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Chapeau

106 II 42


9. Arrêt de la Ire Cour civile du 22 janvier 1980 dans la cause Autocrédit S.A. contre Mauritzon (recours en réforme)

Regeste

Art. 272 al. 1 CO. Droit de rétention du bailleur d'une villa avec garage sur la voiture qui "garnit" le garage (consid. 1).
Art. 273 al. 1 CO. Conflit entre le droit de rétention du bailleur et le droit du propriétaire de la voiture, achetée par le preneur sous réserve de propriété (consid. 2).

Faits à partir de page 42

BGE 106 II 42 S. 42
La société Spen et Cie S.A. à Lausanne était locataire d'une villa avec garage à Belmont-sur-Lausanne, propriété de Roy Mauritzon. Dans le cadre de poursuites en paiement du loyer,
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l'Office des poursuites de Lavaux a inventorié, comme étant compris dans le droit de rétention du bailleur, une voiture Citroën achetée sous réserve de propriété par Spen S.A. et qui se trouvait dans le garage de la villa. Spen S.A. est tombée en faillite. Autocrédit S.A., propriétaire de la voiture Citroën, a ouvert action contre Mauritzon en concluant à ce qu'il fût prononcé que le défendeur ne possède aucun droit de rétention comme bailleur sur ladite voiture et que la demanderesse est propriétaire de celle-ci.
Par jugement du 15 août 1979, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'action et dit que le défendeur était au bénéfice d'un droit de rétention sur la voiture litigieuse.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme de la demanderesse et confirmé le jugement attaqué.

Considérants

Considérant en droit:

1. L'art. 272 al. 1 CO confère au bailleur d'un immeuble, en garantie du loyer de l'année écoulée et du semestre courant, un droit de rétention sur les meubles qui garnissent les lieux loués et qui servent soit à l'aménagement, soit à l'usage de ceux-ci.
a) Le jugement attaqué constate que le garage qui fait partie de la villa donnée à bail à Spen S.A. était utilisé pour le stationnement de la voiture Citroën et servait à l'abriter. Il y avait donc un lien spatial entre la voiture et le garage. Ce lien n'était pas occasionnel, mais pouvait subsister durant tout le bail. La voiture en cause "garnissait" dès lors le lieu loué, au sens de l'art. 272 al. 1 CO.
La demanderesse soutient à tort que le droit de rétention ne porte que sur des choses qui, par leur nature ou par l'usage que l'on en fait, ne quittent pas les locaux loués. L'éloignement temporaire d'un objet mobilier n'exclut pas le droit de rétention du bailleur; ce droit porte ainsi sur les chevaux d'un manège, le bétail ou le char d'une ferme (BECKER, n. 11 ad art. 272 CO; OSER/SCHÖNENBERGER, n. 23 ad art. 272 CO;, SCHMID, n. 11 ad art. 272-274 CO). Contrairement à ce que prétend la demanderesse, il n'y a pas là de contradiction avec l'art. 274 CO, aux termes duquel le bailleur peut contraindre le locataire qui veut déménager ou qui a l'intention d'emporter les choses garnissant les lieux loués, à y laisser autant de meubles
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que nécessaire pour la garantie du loyer. Comme le relève avec raison le Tribunal cantonal, il faut en effet distinguer la naissance et l'existence du droit de rétention, régies par l'art. 272 CO, et l'exercice de ce droit que l'art. 274 CO a pour but d'assurer.
b) Pour juger si l'objet du droit de rétention sert à l'aménagement ou à l'usage des locaux loués, il faut considérer la destination de ceux-ci et l'utilisation que le preneur en fait. D'une manière générale, la présence d'un véhicule automobile dans un garage correspond à l'usage normal de ce local. Une telle relation existe bien en l'espèce entre la voiture Citroën et le garage de la villa louée. La situation présente une certaine analogie avec les marchandises qui se trouvent dans des entrepôts loués, les animaux placés dans des écuries ou les tableaux du locataire d'une galerie, tous objets soumis au droit de rétention du bailleur (BECKER, n. 2 ad art. 272 CO; SCHMID, n. 9 ad art. 272-274 CO). Elle est en revanche différente de celle des vêtements, valises, articles de sport ou instruments de musique portatifs du locataire, lesquels n'ont pas de lien direct avec les locaux loués, mais en ont avec leur occupant et ne sont dès lors pas soumis au droit de rétention du bailleur (ATF 79 III 78, no 18).
Les conditions sont ainsi remplies, selon l'art. 272 al. 1 CO, pour que le défendeur ait un droit de rétention sur la voiture litigieuse, en tant que bailleur du garage de la villa louée. Les considérations du jugement attaqué sur l'existence d'un rapport entre un véhicule automobile et l'usage d'une villa, en général et au cas particulier, sont dès lors sans pertinence, et il n'y a pas lieu de discuter les objections formulées à cet égard par la demanderesse.
La question de la distinction du loyer du garage de celui de la villa louée en vertu du même contrat ne se pose pas ici, puisque le contrat de bail fixe un seul loyer, englobant tous les locaux dont le défendeur a cédé l'usage à Spen S.A.

2. La demanderesse fait valoir à tort qu'il serait abusif de reconnaître un droit de rétention au bailleur d'une villa, louée à une société anonyme et située en dehors de l'arrondissement où cette société a son siège. Celui qui vend un objet sous réserve de propriété à une telle société ne saurait prétendre qu'il ne serait tenu de faire notifier son droit de propriété qu'au seul bailleur des locaux où elle a son siège social. Une société peut
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avoir d'autres établissements stables ailleurs qu'à son siège social. Il appartient au vendeur d'un objet sous réserve de propriété de se renseigner auprès de son acheteur sur le lieu où cet objet sera utilisé, placé ou garé, et d'aviser le bailleur de ces locaux de sa réserve de propriété.
Il ne saurait être question d'accorder une priorité au droit de propriété du vendeur d'une automobile sur le droit de rétention du bailleur. Le conflit qui s'élève entre le bailleur qui n'a pas eu de motifs spéciaux de consulter le registre des pactes de réserves de propriété et le tiers propriétaire qui a négligé de porter à sa connaissance la réserve de propriété doit être tranché en faveur du premier (ATF 42 II 585). La grande extension prise par les ventes d'automobiles sous réserve de propriété n'est pas un motif d'abandonner cette jurisprudence. Le conflit qui peut surgir entre ces deux droits doit être résolu selon le seul art. 273 CO.

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Etat de fait

Considérants 1 2

références

Article: Art. 272 al. 1 CO, art. 272 CO, art. 272-274 CO, Art. 273 al. 1 CO suite...