid. 3.4.2 p. 7 et les arrêts cités).
L'exécutif cantonal peut aussi, dans certains cas, adopter des ordonnances indépendantes, c'est-à-dire directement fondées sur la constitution. Tel est le cas à Genève en ce qui concerne les règlements de police, expressément visés à l'art. 125 Cst./GE (sur l'historique de cette disposition, cf. AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2000, vol. 1, n. 1635). Le gouvernement peut encore, même à défaut de norme constitutionnelle expresse, adopter des ordonnances fondées sur la clause générale de police, lorsqu'il s'agit de prendre des mesures urgentes pour rétablir ou préserver l'ordre public en cas de menace imminente, ou lorsqu'il s'agit de mettre fin sans délai à une situation contraire à la constitution (cf. ATF 130 I 140 consid. 4.2 p. 146).
2.5 En l'occurrence, le règlement attaqué a le caractère d'une ordonnance de substitution, puisque le législateur genevois n'a pas encore adopté de loi d'exécution. A ce sujet, les recourants Starobinski et Wenger prétendent à tort que l'art. 178B Cst./GE serait d'application immédiate et permettrait à lui seul d'instaurer l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Le contraire ressort en effet tant des travaux préparatoires que du texte constitutionnel lui-même.
2.5.1 Lors du traitement de l'initiative IN 129, il est apparu d'emblée que la disposition constitutionnelle devrait faire l'objet d'une législation d'exécution. Dans son rapport du 11 janvier 2006 sur la validité de l'initiative, le Conseil d'Etat relevait déjà que plusieurs
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aspects essentiels de la mise en oeuvre de l'interdiction de fumer n'étaient pas prévus par l'initiative, notamment la question des sanctions, ou celle de savoir qui est responsable en fonction du type de lieu. Le Conseil d'Etat estimait aussi que le texte de l'initiative était trop absolu, de sorte qu'il y aurait lieu de lui opposer un contre-projet visant à circonscrire l'interdiction, soit en modifiant l'alinéa 3 de l'article constitutionnel, soit dans le cadre de la loi d'application. Le Conseil d'Etat rappelait que compte tenu de l'importance de la législation d'application, le législateur jouirait d'une grande marge de manoeuvre. Dans son rapport du 6 juin 2006, la Commission législative du Grand Conseil relevait que le problème essentiel de l'initiative résidait dans le respect du principe de la proportionnalité. Elle préconisait une légère modification du texte de l'art. 178B Cst./GE, destinée à permettre au législateur, dans la loi d'exécution, de définir les lieux concernés par l'interdiction de fumer. Des avis de droit ont été produits: ils concluaient unanimement qu'une interdiction totale serait disproportionnée. Dans sa décision d'invalidation partielle, le Grand Conseil a suivi cet avis.
2.5.2 Dans son ATF 133 I 110, confirmant cette décision, le Tribunal fédéral a tenu compte en ces termes de l'interprétation que le Grand Conseil se proposait de faire du texte constitutionnel (consid. 6.2):
"Même si elle n'est pas très explicite sur ce point, l'initiative évoque à l'art. 178B al. 3 let. e Cst./GE l'adoption d'une législation d'exécution. Celle-ci est d'ailleurs inhérente à ce genre de réglementation, qui ne comporte aucun détail sur sa mise en oeuvre. Or, il paraît évident qu'une mesure aussi générale que l'interdiction de fumer dans les lieux publics fermés n'est pas directement applicable: elle devra être assortie par exemple d'un éventuel délai d'introduction, de mesures de contrôle et de sanctions; en outre, conformément à la volonté manifestée par le Grand Conseil, un certain nombre de dérogations et d'exceptions devront accompagner l'interdiction. Il y a lieu toutefois de relever que, contrairement à ce qui semble ressortir de l'al. 1 de l'art. 178B Cst./GE, ces différents aménagements ne pourront être adoptés directement par le Conseil d'État. Le principe de la base légale autorise en effet une délégation à l'exécutif, pour autant toutefois que le contenu essentiel de la réglementation figure déjà dans une loi formelle, notamment lorsque les particuliers sont gravement touchés dans leur situation juridique (ATF 118 Ia 245 consid. 3 p. 246). En l'occurrence, les points essentiels tels que les exceptions à l'interdiction de fumer ne figurent pas dans la norme constitutionnelle; ils devront donc faire l'objet d'une loi au sens formel. Il n'en demeure pas moins que le simple fait que la norme constitutionnelle doive faire l'objet d'une législation d'exécution ne saurait justifier une
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invalidation totale en raison de sa prétendue imprécision (ATF 128 I 295 consid. 5b/aa p. 309)."Le Tribunal fédéral a également rappelé que, selon la volonté exprimée par le Grand Conseil, les aménagements exigés par le principe de la proportionnalité devraient être prévus dans la législation d'exécution (consid. 7.3-7.5).
2.5.3 Lors des débats devant le Grand Conseil après l'acceptation de l'initiative par le peuple, la loi d'application a été évoquée plusieurs fois, y compris par le Conseiller d'Etat chargé du département de la santé. Celui-ci a clairement fait savoir qu'une loi devrait être élaborée, mais que, compte tenu des délais inhérents à la procédure parlementaire, un règlement pourrait être adopté entre-temps.
La nécessité d'une loi formelle d'application ressort enfin du règlement attaqué lui-même: selon l'art. 9 RIF, le règlement n'a effet que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi d'exécution de l'art. 178B Cst./GE.
2.5.4 Sur le vu de ce qui précède, on ne saurait considérer que l'art. 178B Cst./GE serait d'application immédiate, ni qu'il permettrait à lui seul d'instaurer une interdiction absolue de fumer dans les lieux publics.
2.6 Le Conseil d'Etat soutient que le RIF devrait être considéré comme une ordonnance indépendante reposant directement sur la disposition constitutionnelle. Il fait ainsi référence à l'alinéa 1 de l'art. 178B Cst./GE, selon lequel, "Vu l'intérêt public que constitue le respect de l'hygiène publique et la protection de la santé, le Conseil d'Etat est chargé de prendre des mesures contre les atteintes à l'hygiène et à la santé de la population résultant de l'exposition à la fumée du tabac, dont il est démontré scientifiquement qu'elle entraîne la maladie, l'invalidité et la mort."
2.6.1 Comme cela ressort des travaux préparatoires, cet alinéa ne concerne pas l'exécution de la disposition constitutionnelle relative à l'interdiction de fumer dans les lieux publics, visée à l'alinéa 2, mais les mesures plus générales de protection de l'hygiène publique et de la santé en rapport avec le problème de la fumée passive. Tel était déjà l'avis clairement exprimé par le Conseil d'Etat dans son rapport du 11 janvier 2006: l'alinéa 1er ne contenait que des règles déclaratoires; sa normativité était limitée et ne pouvait être interprétée comme une délégation législative - de rang constitutionnel - en faveur du Conseil d'Etat. Le Tribunal fédéral l'a également
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rappelé dans son arrêt du 28 mars 2007, en considérant que l'art. 178B al. 1 Cst./GE ne permettait pas au Conseil d'Etat d'adopter directement les aménagements qui doivent nécessairement assortir l'interdiction de fumer dans les lieux publics; la norme constitutionnelle ne contenait aucun des points essentiels (tels que les exceptions à prévoir) permettant de circonscrire le cadre de l'activité réglementaire.
2.6.2 Outre qu'elle ne comporte pas de délégation suffisante au Conseil d'Etat, la norme constitutionnelle ne fixe pas, même dans les grandes lignes, les points sur lesquels devrait porter le règlement d'exécution: l'extension de la définition de lieux ouverts au public est expressément de la compétence du législateur (art. 178B al. 3 let. e Cst./GE); le pouvoir de contrôle conféré au Département de l'économie et de la santé (art. 5 RIF), ainsi que les sanctions aux consommateurs et aux exploitants (art. 7 RIF) constituent des normes primaires qui n'ont pas leur place dans un simple règlement d'exécution.
2.6.3 Selon la jurisprudence relative à l'art. 164 al. 1 Cst., lorsqu'il s'agit de déterminer les dispositions qui, par leur importance, doivent figurer dans la législation formelle, il y a lieu de tenir compte non seulement de l'atteinte aux droits et libertés des particuliers, mais aussi du cercle des personnes concernées et de l'éventuelle résistance dont ces dernières pourraient faire preuve à l'égard de la réglementation (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 p. 347). Ces principes, applicables à la délégation législative, valent également lorsqu'il s'agit d'interpréter la portée d'une norme constitutionnelle. En l'occurrence, le règlement attaqué comporte des obligations non seulement à l'égard des fumeurs, mais également des exploitants ou responsables, tenus de faire respecter l'interdiction et de tolérer les mesures d'inspection, ainsi que des dispositions pénales pouvant aller jusqu'à 10'000 fr. d'amende. L'interdiction de fumer dans les lieux publics touche la quasi-totalité de la population; il s'agit d'une question particulièrement sensible, raison pour laquelle l'intervention préalable du législateur apparaît indispensable.
2.7 Le Conseil d'Etat relève enfin que le règlement n'a qu'une nature provisoire, de manière à permettre une application rapide de la disposition constitutionnelle. Comme cela est relevé ci-dessus, le gouvernement cantonal est sans doute compétent pour prendre des mesures de police en cas d'urgence. Cela suppose toutefois un
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danger grave et imminent, qui ne puisse être écarté par les moyens légaux ordinaires, nécessitant une intervention immédiate de l'autorité (ATF 111 Ia 246 consid. 3a p. 248 et les arrêts cités). En l'occurrence, le constituant genevois s'est clairement prononcé en faveur d'une interdiction de fumer dans les lieux publics fermés. S'il est certes souhaitable, pour des raisons de santé publique évidentes, que cette interdiction soit mise en oeuvre dans les meilleurs délais, on ne se trouve pas dans un cas d'urgence justifiant le recours, même limité dans le temps, à la clause générale de police (cf. ATF 121 I 22 consid. 4a p. 25).