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111 V 110


24. Extrait de l'arrêt du 13 juin 1985 dans la cause Herrera contre Caisse cantonale vaudoise de compensation et Tribunal des assurances du canton de Vaud

Regeste

Art. 6 et 9 LAI: Clause d'assurance.
Droit à des mesures de réadaptation en faveur d'un mineur, domicilié en Suisse, ayant acquis la nationalité suisse postérieurement à la survenance de l'invalidité et qui, avant sa naturalisation, ne satisfaisait ni aux exigences de l'art. 6 al. 2 ni à celles de l'art. 9 al. 3 LAI.

Faits à partir de page 110

BGE 111 V 110 S. 110

A.- Emilio Herrera, domicilié à Lausanne, est né à Mexico, le 9 octobre 1967, d'un père d'origines espagnole, française et mexicaine, et d'une mère d'origine portugaise, au cours d'un séjour professionnel effectué au Mexique par le père, de 1966 à 1969, pour le compte d'une entreprise suisse. Peu après sa naissance, il a souffert de convulsions de type épileptique et, au retour de ses parents en Suisse, en mai 1969, son père a sollicité pour lui la prise en charge par l'assurance-invalidité de mesures médicales, qui ont été refusées par décision de la Caisse cantonale vaudoise de compensation du 19 décembre 1969, motif pris que les conditions prévues par l'art. 9 al. 3 LAI n'étaient pas réalisées. Cette décision a été confirmée par un jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 3 avril 1970.
Emilio Herrera a acquis la nationalité suisse, en même temps que ses parents, par décret de naturalisation du Grand Conseil du canton de
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Vaud du 3 décembre 1974. Le 2 septembre 1982, la Fondation E. a présenté pour lui une demande en vue d'obtenir de l'assurance-invalidité des mesures médicales (traitement de l'épilepsie et médicaments spécifiques). Par décision du 9 mars 1983, la caisse de compensation précitée les a derechef refusées, considérant que le requérant était "entré en Suisse en qualité d'étranger et porteur d'une affection congénitale", de sorte qu'il fallait admettre - s'agissant de mesures médicales - qu'il n'était pas assuré lors de la survenance de l'invalidité.

B.- Par jugement du 18 juillet 1983, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre cet acte administratif.

C.- Emilio Herrera interjette recours de droit administratif contre ce jugement en concluant à l'octroi par l'assurance-invalidité de mesures médicales.
La caisse intimée conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales propose de l'admettre et de renvoyer la cause à la caisse de compensation pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Considérants

Extrait des considérants:

2. (Le recourant ne peut pas bénéficier de mesures médicales selon l'art. 12 LAI, et cela indépendamment du point de savoir s'il était ou non assuré au moment de la survenance de l'invalidité; dès lors, l'octroi éventuel de telles mesures ne peut entrer en ligne de compte qu'en application de l'art. 13 LAI.)

3. a) Selon l'art. 13 LAI, les assurés mineurs ont droit aux mesures médicales nécessaires au traitement des infirmités congénitales (al. 1). Le Conseil fédéral désigne les infirmités donnant lieu à de telles mesures. Il peut exclure la prise en charge du traitement d'infirmités peu importantes (al. 2). Se fondant sur cette délégation de compétence, et conformément à l'art. 3 RAI, le Conseil fédéral a édicté l'ordonnance concernant les infirmités congénitales (OIC) du 20 octobre 1971. Aux termes de l'art. 1er al. 1 OIC, sont réputées infirmités congénitales au sens de l'art. 13 de la loi les infirmités qui existent à la naissance accomplie de l'enfant et sont mentionnées dans la liste figurant à l'art. 2, ou qui sont désignées ultérieurement comme telles par le Département fédéral de l'intérieur selon l'art. 3 al. 2. Le moment où une infirmité congénitale est reconnue comme telle n'importe pas. La prédisposition
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à une maladie n'est pas réputée infirmité congénitale. Selon les ch. 387 à 389 de l'ordonnance précitée, certaines formes de l'épilepsie sont reconnues comme infirmités congénitales.
b) Tant la décision litigieuse que le jugement entrepris se fondent sur l'idée que les troubles actuellement invoqués par le recourant sont en relation avec l'affection constatée peu après la naissance de ce dernier et que cette affection présente en outre les caractéristiques d'une infirmité congénitale au sens des dispositions rappelées ci-dessus. Les pièces du dossier ne permettent toutefois pas de répondre de manière définitive à ces questions. A cet égard, le recourant allègue qu'il était guéri en 1972 déjà et que "la détérioration ultérieure de la santé n'est pas due à une infirmité congénitale". Si tel était le cas, le traitement litigieux ne relèverait de toute façon pas de l'assurance-invalidité: par définition, il ne tomberait pas sous le coup de l'art. 13 LAI et ne pourrait pas non plus, ainsi qu'on l'a vu, être pris en charge en vertu de l'art. 12 LAI. Pour sa part, l'Office fédéral des assurances sociales, qui rapporte l'opinion de son service médical, est de l'avis (sans toutefois se prononcer sur l'existence d'une infirmité congénitale) que l'épilepsie est en l'occurrence demeurée, après 1972, dans "une phase latente". Sur le plan médical, une instruction complémentaire s'avérerait donc nécessaire. Mais, préalablement, il convient d'examiner si, dans l'éventualité envisagée par l'administration et par les juges cantonaux, le refus de la caisse se justifierait déjà par le fait que, selon les termes de la décision du 9 mars 1983, le recourant est "entré en Suisse en qualité d'étranger". Ce refus pose ainsi le problème de l'exigence relative à la clause d'assurance, à laquelle est en principe subordonné le droit aux prestations de l'assurance-invalidité.
c) Selon l'art. 6 al. 1 LAI, les ressortissants suisses, les étrangers et les apatrides ont droit aux prestations de l'assurance-invalidité, sous réserve de l'art. 39, s'ils sont assurés lors de la survenance de l'invalidité. Les étrangers et les apatrides n'ont droit aux prestations, sous réserve de l'art. 9 al. 3, qu'aussi longtemps qu'ils conservent leur domicile civil en Suisse et que si, lors de la survenance de l'invalidité, ils comptent au moins dix années entières de cotisations ou quinze années ininterrompues de domicile en Suisse (al. 2).
En ce qui concerne le droit à des mesures de réadaptation - dont font partie les mesures médicales - en faveur de mineurs étrangers ou apatrides, l'art. 9 al. 3 LAI dispose ce qui suit:
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"Les étrangers et apatrides, mineurs, qui ont leur domicile civil en Suisse, ont droit aux mesures de réadaptation s'ils remplissent eux-mêmes les conditions prévues à l'art. 6, 2e alinéa, ou si:
a. Leur père ou mère est assuré et, lorsqu'il s'agit d'étrangers ou d'apatrides, compte au moins dix années entières de cotisations ou quinze années ininterrompues de domicile civil en Suisse lors de la survenance de l'invalidité, et si
b. Eux-mêmes, sont nés invalides en Suisse ou, lors de la survenance de l'invalidité, résident en Suisse sans interruption depuis une année au moins ou depuis leur naissance."
d) En vertu de la jurisprudence, l'invalidité est réputée survenue, lorsque des mesures médicales sont en cause, au moment où l'infirmité constatée rend objectivement nécessaire, pour la première fois, un traitement médical ou un contrôle permanent; c'est le cas lorsque la nécessité du traitement ou du contrôle commence à se faire sentir et qu'il n'y a pas de contre-indication (ATF 105 V 60 consid. 2a et les arrêts cités).
Dans le cas particulier, il ressort du rapport du professeur B. du 31 août 1982 que le recourant a été traité au Mexique, en octobre 1968, en raison de convulsions épileptiques, et qu'il a ensuite subi des examens détaillés, de juin à juillet 1969, peu après sa venue en Suisse, au mois de mai précédent. Son père a alors requis pour lui des mesures médicales, qui ont été à juste titre refusées par la décision du 19 décembre 1969. Il est en effet indéniable que le recourant ne remplissait pas les conditions prévues par l'art. 9 al. 3 let. b LAI, qui lui étaient alors applicables, comme l'a constaté le Tribunal des assurances du canton de Vaud dans son jugement du 3 avril 1970.
La naturalisation du recourant, en 1974, ne change rien au fait que les conditions d'assurance doivent être remplies au moment de la survenance de l'invalidité, ainsi que le Tribunal fédéral des assurances a eu l'occasion de le dire à propos de Suissesses ayant acquis la nationalité suisse par mariage (ATF 108 V 64; RCC 1979 p. 120). A cet égard, le recourant se prévaut en vain de la jurisprudence selon laquelle un enfant de nationalité étrangère, adopté par un Suisse, peut prétendre des mesures de réadaptation dès le moment de l'adoption, même si l'événement assuré est survenu avant cette adoption. En effet, l'enfant adopté acquiert, selon l'art. 267 al. 1 CC, le statut juridique d'un enfant de ses parents adoptifs, de sorte qu'il doit être considéré, du point de vue du droit des assurances sociales, comme l'enfant issu de ces derniers; en revanche, en cas de naturalisation, il n'existe pas de
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norme légale qui permette de s'écarter des principes applicables en cette matière (cf. ATF 108 V 64 consid. 4b, ATF 106 V 164 consid. 3).
Ainsi donc, si l'on devait en l'espèce se placer dans la situation de fait et de droit retenue par l'administration et par les juges cantonaux, il faudrait considérer que, pas plus qu'il ne remplissait, avant sa naturalisation, les conditions prévues par l'art. 9 al. 3 LAI, le recourant ne satisfait aujourd'hui aux exigences de l'art. 6 al. 1 LAI, en ce qui concerne l'octroi de mesures médicales tout au moins.

4. a) Nonobstant ce qui précède, l'Office fédéral des assurances sociales propose, dans son préavis, d'admettre le recours et de renvoyer la cause à l'administration pour instruction complémentaire aux fins de vérifier si l'infirmité invoquée est bien d'origine congénitale. En effet, il estime que, le cas échéant, le droit à des mesures médicales devrait être reconnu au recourant. Il se fonde sur l'art. 9 al. 2 LAI, première phrase, selon lequel les ressortissants suisses, mineurs, qui ont leur domicile civil à l'étranger ont droit aux mesures de réadaptation comme les assurés, à la condition qu'ils résident en Suisse. Il est de l'avis que si de tels mineurs ont droit à des mesures de réadaptation, on doit en déduire, a fortiori, que les mineurs suisses qui ne remplissent pas non plus les conditions d'assurance, mais qui sont domiciliés en Suisse et qui sont donc assurés au moment de l'exécution des mesures de réadaptation, peuvent aussi prétendre ces dernières.
b) L'art. 9 al. 2 (anciennement al. 3) LAI constitue une exception à la règle selon laquelle le droit aux prestations est soumis à la clause d'assurance (sur d'autres exceptions, voir URS-VIKTOR INEICHEN, Der Rechtsanspruch auf Eingliederungsmassnahmen nach schweizerischem Invalidenversicherungsrecht, thèse Fribourg 1966, p. 42 ss). Dans son message à l'Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur l'assurance-invalidité ainsi qu'à un projet de loi modifiant celle sur l'assurance-vieillesse et survivants du 24 octobre 1958, le Conseil fédéral a motivé l'introduction de cette norme par le fait qu'il convenait de prévoir un régime particulier pour les enfants de ressortissants suisses à l'étranger qui ne peuvent adhérer à l'assurance facultative (FF 1958 II 1195). L'exposé de ces motifs a été rappelé dans l'ATFA 1962 p. 108. Lors de la création de l'assurance-invalidité, au stade des délibérations des experts, il était en effet question d'exclure la possibilité pour les mineurs d'adhérer à l'assurance facultative (rapport de la sous-commission II au plenum de la commission d'experts du 30 avril 1956).
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Une telle limitation n'a cependant pas été retenue, l'art. 2 LAVS ne fixant par ailleurs pas d'âge minimum à l'adhésion (voir également le ch. 12 des directives de l'Office fédéral des assurances sociales concernant l'assurance facultative des ressortissants suisses résidant à l'étranger). Les motifs rappelés ci-dessus sont donc inexacts: en réalité, l'existence d'une réglementation particulière pour les enfants de ressortissants suisses à l'étranger a été justifiée par le fait qu'il est logique d'accorder des mesures de réadaptation à des personnes qui peuvent, le cas échéant, prétendre ultérieurement une rente, ordinaire ou extraordinaire (priorité de la réadaptation sur la rente; rapport de la sous-commission IV au plenum de la commission du 23 mai 1956).
c) Par rapport au principe fondamental selon lequel, en matière d'assurances, l'intéressé doit être assuré au moment où l'événement dont on craint la survenance se produit, l'art. 9 al. 2 LAI a le caractère d'une loi spéciale, qui régit un état de fait bien particulier, à savoir le cas des mineurs ressortissants suisses et domiciliés à l'étranger. On ne saurait donc, par la voie de l'interprétation, étendre le champ d'application de cette norme à d'autres éventualités qui ne sont pas expressément visées par celle-ci. C'est dire que l'art. 9 al. 2 LAI ne souffre guère d'être interprété de manière extensive et qu'il ne permet donc pas, en lui-même, de résoudre le présent litige dans le sens préconisé par l'Office fédéral des assurances sociales.
Cela étant, on pourrait certes déduire des art. 6 al. 1 et 9 al. 3 LAI que le droit à des mesures de réadaptation ne peut pas être reconnu à un mineur domicilié en Suisse, ayant acquis la nationalité suisse postérieurement à la survenance de l'invalidité et qui, avant sa naturalisation, ne satisfaisait pas aux conditions d'assurance. Mais il faudrait alors constater, eu égard à l'art. 9 al. 2 LAI, que l'enfant de parents suisses domiciliés à l'étranger serait mieux traité, sous l'angle de la réadaptation, que l'enfant de parents suisses domiciliés en Suisse, ce qui ne serait pas soutenable du point de vue de l'équité. Semblable raisonnement conduirait en outre à des situations illogiques, voire absurdes. C'est ainsi qu'il suffirait en l'espèce que les parents du recourant se créent un domicile à l'étranger pour que cela entraîne l'obligation de l'assurance-invalidité d'accorder à ce dernier des mesures de réadaptation, s'il venait à résider en Suisse dans le but de s'y soumettre.
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En vérité, il y a lieu de considérer que par les art. 6 al. 1 et 9 al. 2 LAI le législateur a voulu viser tous les ressortissants suisses mineurs, soit les mineurs assurés en vertu de l'art. 1er LAI, qui reconnaît la qualité d'assurés aux personnes affiliées à titre obligatoire ou à titre facultatif selon les art. 1er et 2 LAVS, d'une part, et, d'autre part, ceux qui sont domiciliés à l'étranger et qui, précisément, ne remplissent pas la condition d'assurance. Mais il n'a eu en vue que les mineurs suisses de naissance et il n'a assurément pas eu conscience de la situation particulière qui pouvait résulter de l'acquisition par naturalisation de la nationalité suisse et pour laquelle la LAI ne fournit pas de réponse. On doit ainsi constater que la loi est entachée d'une pure lacune, qu'il convient de combler conformément aux principes exprimés par l'art. 1er al. 2 et 3 CC. Or, il n'est pas douteux que si le législateur avait envisagé, quant au problème ici en discussion, l'éventualité de la naturalisation, il aurait également admis - pour les mêmes motifs qui ont présidé à l'adoption de l'art. 9 al. 2 LAI - de faire abstraction de la clause d'assurance en présence de mineurs domiciliés en Suisse et qui se trouvent dans la situation de fait et de droit décrite ci-dessus.
Il est vrai que la volonté d'accorder des mesures de réadaptation à des personnes qui peuvent, le cas échéant, prétendre ultérieurement une rente, ne s'est pas concrétisée en ce qui concerne les mineurs étrangers et apatrides, compte tenu des conditions énoncées par l'art. 9 al. 3 LAI. Mais, dans ce cas, le législateur entendait prévenir d'éventuels abus, en ce sens qu'il a voulu éviter que des ressortissants étrangers ne fassent venir en Suisse leur enfant invalide aux seules fins de le faire bénéficier des prestations de l'assurance-invalidité (INEICHEN, op.cit., p. 44 note 12; PIETRO DE CAPITANI, Die Voraussetzungen für den Anspruch auf Leistungen der Invalidenversicherung, thèse Zurich 1966, p. 95). Or, comme on l'a vu, il n'a pas eu des préoccupations de cet ordre pour ce qui est des mineurs ressortissants suisses.
d) En conclusion, on doit admettre que le mineur naturalisé suisse et domicilié en Suisse a droit à des mesures de réadaptation indépendamment des exigences prescrites par les art. 6 al. 1 et 9 al. 3 LAI; un tel droit existe - toutes autres conditions étant réunies - à partir du moment de l'acquisition de la nationalité (cf. ATF 106 V 164), soit, en règle ordinaire, à partir de la date du décret de naturalisation du Grand Conseil du canton concerné.
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5. Cela étant, il s'impose de renvoyer la cause à l'administration pour qu'elle procède à une instruction complémentaire sur le point de savoir si le recourant souffre ou non d'une infirmité congénitale et statue à nouveau sur les mesures médicales prétendues, conformément aux considérants qui précèdent.

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regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 2 3 4 5

références

ATF: 108 V 64, 106 V 164, 105 V 60

Article: art. 9 al. 3 LAI, art. 9 al. 2 LAI, art. 13 LAI, art. 12 LAI suite...