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Chapeau

82 II 550


73. Arrêt de la Ire Cour civile du 12 novembre 1956 dans la cause Bonvin contre Fontaine.

Regeste

Droit international privé. Vente d'immeuble. Clause pénale.
1. La clause pénale est soumise au même droit que l'obligation principale (consid. 1).
2. Pouvoir des parties de désigner la loi compétente; quand y a-t-il élection de droit tacite? (consid. 2).
3. En principe, les contrats qui tendent à l'aliénation d'un immeuble doivent être passés dans les formes prescrites par la loi de la situation de l'immeuble (consid. 3).
4. En matière de vente d'immeuble, la formation et les effets du contrat sont, du moins en règle générale, soumis à la loi du pays où l'immeuble est situé (consid. 4).

Faits à partir de page 550

BGE 82 II 550 S. 550

A.- Le 1er décembre 1954, les citoyens suisses Pierre Fontaine et Jules Bonvin, tous deux domiciliés en Suisse, convinrent, à Genève, que le premier vendrait au second un domaine sis en France. Ils s'adressèrent à un notaire genevois pour dresser acte de cette promesse de vente,
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mais celui-ci leur conseilla d'en charger un notaire français. Ils se rendirent dès lors chez Me Andrier, notaire à Annemasse, dont le premier clerc rédigea la promesse de vente sous forme de deux lettres, datées de Genève. La lettre signée par Fontaine et remise à Bonvin avait la teneur suivante:
"J'ai l'avantage de vous confirmer que je vous vends ma propriété située Commune de Farges et Péron (Ain)... pour le prix de soixante quinze mille francs suisses, sous la condition que vous me versiez à valoir sur le prix au plus tard le quinze décembre courant la somme de dix mille francs suisses, le solde devant m'être payé au plus tard le premier février 1955, date limite à laquelle devra être réalisée la vente...
Je suis à votre disposition pour passer l'acte chez Me Andrier... En cas de dédite de votre part, les dix mille francs versés me demeureront acquis..."
La lettre signée par Bonvin et délivrée à Fontaine portait un texte analogue. Elle contenait notamment la clause suivante:
"Il est convenu en outre que nous passerons l'acte chez Me Andrier, notaire à Annemasse, et qu'en cas de dédite de ma part, les dix mille francs versés vous demeureront acquis."

B.- Bonvin ayant refusé par la suite de verser l'acompte promis et de passer le contrat de vente, Fontaine l'a actionné devant les tribunaux valaisans en paiement de la somme de 10 000 fr., avec intérêt à 5% dès le 15 décembre 1954.
Le défendeur a conclu au rejet de la demande, en alléguant notamment que la convention du 1er décembre 1954 était nulle au regard du droit suisse, applicable en l'espèce.
Par jugement du 27 avril 1956, le Tribunal cantonal du Valais a déclaré que le litige était soumis au droit français et que la convention du 1er décembre 1954 était valable d'après cette législation. Il a, en conséquence, adjugé au demandeur ses conclusions.

C.- Contre ce jugement, Bonvin recourt en réforme au Tribunal fédéral, en reprenant ses conclusions tendantes au rejet de l'action. Il maintient que le droit suisse est seul applicable et soutient, subsidiairement, que la juridiction cantonale a mal interprété la loi française.
BGE 82 II 550 S. 552

Considérants

Considérant en droit:

1. Le recours en réforme n'est recevable que dans la mesure où la cause appelle l'application du droit suisse (art. 43 al. 1 OJ). Pour juger cette question, il faut distinguer, d'une part, la naissance et les effets des obligations assumées par les contractants et, d'autre part, la forme à observer, celle-ci étant, du moins en principe, soumise à des règles de conflit propres (cf. RO 78 II 77 et suiv., spécialement 86). En outre, on doit considérer l'ensemble de la promesse de vente et non seulement la peine conventionnelle qui est l'objet du procès. La clause pénale, en effet, n'est qu'une convention accessoire qui sert à renforcer l'obligation principale. Elle est donc soumise à la même législation que celle-ci, qu'il s'agisse de la forme, de la conclusion ou des effets du contrat (cf. RO 39 II 226; OSER/SCHÖNENBERGER, CO, 2e éd., Allg. Einleitung, rem. 88 et 89).

2. Le recourant prétend tout d'abord qu'en fixant le prix en francs suisses et en indiquant Genève comme lieu de la rédaction du contrat, les parties ont soumis leurs rapports juridiques à la législation suisse.
En matière de droit international des obligations, les parties peuvent, à tout le moins en principe, désigner librement la loi compétente; une telle élection de droit est possible non seulement lors de la conclusion du contrat, mais également plus tard et même durant le procès (RO 79 II 297, 80 II 180, 81 II 176). Cette règle s'applique tant à la formation qu'aux effets des obligations (RO 78 II 85/86, 79 II 297). On peut se demander en revanche si les contractants ont un tel choix en ce qui concerne la forme de la convention. Mais il n'est pas nécessaire de résoudre cette question, car les parties n'ont fait en l'espèce aucune élection de droit. Il est constant, en premier lieu, qu'elles ne se sont pas entendues, après le 1er décembre 1954, sur la législation applicable. En outre, elles n'ont point désigné expressément la loi compétente lors de la conclusion du
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contrat. Il ne pourrait donc s'agir que d'une élection de droit tacite. Or, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, une telle élection ne doit - hors de procès - être admise qu'exceptionnellement, quand elle peut être fondée sur des éléments décisifs. C'est le cas lorsqu'une prorogation de for a été convenue, car on peut considérer que, dans l'idée des parties, le juge désigné doit appliquer le droit de son pays (RO 23 I 755, 60 II 302). En revanche, les éléments invoqués par le recourant ont une signification trop vague pour constituer une élection de droit. Tout au plus pourra-t-on les prendre en considération lorsqu'il s'agira de déterminer le pays avec lequel le contrat est dans le rapport territorial le plus étroit (cf. ci-dessous, consid. 4).

3. En droit fédéral, un contrat qui tend à l'aliénation d'un immeuble situé en Suisse n'est valable que s'il est passé dans les formes de la législation suisse, car ces prescriptions de forme ont été édictées dans l'intérêt de l'ordre public. En revanche, elles ne sont pas applicables aux biens-fonds situés à l'étranger: lorsqu'un Etat règle les transferts d'immeubles, on doit normalement admettre qu'il vise uniquement ceux qui appartiennent à son territoire (cf. BECKER, CO, 2e éd., ad art. 184 à 186, rem. 27; OSER/SCHÖNENBERGER, loc.cit., rem. 48 et les auteurs cités; pour le droit allemand, NUSSBAUM, Deutsches internationales Privatrecht, p. 92/93). Ainsi, en droit international privé suisse, les contrats de vente, promesses de vente, donations, etc. qui portent sur des immeubles doivent être - du moins, pour les immeubles étrangers, si les parties n'ont fait aucune élection de droit - revêtus de la forme exigée par la loi de la situation de ces biens (cf. RO 46 II 396, 47 II 384). Du reste, le transfert des immeubles dépend, dans certains pays, de formalités (par exemple inscription dans un registre) qui ne peuvent guère être remplies que si le contrat lui-même est passé dans la forme prescrite par ces Etats.
En l'espèce, c'est donc le droit français qui règle la
BGE 82 II 550 S. 554
forme de la convention du 1er décembre 1954, de sorte que le recours est irrecevable sur ce point.

4. Quant à la formation et aux effets du contrat, ils sont soumis à la législation du pays avec lequel la convention est dans le rapport territorial le plus étroit. S'agissant d'un contrat bilatéral, il faut, pour opérer ce rattachement, considérer celle des deux obligations qui est caractéristique pour le rapport juridique en question, par exemple, pour la vente, l'obligation du vendeur; c'est alors la loi avec laquelle cette obligation apparaît le plus étroitement rattachée qui s'applique uniformément à la formation et aux effets de la convention (RO 78 II 77 et suiv. et la jurisprudence citée; cf. également RO 79 II 165/166).
En matière de vente ou de promesse de vente d'immeubles, la situation de ces biens constitue généralement un rattachement plus fort qu'aucun autre. En effet, les immeubles sont indissolublement liés au territoire d'un Etat. Ils localisent l'exécution principale du contrat et constituent normalement le centre des intérêts relatifs à l'opération. Dès lors, la formation et les effets de tels contrats doivent être, du moins en règle générale, soumis à la loi de l'Etat où se trouvent les immeubles. Quant à savoir si cette règle souffre une exception lorsque des éléments importants créent des liens encore plus étroits avec un autre pays, c'est là une question qu'on peut laisser indécise. En effet, on ne pourrait invoquer à ce titre, en l'espèce, que le lieu d'où sont datées les lettres du 1er décembre 1954, la fixation du prix en francs suisses, ainsi que le domicile et la nationalité des parties. Or ces éléments ne sont pas assez significatifs pour rejeter au second plan le lieu de la situation des immeubles et déplacer en Suisse le centre de gravité du contrat. C'est d'autant moins le cas que la promesse de vente a été passée en France, dans l'étude d'un notaire français, et que les parties ont décidé de conclure le contrat de vente devant le même notaire.
Dans ces conditions, le droit français régit également la
BGE 82 II 550 S. 555
formation et les effets de contrat du 1er décembre. Sur ce point encore, le recours en réforme n'est donc pas recevable.

contenu

document entier
regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 1 2 3 4

références

Article: art. 184 à 186