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Chapeau

105 V 271


58. Arrêt du 6 novembre 1979 dans la cause Office fédéral des assurances sociales contre J. et Tribunal des assurances du canton de Vaud

Regeste

Art. 4 al. 1 let. b LPC.
Dérogation à la règle de la répartition à parts égales du loyer d'un appartement loué en commun.

Faits à partir de page 271

BGE 105 V 271 S. 271

A.- Eva J., née en 1898, célibataire, est atteinte dans sa santé physique et psychique; elle a besoin de soins réguliers et d'une surveillance quasi constante qui lui sont fournis par Julien R., infirmier retraité, lequel vit depuis 1967 dans l'appartement de l'intéressée. Il est constant qu'Eva J. ne pourrait demeurer seule en appartement et que, à défaut de l'aide de son ami, elle devrait être placée dans un asile ou un home. Aussi le tuteur a-t-il admis cette vie commune, d'entente avec l'autorité tutélaire. Il est par ailleurs établi que le bail est au nom de l'assurée et que le représentant légal paie le loyer à la charge exclusive de sa pupille.
Par décision du 6 avril 1978, la Caisse de compensation du canton de Vaud a fixé la prestation complémentaire revenant à Eva J. en tenant compte, pour opérer la déduction selon l'art. 4 al. 1 let. b LPC, de la moitié seulement du loyer; elle a ainsi appliqué la règle générale suivie dans les cas de partage d'un appartement par plusieurs personnes.

B.- Le Tribunal des assurances du canton de Vaud, saisi d'un recours, a considéré en revanche qu'Eva J. logeait gratuitement Julien R. chez elle, en contrepartie des soins que
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celui-ci lui donnait; par jugement du 11 septembre 1978 il a admis le recours et enjoint à la caisse de prendre une nouvelle décision tenant compte de la totalité du loyer.

C.- L'Office fédéral des assurances sociales interjette recours de droit administratif, concluant au rétablissement de la décision administrative. Il reproche au jugement cantonal de ne pas respecter la systématique de la loi et fait valoir que ou bien Eva J. peut prétendre le remboursement de frais pour soins à domicile, auquel cas il y aurait lieu d'appliquer l'art. 3 al. 4 let. e LPC, ou bien elle n'y a pas droit, auquel cas aucune défalcation ne saurait intervenir à ce titre, ce qui ne saurait justifier un supplément de déduction pour loyer dans le cadre de l'art. 4 al. 1 let. b LPC. Il nie en l'espèce le droit à imputation de frais de maladie, les soins étant fournis de façon bénévole et gratuite, par un ami pour lequel il n'en résulte aucune perte de revenu.
Le tuteur de l'intimée, qui conclut au rejet du recours, insiste essentiellement sur la nécessité des soins et l'opportunité de la solution trouvée en l'occurrence, ainsi que sur l'aspect social et humain du problème.

Considérants

Considérant en droit:

1. Le litige porte uniquement sur la déduction pour loyer selon l'art. 4 al. 1 let. b LPC, lorsque le bénéficiaire de la prestation complémentaire partage son appartement avec un tiers.
Selon la pratique administrative (voir Directives concernant les prestations complémentaires, ch. 243), le montant total du loyer des appartements loués en commun par plusieurs personnes doit être, en règle générale, réparti à parts égales entre chacune de ces personnes. La jurisprudence a confirmé cette règle dans de très nombreux arrêts, précisant que peu importait au nom de qui était conclu le contrat de bail et qui payait le loyer (voir p. ex. RCC 1977, p. 567, 1974, p. 510; arrêts non publiés Bächli du 30 juillet 1976, Wiederkehr du 3 février 1975 et Metzger du 17 septembre 1975).
Cette répartition à parts égales ne représente qu'une règle générale, et les instructions administratives prévoient que dans les cas spéciaux la répartition doit se faire selon les conditions réelles. Mais le seul exemple cité dans les instructions est celui de la personne qui occupe, à elle seule, la plus grande partie de
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l'appartement; la jurisprudence ne fournit aucun autre exemple de tels cas spéciaux.
La question est donc si, dans l'espèce, on se trouve en présence d'une situation particulière qui permettrait de déroger à la règle de la répartition à parts égales.

2. La thèse de l'Office fédéral des assurances sociales répond incontestablement à la plus stricte logique. Les domaines respectifs des art. 3 al. 4 let. e et 4 al. 1 let. b LPC sont en effet nettement distincts, et on ne saurait accorder par le biais de l'imputation d'un loyer plus élevé une défalcation pour frais médicaux à laquelle un intéressé ne peut prétendre. Or Eva J. n'a pas droit à une déduction au titre de l'art. 3 al. 4 let. e LPC pour les soins que lui donne Julien R., ceux-ci n'entraînant pour elle aucuns frais, et leur gratuité n'occasionnant à son ami, retraité, aucune perte de revenu (voir p. ex. RCC 1967, p. 378).
Mais ce raisonnement ne résout pas le problème posé dans le cadre du seul art. 4 al. 1 let. b LPC, à savoir celui de la répartition du montant du loyer à parts égales entre les deux occupants de l'appartement, selon la règle générale, ou celui de l'admission de ce montant à la charge exclusive de l'intimée, à titre exceptionnel.
La règle générale de la répartition du montant du loyer à parts égales mérite certes d'être confirmée, et des dérogations ne doivent être admises qu'avec prudence, si l'on veut éviter le risque de graves abus. L'exemple de la personne qui occupe, à elle seule, la plus grande partie de l'appartement ne saurait néanmoins être le seul cas spécial autorisant une exception. Il peut ainsi se présenter des situations où un intéressé a des motifs valables de supporter à lui seul le loyer, bien qu'il partage l'appartement avec un tiers, et de ne demander de ce tiers aucune participation; ces motifs peuvent être d'ordre juridique (p. ex. une obligation d'entretien), mais aussi d'ordre moral (p. ex. la contrepartie de services rendus gratuitement).
En l'espèce, on se trouve en présence de l'un de ces cas exceptionnels, où les circonstances particulières autorisent une dérogation à la règle générale. Eva J., après un séjour en milieu psychiatrique, a en effet loué un petit appartement d'une pièce et demie à loyer fort modique. Julien R., jusqu'alors infirmier dans l'établissement où Eva J. avait séjourné, est venu la rejoindre quelques mois plus tard, l'intéressée ne pouvant vivre
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seule en raison de son état de santé. Si le prénommé a remis l'appartement qu'il avait à G. et déposé ultérieurement ses papiers à L., c'est à la demande du tuteur de l'assurée, qui voulait à raison créer une situation claire, envers le fisc notamment. Le souci d'économiser un loyer ne semble avoir joué aucun rôle dans la décision de vivre ensemble, et la vie commune n'a pas entraîné non plus pour Eva J. des frais de logement plus élevés (le couple n'a pas pris d'appartement plus grand). D'autre part, les soins donnés par Julien R. ont un très grand prix pour celle qui en bénéficie et, indubitablement, contracte ainsi envers son ami une dette de reconnaissance considérable.
Il peut certes paraître artificiel d'imputer toute la charge du loyer à Eva J. alors que Julien R. admet payer d'autres frais de son amie; il pourrait tout aussi bien y avoir caisse commune. Mais il est établi que l'intéressée - par son tuteur - paie le loyer de l'appartement, dont le bail est à son nom et l'est demeuré après que son ami l'eut rejointe. Il est par ailleurs incontesté que seule la présence de celui-ci permet à l'assurée de continuer à vivre dans son appartement. Ces circonstances particulières autorisent une dérogation à la règle générale afin de tenir compte des conditions réelles, de sorte qu'on ne saurait voir dans la prise en compte du plein loyer lors de la déduction selon l'art. 4 al. 1 let. b LPC un avantage conféré pour remédier au fait qu'aucune déduction ne peut être opérée en l'espèce au titre de frais de maladie selon l'art. 3 al. 4 let. e LPC. Cela entraîne la confirmation du jugement cantonal en son résultat.

Dispositif

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours est rejeté.

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Etat de fait

Considérants 1 2

Dispositif

références

Article: Art. 4 al. 1 let. b LPC