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Chapeau

109 II 231


52. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 31 mai 1983 dans la cause Bocherens contre International Transport Les J 3 (recours en réforme)

Regeste

Art. 440 al. 2, 404 CO; révocation du contrat de transport.
Le transporteur a droit à un salaire correspondant à l'activité déployée jusqu'à la révocation du contrat.
Révocation en temps inopportun par le transporteur: salaire afférent au transport partiel; dommage causé à l'autre partie? Fardeau de la preuve.

Faits à partir de page 232

BGE 109 II 231 S. 232
En sa qualité d'entreprise de transport, la société International Transports Les J 3 a sous-traité différents transports à Philippe Bocherens. Les parties étant entrées en procès, Bocherens, défendeur, a réclamé à International Transports Les J 3, demanderesse, le paiement de 22'000 francs français représentant le coût d'un transport interrompu, effectué de Medina del Campo (Espagne) à Genève, alors qu'il était destiné au Qatar.
Par jugement du 22 novembre 1982, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté cette prétention du fait que le défendeur avait interrompu le transport sans motif valable.
Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours en réforme du défendeur contre ce jugement.

Considérants

Extrait des considérants:

3. a) Le défendeur ne conteste pas avoir interrompu sans motif valable, à Genève, le transport qu'il devait effectuer d'Espagne au Qatar. Il prétend cependant qu'ayant déjà effectué une partie du transport, soit de Medina del Campo à Genève, il aurait droit à une rémunération partielle, estimée par l'expert à 4'590 francs. Compte tenu du montant déjà reconnu de 2'600 francs, sa créance globale devrait s'élever à 7'190 francs.
b) La cour cantonale constate à ce sujet que le trajet entre l'Espagne et le Qatar peut emprunter la direction de Genève et que l'expert a estimé à 4'590 francs suisses le coût du transport jusqu'à cette ville. Elle considère cependant qu'on ne voit pas sur quelle base le défendeur aurait droit au paiement d'une partie du transport, et qu'en l'absence de toute allégation sur l'utilité du transport
BGE 109 II 231 S. 233
partiel, le défendeur n'a droit à aucune indemnité de ce chef; quant au dommage de 30'000 francs français allégué par la demanderesse du fait de la résiliation injustifiée du contrat par le défendeur, la preuve n'en a pas été rapportée.
c) Le juge cantonal tout comme le Tribunal fédéral appliquent d'office le droit suisse (ATF 107 II 122 s., 418 en haut et les arrêts cités).
aa) L'art. 440 al. 2 CO déclarant les règles du mandat applicables au contrat de transport, ce contrat est en principe révocable en tout temps (art. 404 CO; ATF 55 II 183; OSER/SCHÖNENBERGER, n. 24 ad art. 440; GAUTSCHI, n. 10d ad art. 440). Pour l'activité déployée jusqu'à la révocation du contrat, le transporteur, comme le mandataire dans le mandat à titre onéreux, peut prétendre un salaire correspondant à cette activité, le salaire étant un élément inhérent au contrat de transport (art. 440 al. 1 CO; cf. OSER/SCHÖNENBERGER, n. 24 ad art. 440 et n. 5 ad art. 404; GAUTSCHI, n. 10c et d ad art. 440). Cependant, en cas de révocation en temps inopportun, l'auteur de la révocation doit indemniser l'autre partie du dommage qu'il lui cause (art. 404 al. 2 CO).
Selon l'art. 8 CC, il appartient au transporteur qui a révoqué le contrat d'établir les éléments de sa prétention en paiement d'un salaire, alors qu'il appartient le cas échéant à son cocontractant d'établir le dommage que lui a causé une résiliation en temps inopportun.
bb) En l'espèce, par son attitude, le défendeur a exprimé la volonté de révoquer le contrat de transport. Il peut donc prétendre en principe un salaire pour le transport effectué d'Espagne à Genève. La cour cantonale admet que le trajet par Genève était une des voies possibles pour joindre l'Espagne au Qatar et, implicitement, qu'il n'en est pas résulté un supplément injustifié de dépense; le transporteur a donc droit au coût du transport jusqu'à Genève, estimé à 4'590 francs.
Mais la révocation du contrat de transport a eu lieu en temps inopportun ou, à tout le moins, pour une cause dont le défendeur doit seul répondre (cf. ATF 55 II 183). En effet, selon le jugement attaqué, le défendeur ne pouvait faire valoir aucun motif valable et il n'a interrompu le transport que pour exercer une pression injustifiée sur la demanderesse, en vue de l'amener à lui concéder un avantage. Il ne pouvait lui échapper que ce comportement était propre à nuire à la société demanderesse. Il appartient cependant à celle-ci de fournir la preuve du dommage qui en résulte.
BGE 109 II 231 S. 234
La cour cantonale se borne à affirmer à cet égard qu'"en l'absence de toute allégation sur l'utilité du transport partiel, le défendeur n'a droit à aucune indemnité". Si elle entendait dire par là que le défendeur aurait dû alléguer et prouver que, pour la demanderesse, après déduction du dommage causé par la résiliation intempestive, la valeur du transport partiel apportait malgré tout un avantage, elle aurait violé les principes régissant la répartition du fardeau de la preuve. Si, au contraire, la cour cantonale a voulu dire que, pour obtenir gain de cause, le défendeur aurait dû formuler un allégué selon lequel "le transport partiel d'Espagne à Genève était utile à la demanderesse", cette considération serait erronée. En effet, le droit fédéral détermine seul quels sont les allégués pertinents et si la formulation de l'allégué est suffisante (ATF 105 II 144 s., ATF 98 II 117). Or l'allégué en cause serait dénué de pertinence, car le salaire du voiturier a pour contre-prestation la fourniture d'un transport et non pas d'un avantage (art. 440 al. 1 CO) et, en l'occurrence, cette prestation a été fournie en partie. Au demeurant, l'exigence serait excessive, car l'art. 8 CC ne permet pas d'exiger l'allégation et la preuve d'un fait évident, relevant des connaissances générales et de l'expérience de la vie humaine (KUMMER, n. 44 ss, 98, 143 ad art. 8 CC); or il est évident que, par rapport à un transport prévu d'Espagne jusqu'au Qatar, le transport partiel effectué d'Espagne à Genève représente une part non négligeable du transport convenu.
Comme la cour cantonale constate que la valeur du transport partiel s'élève à 4'590 francs et que la demanderesse n'a pas prouvé l'existence d'un dommage consécutif à la révocation intempestive du contrat - hormis un montant de 2'756 francs 36 français pour frais de déchargement dont le défendeur a déjà été débité -, une somme supplémentaire de 4'590 francs doit être allouée au défendeur.

contenu

document entier
regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 3

références

ATF: 107 II 122, 105 II 144, 98 II 117

Article: art. 8 CC, Art. 440 al. 2, 404 CO, art. 440 al. 1 CO, art. 440 al. 2 CO suite...