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38014/97


Michailov Sergueï c. Suisse
Décision d'irrecevabilité no. 38014/97, 23 novembre 2000

Regeste

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 6 par. 1 et 34 CEDH. Equité de la procédure pénale. Erreur de droit. Qualité de victime.

La prétendue partialité du juge d'instruction est à apprécier à la lumière de l'acquittement final relatif aux principaux chefs d'accusation.
Dans la mesure où le requérant a été reconnu coupable d'un chef d'accusation secondaire, il a été mis au bénéfice de l'erreur de droit et exempté de toute peine. Dans ces conditions, l'intéressé ne peut plus se prétendre victime au sens de l'art. 34 CEDH.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.





Faits

La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant le 23 novembre 2000 en une chambre composée de
MM. C.L.Rozakis, président,
A.B. Baka,
L. wildhaber,
G. Bonello,
Mme V. Stráznická,
MM. P. Lorenzen,
M.Fischbach, juges,
et de M. E. fribergh, greffier de section,
Vu la requête n° 38014/97 susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l'Homme le 3 octobre 1997 et enregistrée le 3 octobre 1997, et la requête n° 40193/98 susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l'Homme le 9 mars 1998 et enregistrée le 11 mars 1998.
Vu l'article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner les requêtes,
Après en avoir délibéré le 23 novembre 2000, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant russe et israélien, né en 1958 et résidant à Moscou. Il est représenté devant la Cour par Me Xavier Magnée, avocat au barreau de Bruxelles.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
A. Circonstances particulières de l'affaire
Soupçonné d'être l'un des dirigeants de l'organisation russe « Solntsevskaya » impliquée dans diverses activités délictueuses telles les trafics de drogue, les réseaux de prostitution et le blanchiment d'argent, le requérant fut interpellé à Genève le 15 octobre 1996.
Les 17 et 22 octobre 1996, le juge d'instruction de Genève (ci-après le juge d'instruction) inculpa le requérant de participation à une organisation criminelle.
Il fut également accusé d'infractions à la législation suisse en matière d'immeubles par les étrangers, d'une part, et de séjour et d'établissement des étrangers, d'autre part.
Détention provisoire
Le 25 octobre 1996, à la demande du juge d'instruction, la chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après la chambre d'accusation) prolongea la détention provisoire du requérant pour une durée de trois mois.
Le 24 janvier 1997, la chambre d'accusation rejeta une demande de mise en liberté provisoire déposée par le requérant et ordonna la prolongation de sa détention jusqu'au 24 avril 1997.
Par un arrêt du 3 avril 1997, le Tribunal fédéral admit le recours de droit public interjeté par le requérant contre cette ordonnance, aux motifs suivants :
« La chambre d'accusation a admis l'existence de charges suffisantes à l'encontre du (requérant) propres à justifier la prolongation de sa détention en se fondant notamment sur les dépositions d'un fonctionnaire de police israélien et de deux témoins, dont l'identité et le domicile n'ont pas été révélés. Or, ces pièces, remises à l'autorité intimée par le Ministère public à l'audience de jugement, n'ont pas été communiquées au (requérant) et à ses conseils, sous quelque forme que ce soit. Ces derniers n'ont pas été en mesure d'en contester le bien-fondé (...). En se référant à des pièces auxquelles le recourant et ses conseils n'ont pas eu accès et qui ont influencé, au moins en partie, sa décision négative, l'autorité intimée a violé le droit d'être entendu du (requérant). La décision attaquée doit dès lors être annulée (...) ».
Toutefois, le Tribunal fédéral rejeta la demande d'élargissement du requérant. A cet égard, il rappela que lorsqu'il constatait que la procédure ayant abouti au maintien en détention avait méconnu certaines garanties constitutionnelles ou conventionnelles, il ne s'ensuivait pas automatiquement que l'inculpé dut être remis en liberté et estima qu'en l'espèce, « pour rétablir une situation conforme au droit, il (appartiendrait) à l'autorité intimée de statuer à nouveau sur la demande de mise en liberté, à bref délai et dans le respect des principes rappelés ci-dessus, étant précisé que si elle (entendait) se prévaloir des pièces produites par le ministère public à l'audience de jugement, elle (devait) les communiquer au (requérant) et à ses conseils ou, à tout le moins, leur donner connaissance de leur contenu essentiel. »
Le 10 avril 1997, le requérant déposa une nouvelle demande de mise en liberté provisoire.
Le 11 avril 1997, la chambre d'accusation rejeta les demandes de mise en liberté provisoire formulées par le requérant en janvier et en avril 1997, et ordonna la prolongation de sa détention jusqu'aux 24 avril et 11 juillet 1997 respectivement.
Le requérant recourut contre l'ordonnance du 11 avril 1997 et le Tribunal fédéral se prononça le 17 juin 1997 confirmant le maintien en détention préventive.
Le requérant a été maintenu en détention préventive durant toute la phase de l'instruction, la chambre d'accusation ayant systématiquement prolongé cette détention jusqu'au 11 décembre 1998.
Au cours de l'enquête, le juge d'instruction genevois a adressé plusieurs commissions rogatoires internationales au procureur général de la Fédération de Russie ainsi qu'en Israël. Par ailleurs, de nombreux témoins ont été entendus aux Etats-Unis, en Russie et en Belgique et des écoutes téléphoniques ont été effectuées durant la période du 4 au 26 février 1998.
Suspension du caractère contradictoire de l'instruction
Par ordonnance du 31 octobre 1996, le juge d'instruction a suspendu pour un mois l'instruction contradictoire, le droit de consulter le dossier et d'en lever copie, étendant cette restriction aux conseils de l'inculpé. Le recours interjeté par le requérant auprès de la chambre d'accusation et dirigé contre cette mesure a été rejeté par ordonnance de la chambre d'accusation le 6 janvier 1997 et confirmé, sur recours, par le Tribunal fédéral le 18 avril 1997.
La chambre d'accusation a admis l'existence de charges suffisantes à l'encontre du requérant et un risque de collusion important eu égard à la gravité des infractions qui lui étaient reprochées et des actes d'instruction en cours tant en Suisse qu'à l'étranger.
Au cours des différentes phases qui ont marqué l'instruction, le requérant a adressé plusieurs recours au Tribunal fédéral, car il estimait que les diverses ordonnances prononcées par la chambre d'accusation étaient arbitraires, violaient le droit à un procès équitable et les droits de la défense ainsi que la présomption d'innocence. Ces recours ont été systématiquement rejetés par cette dernière instance.
Examen des poursuites par les juridictions de fond
Lors du jugement qui a eu lieu le 11 décembre 1998, la cour correctionnelle du canton de Genève a acquitté le requérant de l'essentiel des chefs d'accusation en retenant exclusivement à sa charge une infraction à la loi sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. Le requérant a toutefois été mis au bénéfice de l'erreur de droit et a été exempté de toute peine.
Suite à cette décision, le requérant a exercé un recours de droit interne pour obtenir une indemnisation pour la détention préventive subie. Selon un jugement de la cour de justice pénale genevoise du 24 juillet 2000, le requérant a été indemnisé à concurrence d'un montant de 810 000 francs suisses.
B. Droit interne pertinent
Aux termes du Code de procédure pénale du canton de Genève :
Article 33
« Le mandat d'arrêt est l'acte par lequel le juge d'instruction ordonne d'arrêter et de garder en détention une personne inculpée d'un crime ou d'un délit. »
Article 34
« Il ne peut être décerné que s'il existe contre l'inculpé des charges suffisantes et si, en outre, l'une des conditions suivantes est remplie :
a) la gravité de l'infraction l'exige ;
b) les circonstances font penser qu'il y a danger de fuite, de collusion, de nouvelle infraction ;
c) l'intérêt de l'instruction l'exige. »
Article 35
« 1. La durée du mandat d'arrêt est de 8 jours.
2. La Chambre d'accusation peut, à la demande du juge d'instruction (...) autoriser que la détention soit prolongée, lorsque les circonstances font apparaître cette mesure comme indispensable. L'inculpé doit être préalablement entendu.
3. Cette autorisation ne peut être donnée que pour 3 mois au maximum ; elle peut être renouvelée aux mêmes conditions. »
Article 186
« 1. Lorsque la Chambre d'accusation est saisie d'une demande de prolongation de la détention, elle l'examine dans sa plus prochaine audience. »
Article 187
« 1. Si les conditions posées par l'article 35 sont réunies, la Chambre d'accusation autorise la prolongation de la détention.
2. En cas de refus, elle ordonne que l'inculpé soit remis immédiatement en liberté. »
GRIEFS
1. Invoquant l'article 3 de la Convention, le requérant se plaint du fait qu'il a été victime de traitement inhumains ou dégradants lors de son arrestation et durant sa détention.
2. Le requérant se plaint également de ce que son « droit à la liberté » a été méconnu, selon l'article 5 §§ 1 c) et 4 de la Convention. A cet égard, il allègue que le Tribunal fédéral, en annulant l'ordonnance de la chambre d'accusation du 24 janvier 1997, a constaté l'illégalité de sa détention provisoire et aurait en conséquence dû ordonner sa libération immédiate.
3. Citant l'article 6 de la Convention, le requérant allègue qu'il n'a pas eu droit à un procès équitable. Selon lui, le juge d'instruction a procédé à une appréciation anticipée des preuves, a violé la présomption d'innocence et a clôturé prématurément l'instruction. Le requérant se plaint également du fait que le juge d'instruction lui a interdit la consultation de certaines pièces de son dossier et qu'il a refusé l'instruction contradictoire. Pour ce grief, il invoque l'article 6 § 3 a), b) et e) de la Convention en relation avec l'article 5 § 2 de la Convention.
Enfin, le requérant reproche au juge d'instruction d'avoir souverainement procédé au tri des écoutes téléphoniques qu'il avait ordonnées pour les besoins de l'enquête. A cet égard, il invoque la violation de l'article 8 de la Convention en relation avec l'article 6 de la Convention.
4. Le requérant invoque par ailleurs la violation de l'article 13 de la Convention en soutenant qu'il n'obtiendra pas un recours effectif devant une instance nationale pour obtenir une indemnisation de la détention préventive inopérante subie.
5. Le requérant se plaint enfin, sans autre explication, d'une violation de l'article 5 §§ 3 et 5 de la Convention.


Considérants

EN DROIT

1. Le requérant se plaint de ce qu'il a été victime de mauvais traitements au cours de son arrestation et de sa détention conformément à l'article 3 de la Convention selon lequel :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Or, selon l'article 35 § 1 de la Convention, « la Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes (...) ». En l'espèce, il n'apparaît pas que le requérant ait, à cet égard, épuisé les voies de recours internes, puisqu'il n'a pas soulevé ce grief, expressément ou en substance, devant les juridictions nationales.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 1et 4 de la Convention.
2. Le requérant se plaint en outre du fait que, suite à l'annulation, le 3 avril 1997, de l'ordonnance de la chambre d'accusation du 24 janvier 1997, le Tribunal fédéral aurait dû prononcer sa libération immédiate. Il invoque l'article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.
En l'état actuel du dossier, la Cour estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement suisse en application de l'article 54 § 3 de son Règlement.
3. Le requérant se plaint également de ce qu'il n'a pas pu, à plusieurs titres, bénéficier des garanties de l'article 6 de la Convention.
a. Il se plaint de l'attitude du juge d'instruction et notamment du fait que celui-ci aurait interdit la consultation de certaines pièces de son dossier, circonstance qui aurait également porté atteinte à l'article 5 § 2 de la Convention.
Toutefois, par jugement du 11 décembre 1998, le requérant a été acquitté par la cour correctionnelle du canton de Genève de l'essentiel des chefs d'accusation qui étaient portés contre lui. La cour correctionnelle l'a reconnu coupable exclusivement d'une infraction à la loi sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, mais le requérant a été mis au bénéfice de l'erreur de droit et il a été exempté de toute peine. Dans ces conditions, le requérant ne peut plus se prétendre victime, au sens de l'article 34 de la Convention (Comm. eur. D. H. n° 15831/89, décision du 25 février 1991, D.R. 69, p. 317). De plus, à la lumière des explications fournies, il ne ressort aucune apparente violation de l'article 5 § 2 de la Convention.
Ce grief est donc manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
b. Le requérant invoque également le grief selon lequel le juge d'instruction aurait unilatéralement procédé au tri des écoutes téléphoniques.
La Cour constate que même si le requérant invoque principalement l'article 8 de la Convention, le grief porte essentiellement sur l'article 6 de la Convention. Comme la Cour l'a relevé ci-avant, le requérant ne peut plus se prétendre victime, au sens de l'article 34 de la Convention, d'une violation de cette disposition. En ce qui concerne une éventuelle atteinte à la vie privée et familiale, le requérant n'a fourni aucune explication sur la manière dont elle pourrait être intervenue. Or, la Cour constate que les écoutes téléphoniques ont été dirigées contre une tierce personne et qu'elles ont été exécutées dans la période du 4 au 26 février 1998, alors que le requérant était maintenu en détention préventive
Dans ces conditions, le présent grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
4. Le requérant invoque enfin la violation de l'article 13 de la Convention qui dispose que :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présenteNote2007-12-05T00:00:00 Remplacer « présente » par « (...) » pour les décisions et arrêts de la Cour. Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
Dans la mesure où le requérant a épuisé les voies de recours internes et a été indemnisé pour sa détention préventive, il ne peut pas alléguer une violation de l'article 13 de la Convention.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
5. Le requérant mentionne, sans plus de précision, la violation de l'article 5 §§ 3 et 5 de la Convention.
L'absence totale d'informations à ce sujet ne permet pas à la Cour d'apercevoir une quelconque apparence de violation des dispositions invoquées, de sorte que ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Décide de joindre les requêtes.
Ajourne l'examen du grief du requérant tirés de la violation de l'article 5 §§ 1 et 4 de la Convention ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Erik Fribergh         Greffier
Christos Rozakis         Président

contenu

Arrêt CourEDH entier
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Etat de fait

Considérants

Dispositif

références

Article: Art. 6 par. 1 et 34 CEDH, §§ 1et 4