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Chapeau

96 V 120


32. Extrait de l'arrêt du 28 novembre 1970 dans la cause Wagner contre Caisse interprofessionnelle romande d'assurance-vieillesse et survivants des syndicats patronaux et Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-vieillesse et survivants

Regeste

Art. 1er al. 2 lit. b LAVS et art. 54 RAVS.
Calcul de la rente pour un couple dont le mari a été temporairement libéré de l'AVS suisse afin d'éviter un cumul de charges trop lourdes. Prise en compte du revenu de l'activité lucrative et des années de cotisations de l'épouse.

Considérants à partir de page 120

BGE 96 V 120 S. 120
Extrait des considérants:
L'art. 54 RAVS (introduit dès le 1er janvier 1966 en vertu de l'autorisation donnée dès le 1er janvier 1964 par l'art. 30 al. 6 LAVS, actuellement l'art. 30bis LAVS, cité ci-après dans sa teneur actuelle, en vigueur dès le 1er janvier 1969) dispose que, "dans le calcul de la rente de vieillesse pour couple et de la rente de veuve ou de la rente simple de vieillesse de la veuve lui succédant, la période en cours de mariage durant laquelle le mari n'a pas cotisé, faute d'avoir été assuré, sera complétée par le revenu de l'activité lucrative et les années de cotisations de l'épouse".
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En l'espèce, Rolf Wagner n'a pas payé de cotisations jusqu'à fin septembre 1965; et cela parce qu'il n'était jusqu'alors pas assuré, libéré qu'il avait été de l'assujettissement à l'AVS en raison d'un cumul de charges trop lourdes selon l'art. 1er al. 2 lit. b LAVS. Il est établi, d'autre part, qu'il s'est marié en avril 1960 et que sa femme a régulièrement cotisé. L'application à la lettre de l'art. 54 RAVS amène donc à conclure que - comme le demande le recourant - sa propre durée de cotisations doit être complétée par les années de cotisations de l'épouse entre avril 1960 et septembre 1965. Le résultat en serait une rente de vieillesse pour couple qui, fondée sur l'échelle 13 des rentes partielles, s'élèverait à 232 francs par mois, selon le calcul de l'Office fédéral des assurances sociales.
La caisse intimée et l'Office fédéral des assurances sociales surtout objectent à cette solution que l'exemption de l'assurance selon l'art. 1er al. 2 lit. b LAVS n'a lieu que sur demande expresse de l'intéressé et qu'il serait choquant de voir une telle personne, ainsi volontairement libérée de l'assurance, tirer ensuite profit de la règle exceptionnelle de l'art. 54 RAVS.
Il est exact que, selon l'art. 3 RAVS, les personnes affiliées à des institutions officielles étrangères d'assurance - auxquelles sont assimilées les institutions d'organisations internationales telles que l'ONU (art. 4 RAVS; ATFA 1950 p. 21) - ne sont exemptées de l'AVS obligatoire, en raison d'un cumul de charges trop lourdes, que sur présentation d'une requête. Après avoir admis d'abord sans restriction la légalité de cette réglementation (ATFA 1950 p. 26), le Tribunal fédéral des assurances a émis certains doutes, relevant que l'art. 1er al. 2 LAVS énumérait exhaustivement les conditions objectives dont la réalisation entraînait exclusion de l'assurance et qu'une disposition d'exécution ne pouvait supprimer le caractère impératif de la norme légale (ATFA 1952 p. 26 et les arrêts qui y sont cités). Par la suite, la jurisprudence a reconnu que, si l'intéressé devait certes faire valoir le cumul de charges et si la dispense dépendait ainsi "dans une certaine mesure de la libre volonté individuelle", l'exclusion même de l'assurance découlait uniquement de la réalisation des conditions objectives prévues par la loi (voir p.ex. ATFA 1958 p. 131, 1960 p. 185 consid. 5).
Si l'intéressé - et lui seul (ATFA 1967 p. 217) - est donc libre de ne pas faire valoir le motif d'exemption, celle-ci une fois requise découle directement et strictement de la loi, au
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même titre que les autres exclusions de l'assurance énumérées à l'art. 1er al. 2 LAVS. Aussi les termes d'"option" et de "demande expresse", utilisés notamment par l'Office fédéral des assurances sociales, ne reflètent-ils que partiellement la vérité légale.
Il est juste aussi, historiquement, que l'art. 30 al. 6 LAVS (actuellement l'art. 30bis), en vigueur dès le 1er janvier 1964 et qui est la base légale de l'art. 54 RAVS introduit deux ans plus tard, entendait permettre de codifier une jurisprudence antérieure. Le message du 16 septembre 1963 (FF 1963 II p. 555) déclare à son propos que cette disposition "confie au Conseil fédéral la compétence d'édicter des prescriptions sur la prise en compte, à titre subsidiaire, des cotisations et périodes de cotisations de l'épouse pour le cas où la durée de cotisations du mari est incomplète. Une telle solution n'est pas nouvelle; elle a déjà été retenue, encore que dans une mesure restreinte, par la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances. Le moment paraît indiqué de codifier cette jurisprudence, en la complétant au besoin."
La pratique à laquelle il est fait ici allusion repose sur l'arrêt Roullet du 12 mars 1959 (RCC 1959 p. 356), qui avait admis que la femme "représente" le couple envers l'assurance pour les années de mariage durant lesquelles tout lien était rompu entre l'assurance et le mari. Tel était le cas, selon cet arrêt, pendant les périodes où le mari n'était pas domicilié en Suisse, n'y exerçait non plus aucune activité lucrative ni ne travaillait à l'étranger pour le compte d'un employeur en Suisse (art. 1er al. 1er LAVS) et n'avait pas adhéré à l'assurance facultative (art. 2 LAVS); mais le Tribunal fédéral des assurances déclarait douteux - sans pour autant trancher la question - que l'on puisse admettre une rupture suffisante des liens lorsque le mari n'était pas assuré uniquement en vertu des clauses d'exception de l'art. 1er al. 2 LAVS.
L'Office fédéral des assurances sociales voudrait retenir ces règles jurisprudentielles, tout au moins dans les cas d'exemption de l'art. 1er al. 2 lit. b LAVS. Mais, outre que l'arrêt précité est demeuré unique dans les annales du tribunal de céans - qui a été saisi ensuite uniquement de cas où il a rejeté toute extension de ces principes (arrêts non publiés Bürgler du 18 mai 1961, Aubert du 3 octobre 1961, Dafflon du 29 octobre 1964) -, il est dépassé depuis l'introduction de l'art. 30 al. 6
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LAVS (aujourd'hui 30bis). Dans l'arrêt Cohen du 11 février 1965 (ATFA 1965 p. 24), le Tribunal fédéral des assurances a constaté ainsi que cet article de la loi réservait au Conseil fédéral - et non au juge - la faculté de compléter la durée de cotisations du mari par celle de la femme; que même le fait que le Conseil fédéral n'avait alors pas fait usage encore de l'autorisation à lui donnée par le législateur ne diminuait en rien la portée de cette réglementation nouvelle. On ne saurait donc, pour interpréter les dispositions actuelles, s'inspirer d'une jurisprudence à laquelle tout fondement légal fait défaut de longue date.
Il est exact enfin qu'il peut paraître choquant de voir un intéressé, exempté de l'assurance sur sa demande, tirer profit de la règle de l'art. 54 RAVS, qui est parfaitement clair au demeurant. Cet article ne réserve pas l'exception de certains cas suivant le motif pour lequel le mari n'était pas assuré et ne fait notamment aucune distinction selon que le défaut d'assurance découle de l'art. 1er al. 1er ou al. 2 LAVS. Même si, lors de l'élaboration de la loi, on avait voulu reprendre les restrictions de la jurisprudence antérieure - ce dont il est d'ailleurs permis de douter, le message précité parlant bien plutôt de compléter au besoin cette jurisprudence -, le Conseil fédéral ne l'a exprimé d'aucune façon dans le texte édicté. On ne saurait admettre qu'il y ait là un oubli, la situation étant connue sous tous ses aspects, et que cette lacune éventuelle puisse être comblée par voie de jurisprudence. Quant au principe selon lequel une règle d'exception doit être interprétée restrictivement, il ne trouve aucune application en présence d'un texte clair.
Tout comme la Cour de céans n'a pas tenu pour abusif l'octroi d'une rente extraordinaire à la veuve de celui qui avait été dispensé de l'assurance en vertu de l'art. 1er al. 2 lit. b LAVS (ATFA 1957 p. 210), voire à l'intéressé lui-même (ATFA 1958 p. 131), ainsi ne peut-on déclarer tel le bénéfice de l'art. 54 RAVS. Il faut relever par ailleurs que l'épouse est co-bénéficiaire de la rente pour couple; la solution découlant des termes de cette disposition ne va donc pas à l'encontre du but de protection de l'épouse qui se trouve manifestement à la base du système institué.
Tout au plus peut-on réserver les cas où, après exemption de l'assurance, l'exigence ultérieure d'une rente calculée en tenant compte d'années de cotisations de l'épouse devrait être regardée
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comme un abus de droit (voir p.ex. ATFA 1969 p. 211, s'agissant de la renonciation à une rente pour couple). Mais il n'en est pas question en l'espèce. Une voie possible à suivre, si l'on veut combattre les excès, serait peut-être de prendre en considération le revenu de l'épouse également pour apprécier l'existence de la charge trop lourde au sens de l'art. 1er al. 2 lit. b LAVS; ce problème n'a cependant pas à être abordé ici.

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Article: art. 54 RAVS