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Chapeau

110 Ia 131


27. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 15 octobre 1984 dans la cause Komplex contre Fratelli Rossi & S.p.A. (recours de droit public)

Regeste

Art. 36 lettre f du concordat suisse sur l'arbitrage.
Des parties, même domiciliées à l'étranger, ne peuvent renoncer d'avance à la possibilité de recours qui leur est offerte par cette disposition.

Faits à partir de page 131

BGE 110 Ia 131 S. 131
La société Komplex, à Budapest, et la société italienne Fratelli Rossi & Co. S.p.A. sont convenues de soumettre leurs éventuels litiges à un tribunal arbitral, ayant son siège à Berne et désigné par la Chambre de commerce internationale à Paris.
Les accords passés entre parties prévoyaient que la sentence prononcée par le tribunal arbitral siégeant à Berne serait inattaquable et exécutoire (unanfechtbar und vollstreckbar), et que leur différend serait jugé de manière définitive (risolte in modo definitivo), conformément au règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale. Ce règlement stipule à son art. 24:
"Caractère définitif et exécutoire de la sentence.
La sentence arbitrale est définitive.
Par la soumission de leur différend à l'arbitrage de la Chambre de
commerce internationale, les parties s'engagent à exécuter sans délai la
sentence à intervenir et renoncent à toutes voies de recours auxquelles
elles peuvent renoncer."
Dans le cadre d'un procès arbitral entre parties, le tribunal arbitral siégeant à Berne a rendu une sentence partielle en date des 8 novembre 1982/7 mars 1983.
BGE 110 Ia 131 S. 132
Komplex s'est pourvue en nullité contre cette sentence auprès de la Cour d'appel du canton de Berne. Elle a conclu à sa nullité en invoquant des contradictions entre ses considérants et son dispositif et le caractère arbitraire de la décision et de plusieurs de ses considérants.
Par arrêt du 21 mars 1984, la Cour d'appel a déclaré irrecevable le recours en nullité. Elle s'est fondée sur l'accord passé par les parties dans leurs différents contrats et prévoyant sans réserve que les sentences du tribunal arbitral seraient considérées comme définitives. Elle a tenu compte du fait que l'on était en présence d'un arbitrage international, entre des parties non domiciliées en Suisse, et a estimé que dans ce cas la volonté des parties était prépondérante et l'emportait sur les dispositions du concordat sur l'arbitrage conférant un caractère impératif aux règles relatives au recours en nullité.

Considérants

Extrait des motifs:

2. a) L'autorité cantonale a déclaré irrecevable le recours porté devant elle en prétendant se fonder sur l'avis de la majorité de la doctrine, voire de la jurisprudence. Or les auteurs et la jurisprudence invoqués ne font que marquer une tendance ou des desiderata en faveur d'un droit suisse de l'arbitrage international accordant une plus grande importance à la volonté des parties (cf. KLEIN, in Stabilité et jurisprudence du droit dans la jurisprudence du Tribunal fédéral, p. 487 ss, spéc. 497-501). Mais ces avis ne peuvent pas, de lege lata, aller à l'encontre du texte parfaitement clair du concordat. Même l'auteur le plus critique invoqué par l'autorité cantonale s'en prend en réalité au fait que l'art. 1er al. 3 du concordat rend impératif l'entier de l'art. 36 sans exclure la lettre f, qui n'est pas d'ordre public; mais cette critique ne peut avoir de valeur que de lege ferenda (WENGER, in L'arbitrage international privé et la Suisse, Colloque d'avril 1976, Mémoires publiés par la Faculté de droit de Genève, No 53, p. 25 et 27; le même auteur in Die internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, t. 1, 1979, p. 70/71). En présence de l'art. 1er al. 1 et 3 qui dispose, d'une part, que le concordat s'applique à toute procédure dont le siège se trouve sur le territoire de l'un des cantons concordataires et, d'autre part, que l'art. 36 est impératif, il est impossible à un tribunal suisse de nier le caractère impératif - même s'il n'est pas d'ordre public - de l'art. 36 lettre f à propos
BGE 110 Ia 131 S. 133
d'un arbitrage qui, comme en l'espèce, se déroule dans un canton concordataire. Du moment que le concordat ne contient de dispositions dérogatoires ou spécifiques ni à l'égard des parties domiciliées en dehors des cantons concordataires, ni à propos de l'arbitrage international, il n'est pas possible de s'écarter de cette disposition, même s'agissant de parties domiciliées à l'étranger. Celles-ci ne sauraient donc, en l'état, renoncer d'avance à la possibilité de recours qui leur est offerte.
Contrairement à ce que laisse entendre l'arrêt attaqué, la majorité de la doctrine et la jurisprudence ont toujours admis ou confirmé le caractère impératif de l'art. 36 lettre f, quel que soit le domicile des parties (ATF 102 Ia 501; arrêt non publié du 8 juillet 1981 Società Ceramica Italiana Pozzi Richard Ginori, consid. 4 in fine; DUTOIT/KNOEPFLER/LALIVE/MERCIER, Répertoire de droit international privé suisse, 1., p. 256, No 62, p. 335/336, Nos 420 à 423, et la stricte jurisprudence vaudoise citée; POUDRET/REYMOND/WURZBURGER, in JdT 1981 III 70; JOLIDON, Commentaire du concordat suisse sur l'arbitrage, p. 496; RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, p. 334/335, et les références citées par ces auteurs).
Quant au projet de loi fédérale sur le droit international privé suisse (cf. FF 1983 I 255 ss, 451), il prévoit à son art. 178 que les parties non domiciliées en Suisse peuvent convenir d'exclure tout recours devant les tribunaux suisses contre les décisions du tribunal arbitral rendues sur le fond. Il s'agit là d'une disposition qui, avec quelques autres, déroge au droit cantonal et notamment au concordat (cf. VOYAME, L'Etat et l'arbitrage commercial international, in Recueil de travaux suisses sur l'arbitrage international, 1984, p. 20; LALIVE, Problèmes spécifiques de l'arbitrage international, in Revue de l'arbitrage, 1980, p. 361/362); c'est donc dire que, dans la situation actuelle, le concordat ne prévoit rien de tel.
Dès lors, c'est à tort que l'autorité cantonale a nié en l'espèce le caractère impératif de l'art. 36 lettre f du concordat et qu'elle n'est pas entrée en matière sur le recours interjeté devant elle. Le présent recours doit, partant, être admis.