Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
Retour à la page d'accueil Imprimer
Ecriture agrandie
 
Chapeau

116 III 91


20. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 14 août 1990 dans la cause Banque X. (recours LP)

Regeste

Distribution entre les créanciers d'une même série des sommes recouvrées ensuite d'une plainte pénale introduite par l'un d'eux contre le débiteur.
1. La distribution entre les créanciers des sommes recouvrées est un acte susceptible de plainte au sens de l'art. 17 LP (consid. 1).
2. Les sommes recouvrées ensuite d'une plainte pénale introduite par l'un des créanciers contre le débiteur ne doivent pas servir à couvrir en premier lieu les créanciers et les frais de ce créancier: agit conformément à la loi l'office des poursuites qui répartit ces sommes entre tous les créanciers de la série, en indemnisant en priorité les créanciers privilégiés (consid. 2).

Faits à partir de page 92

BGE 116 III 91 S. 92

A.- a) La Banque X. a été, en sa qualité de créancière ordinaire de Y., admise à participer, dans la série No 87 080 109, à la saisie des biens de ce dernier; le procès-verbal de saisie, dressé le 12 janvier 1988, fixait une retenue mensuelle de 2'000 francs sur les biens du débiteur. Y. devait ainsi verser régulièrement un montant de 2'000 francs par mois, à partir du 12 janvier 1988, sur le compte de chèques postaux de l'Office des poursuites de Genève.
Le montant de la créance de la Banque X. retenu par l'Office des poursuites a été arrêté, en capital et frais, à 18'667 fr. 75. Le 28 avril 1989, l'office a délivré à la Banque X. un acte de défaut de biens après saisie d'un montant total de 18'685 fr. 75.
Sur la demande de la Banque X., l'Office des poursuites a remis à celle-ci, le 9 novembre 1989, un duplicata du procès-verbal, d'où il ressortait que le gain saisi n'avait pas été versé. Le procès-verbal spécifiait que le montant des retenues impayées s'élevait à 12'000 francs au total, somme des montants dus pour la période du 8 juillet 1988 au 12 janvier 1989.
b) Le 29 novembre 1989, la Banque X. a déposé auprès du Procureur général du canton de Genève une plainte pénale contre Y., pour détournement d'objets mis sous main de justice (art. 169 CP). Cette plainte lui ayant été transmise le 15 février 1990, le Président du Tribunal de police a convoqué Y. en qualité d'accusé à l'audience de jugement du 22 mars 1990. La convocation contenait la "remarque" suivante: "Si vous démontrez par pièces, avant l'audience, que vous avez payé la somme due, la cause sera rayée du rôle et vous n'aurez pas à vous présenter."
BGE 116 III 91 S. 93
c) Le 21 mars 1990, Y. a versé le montant de 12'000 francs en main de l'Office des poursuites, sans préciser la créance qu'il entendait éteindre par ce versement; quittance lui a été délivrée "pour solde du procès-verbal de non-versement du gain saisi No 87 00109 G (période du 8.7.1988 au 12.1.1989)".
Le service des saisies de l'Office des poursuites a réparti la somme ainsi versée, en indemnisant en priorité les créanciers privilégiés; dans le cadre de cette répartition, la Banque X. a été créditée de 448 fr. 40, valeur au 21 mai 1990.

B.- La Banque X. a porté plainte auprès de l'autorité cantonale de surveillance, demandant implicitement que la totalité de la somme payée à l'Office des poursuites par Y. lui fût versée.
L'autorité cantonale de surveillance a déclaré la plainte irrecevable par décision du 20 juin 1990. Elle a considéré notamment qu'il n'y avait pas en l'espèce une mesure de l'office susceptible de plainte.

C.- La Banque X. a recouru au Tribunal fédéral. Elle demandait que la décision attaquée fût annulée et qu'ordre fût donné que le montant de 12'000 francs payé par Y. à l'Office des poursuites de Genève fût versé intégralement à la recourante; subsidiairement que la cause fût renvoyée à l'autorité cantonale de surveillance pour qu'elle statuât dans le sens des considérants.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Considérants

Considérant en droit:

1. C'est à tort que l'autorité cantonale de surveillance a estimé qu'il n'y a pas en l'espèce une mesure de l'office au sens de l'art. 17 LP. Comme elle le dit elle-même, par mesure il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'office en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète; il s'agit d'un acte matériel qui a pour objet la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes (ATF 85 III 92 consid. 2; cf. ATF 82 III 134 /135 consid. 1, ATF 94 III 88 consid. 2; JAEGER, n. 3 ad art. 17 LP, trad. fr., I p. 37; AMONN, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 4e éd., par. 6 n. 6 p. 52; GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 2e éd., p. 55). Or, ce qui est en cause ici, c'est la distribution entre les créanciers des sommes recouvrées, et non pas simplement une déclaration d'ordre général, une communication de l'office sur ses
BGE 116 III 91 S. 94
intentions ou un avis. On est donc en présence d'un acte de nature à provoquer une plainte.

2. a) La recourante soutient que l'Office des poursuites a pris une mesure inopportune et violé son pouvoir d'appréciation. Elle tient, en substance, le raisonnement suivant:
La question à résoudre en l'espèce est celle de savoir comment répartir entre les différents créanciers d'une même série les sommes recouvrées par suite de l'intervention de l'un d'eux, lorsque, considérant que la poursuite était infructueuse, l'office avait délivré un acte de défaut de biens et qu'à l'exception d'un seul les créanciers s'étaient implicitement déclarés satisfaits de la décision de l'office, puisqu'ils n'envisageaient pas d'entreprendre des démarches. Ce cas n'est pas expressément réglé par la loi: il doit être assimilé à une saisie complémentaire, qui ne profite qu'au créancier qui l'a requise. On arrive d'ailleurs au même résultat en appliquant par analogie les art. 131 et 260 LP. Si le débiteur n'avait pas été cité à comparaître devant le Tribunal de police ensuite de la plainte de la Banque X., il ne se serait jamais acquitté du solde de la retenue des gains. Il serait donc choquant que des créanciers saisissants, même privilégiés, voient leur inaction récompensée au détriment d'autres créanciers, de rang postérieur mais animés d'une plus grande détermination. L'application par analogie des dispositions légales précitées amène à la conclusion que la somme obtenue doit servir en premier lieu à couvrir les créances et les frais du créancier le plus diligent.
b) Cette argumentation ne saurait être accueillie.
aa) En vertu de la jurisprudence, si, lors de la saisie, il n'existe pas de biens suffisants, d'après l'estimation de l'office, pour satisfaire le créancier poursuivant, ce dernier peut, s'il découvre que le débiteur possède d'autres biens, en se fondant sur l'acte de défaut de biens provisoire, requérir directement l'office de saisir ces biens (ATF 88 III 61 consid. 1 et les arrêts cités). Mais en l'espèce la recourante n'a précisément pas adressé de réquisition à l'office. Elle a choisi une voie qui ne relève pas de la procédure d'exécution forcée: elle a cherché à se satisfaire en déposant une plainte pénale contre le débiteur. Il n'est donc pas possible d'assimiler ce cas à une saisie complémentaire. bb) Il n'y a aucune raison non plus d'appliquer par analogie les art. 131 et 260 LP. La situation est tout autre. Selon l'art. 131
BGE 116 III 91 S. 95
al. 2 LP
, les saisissants ou l'un d'eux peuvent se charger de faire valoir contre le tiers débiteur, à leurs risques et périls et sans préjudice à leurs droits, une créance ou une prétention du saisi; la somme qu'ils pourront obtenir servira, dans ce cas, à couvrir en premier lieu leurs propres créances et les frais. Mais il faut le consentement de tous les créanciers qui participent à la saisie de la créance, soit de tous les créanciers de la série: la réalisation se fait "dans les mêmes conditions" que celle, prévue à l'art. 131 al. 1 LP, des créances non cotées à la bourse, soit "si tous les créanciers saisissants le demandent" (cf. JAEGER, n. 2 et 8 ad art. 131 LP, trad. fr., I, p. 478 et 480). Il s'agit ainsi d'un mandat de recouvrement accordé, avec le consentement de tous les créanciers saisissants, à un créancier ou à un groupe de créanciers, institution analogue à la cession des droits de la masse de l'art. 260 LP dans la procédure de faillite (cf. GILLIÉRON, op.cit., p. 225). Or, en l'espèce, la recourante a agi d'elle-même, sans mandat aucun des autres créanciers de la série.
cc) Si l'on cherche une analogie, elle existe plutôt avec le cas, prévu à l'art. 269 al. 1 LP, où, la faillite clôturée, on découvre des biens qui ont échappé à la liquidation. En effet, afin de se soustraire à la plainte pénale déposée contre lui par la recourante, le débiteur a versé 12'000 francs, non pas directement à celle-ci (comme elle l'aurait voulu), mais, avec raison, à l'Office des poursuites. Dans une telle éventualité, l'Office des faillites procède à une distribution entre les créanciers, suivant leur rang. C'est conforme au principe de l'égalité des créanciers, qui, de manière générale, régit la procédure d'exécution forcée. Les exceptions à ce principe sont prévues par la loi: il ne faut pas les étendre à d'autres cas, comme celui-ci, pour des raisons d'équité.
dd) Au surplus, si l'on accédait à la requête de la recourante, non seulement on ne respecterait pas le droit des autres créanciers de la même série, en particulier ceux des créanciers privilégiés, mais on ouvrirait la porte à des procédés de recouvrement en dehors de la voie tracée par la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, qui pourraient avoir des effets inadmissibles dans le cadre de l'exécution forcée: ainsi, on peut imaginer le cas de créanciers connaissant l'existence de biens du débiteur et la taisant, pour pouvoir, après la clôture de la procédure, exercer des pressions au détriment des autres créanciers de la même série; la preuve de la violation des règles de la bonne foi serait, le plus souvent, très difficile à rapporter.
BGE 116 III 91 S. 96

3. Vu ce qui précède, la plainte ne pouvait qu'être rejetée si l'autorité cantonale de surveillance était entrée en matière. Le recours apparaît donc mal fondé.

contenu

document entier
regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 1 2 3

références

ATF: 85 III 92, 82 III 134, 94 III 88, 88 III 61

Article: art. 17 LP, art. 131 et 260 LP, art. 169 CP, art. 131

BGE 116 III 91 S. 95 suite...