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119 V 1


1. Arrêt du 28 janvier 1993 dans la cause B. contre Caisse suisse de compensation et Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger

Regeste

Art. 18 al. 2 LAVS.
- Quand une personne qui prétend des prestations de l'AVS possède plusieurs nationalités, on applique par analogie l'art. 23 al. 2 LDIP pour déterminer sa nationalité effective (confirmation de la jurisprudence).
- Lorsque le droit à une rente ordinaire de vieillesse ou de survivant dépend de la nationalité de l'assuré, est déterminante la nationalité de l'intéressé à l'époque du paiement des cotisations à l'AVS ou lors de l'ouverture du droit à la rente. Si l'assuré possède plusieurs nationalités dont la nationalité suisse ou celle d'un pays qui a conclu avec la Suisse une convention de sécurité sociale, c'est toujours cette dernière nationalité qui est considérée comme déterminante.

Faits à partir de page 2

BGE 119 V 1 S. 2

A.- Maisie B., née en 1927, mariée, ressortissante anglaise et canadienne vivant à Montréal (Canada), a demandé dans le courant du mois de mars 1990 à être mise au bénéfice d'une rente de vieillesse de l'AVS. Elle indiquait avoir exercé une activité lucrative en Suisse du 1er novembre 1951 au 31 mai 1953.
Par décision du 27 juin 1990, la Caisse suisse de compensation a rejeté la demande, parce que la requérante avait la nationalité canadienne, qu'il n'existait pas de convention avec le Canada et que les conditions auxquelles l'art. 18 al. 2 LAVS subordonne le versement d'une rente n'étaient pas remplies dans le cas particulier.

B.- La prénommée a recouru, en se prévalant de sa nationalité anglaise.
Par jugement du 24 janvier 1991, le Juge unique de la Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant à l'étranger a rejeté le recours, en bref parce que, selon la jurisprudence, c'est la nationalité prépondérante ou effective qui permet de décider s'il y a lieu d'appliquer une éventuelle convention internationale en matière de sécurité sociale; qu'il s'agissait en l'occurrence d'une citoyenne canadienne par mariage possédant également la nationalité anglaise; que, les époux vivant au Canada, il y avait lieu de considérer que la citoyenneté canadienne prédominait; qu'à défaut de convention avec le Canada, c'étaient les règles de la LAVS, notamment l'art. 18 al. 2 LAVS, qu'il fallait appliquer; que les conditions prévues par cette disposition n'étaient pas remplies par la recourante. Le premier juge a réservé la présentation d'une demande de remboursement des cotisations versées à l'assurance suisse.

C.- Maisie B. interjette recours de droit administratif, en reprenant ses conclusions et moyens de première instance.
La caisse intimée conclut au rejet du recours, comme l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS).

Considérants

Considérant en droit:

1. La première question à trancher en l'espèce est celle de la nationalité de la recourante. En effet, en ce qui concerne les
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prestations de l'assurance sociale suisse, l'intéressée n'est pas considérée comme double nationale. A cet égard, le Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de préciser qu'il fallait appliquer, en présence d'un double national possédant la nationalité suisse, le principe de la nationalité prédominante ou effective et, pour ce faire, tenir compte dans chaque cas particulier de l'intensité de toutes les relations importantes avec l'un ou l'autre des Etats en cause (ATF 112 V 93 consid. 2b in fine). Il importe dès lors de se demander selon quels critères il y a lieu de déterminer la nationalité effective de celui qui, à l'instar de la recourante, a plusieurs nationalités étrangères et revendique une prestation d'une assurance sociale suisse en vertu d'une convention bilatérale liant la Suisse à l'un des Etats dont le requérant est le ressortissant.
Dans le cas de doubles nationaux suisses et étrangers, il est indispensable de procéder à cet examen, car la loi elle-même fait une différence entre Suisses et étrangers, notamment dans l'AVS/AI (v. p.ex. les art. 1 al. 1 let. c, 2, 18, 42bis LAVS, ou les art. 6, 9 et 39 LAI). Il n'est en revanche pas indispensable de déterminer la nationalité effective ou prépondérante d'une personne qui ne possède pas la nationalité suisse, du moins lorsqu'aucun des Etats dont elle a la nationalité n'a conclu avec notre pays une convention de sécurité sociale. En revanche, lorsque l'un de ces Etats au moins a passé un tel accord avec la Suisse, la question de la nationalité prépondérante doit être tranchée, si l'on ne veut pas favoriser celui qui a deux ou plusieurs nationalités étrangères par rapport au double national suisse et étranger.
S'agissant de déterminer la nationalité effective de la personne qui a plusieurs nationalités étrangères, il faut, conformément à l'arrêt ATF 112 V 89, reprendre la solution du droit international privé et appliquer par analogie l'art. 23 al. 2 LDIP (RS 291) qui dispose: "Lorsqu'une personne a plusieurs nationalités, celle de l'Etat avec lequel elle a les relations les plus étroites est seule retenue pour déterminer le droit applicable, à moins que la présente loi n'en dispose autrement" (principe de la nationalité dite effective; voir KNOEPFLER/SCHWEIZER, Précis de droit international privé suisse, no 430, p. 145). Cette solution a certes été contestée par la doctrine (P.-Y. GREBER, La survenance de l'invalidité et la condition d'assurance, Cahiers genevois de la sécurité sociale, nos 3/4, 1988, spéc. pp. 43 ss). Mais cette critique concerne le cas spécifique du double national suisse et étranger, de sorte qu'il n'est pas indispensable d'y répondre aujourd'hui, puisque aussi bien les deux nationalités en cause dans la présente affaire sont étrangères.
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2. En l'espèce, alors qu'elle ne possédait que la nationalité britannique, la recourante a exercé en Suisse, sous son nom de jeune fille, une activité lucrative soumise à cotisations en 1951, 1952 et 1953. Ce n'est que plus tard qu'elle a acquis la nationalité canadienne, apparemment à la suite de son mariage avec un ressortissant canadien en 1956.
Se pose dès lors, à titre préalable, la question du moment auquel il convient de se placer pour déterminer la nationalité effective de l'assuré qui revendique des prestations de l'AVS dans une telle situation. La recourante soutient implicitement que c'est le moment où elle a travaillé en Suisse et cotisé à cette assurance sociale qui doit seul être pris en considération. En revanche, l'administration et le premier juge - sans justifier plus avant leur point de vue - ont retenu le moment auquel le droit aux prestations d'assurance est né, soit en l'occurrence la date d'ouverture du droit éventuel de la recourante à une rente de vieillesse. Cela correspond à la pratique administrative et plus particulièrement au ch. 327 des directives de l'OFAS concernant les rentes de l'AVS/AI (DR).
a) La première solution (nationalité effective au moment où l'assuré a cotisé au régime) se justifie non seulement du point de vue de la sécurité juridique - en principe, une situation de fait doit être appréciée à la lumière des règles de droit qui en sont contemporaines - mais également sous l'angle de la prévisibilité du droit applicable à cette situation. Il importe, en effet, de connaître la règle de droit qui qualifie les faits établis pour savoir quels faits doivent être allégués et prouvés en procédure (ATF 118 II 86).
C'est, par exemple, la solution retenue par la Cour de justice des Communautés européennes pour décider quelle est la nationalité déterminante du travailleur au sens de l'art. 2 § 1 du règlement no 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Selon cette jurisprudence, la qualité de ressortissant de l'un des Etats membres se situe à l'époque de l'accomplissement du travail, du versement des cotisations relatives aux périodes d'affiliation et de l'acquisition des droits correspondants (arrêt Belbouad du 12.10.1978, Rec. 1978, p. 1924, § 7).
Elle comporte toutefois l'inconvénient d'alourdir la tâche des institutions chargées de la liquidation des pensions (v. par ex. CATALA/BONNET, Droit social européen, p. 251, § 377, n. 13). C'est pourquoi, ainsi qu'on l'a vu, la pratique administrative tend à lui
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préférer la seconde solution (nationalité effective au moment où s'ouvre le droit aux prestations d'assurance ou, le cas échéant, au moment de la demande) qui est plus simple à appliquer.
b) Par ailleurs, l'alternative ne se présente pas toujours de manière aussi limpide que dans le cas d'espèce. On peut envisager des situations plus complexes, non seulement en fonction de la nationalité effective de l'assuré à l'un ou à l'autre des moments déterminants, mais aussi en fonction de l'existence ou de l'absence d'une convention de sécurité sociale entre la Suisse et l'Etat - ou les Etats - dont l'assuré est ou était ressortissant.
C'est ainsi qu'une solution qui, dans un cas donné, se révélera favorable à l'assuré double national pourra sembler trop rigoureuse dans un autre cas. Par exemple, si l'on donne la préférence, en l'espèce, à la nationalité effective de la recourante au moment où elle a cotisé à l'AVS, cela sera à son avantage car c'est alors la convention de sécurité sociale liant la Suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne qui s'appliquera, aucune convention de cette sorte n'ayant été conclue avec le Canada. Mais dans l'hypothèse inverse (nationalité canadienne lorsque l'assurée a cotisé à l'AVS et britannique lors de l'ouverture du droit à une rente de vieillesse), la recourante n'aurait pu prétendre une telle rente. En revanche, dans cette éventualité, la solution préconisée par l'OFAS dans ses directives précitées lui aurait permis, en principe, de percevoir une rente.
Il peut aussi arriver qu'un assuré qui prétend une rente de l'AVS ait changé de nationalité ou soit devenu double national durant la période où il a cotisé à cette assurance sociale. Dans ce cas, l'application du principe de la nationalité effective au moment où l'assuré a payé des cotisations pourrait entraîner certaines difficultés, notamment si l'une des nationalités est celle d'un Etat non lié à la Suisse par une convention de sécurité sociale.
c) En définitive, pour répondre à l'exigence de la sécurité du droit autant qu'aux besoins de la pratique, il convient de déterminer la nationalité de l'assuré de manière alternative: lors du paiement des cotisations à l'AVS ou lors de l'ouverture du droit à la rente. Autrement dit, il suffit qu'un assuré possède ou ait possédé la nationalité suisse ou celle d'un Etat ayant conclu une convention de sécurité sociale avec la Suisse, à l'une de ces deux époques, pour qu'il ait droit à une rente ordinaire de vieillesse, à condition d'avoir cotisé durant une année au moins (art. 29 al. 1 LAVS). La même règle vaut pour les rentes de survivant.
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Cette manière de procéder simplifie la détermination du droit applicable et rend pratiquement inutile la distinction fondée sur le principe de la nationalité effective, au moins pour l'AVS. En effet, ce principe ne s'appliquera plus que dans le cas d'un double national ne possédant ou n'ayant jamais possédé la nationalité suisse, ni celle d'un Etat ayant conclu une convention avec la Suisse. Or, dans cette éventualité, c'est l'art. 18 al. 2, première phrase LAVS qui fait règle, quelle que soit la nationalité en cause.
En résumé, lorsque le droit à une rente ordinaire de vieillesse ou de survivant dépend de la nationalité de l'assuré, est déterminante la nationalité de l'intéressé à l'époque du paiement des cotisations à l'AVS ou lors de l'ouverture du droit à la rente. Si l'assuré possède plusieurs nationalités dont la nationalité suisse ou celle d'un pays qui a conclu avec la Suisse une convention de sécurité sociale, c'est toujours cette dernière nationalité qui est considérée comme déterminante.
d) Conformément à ces principes, il convient d'examiner la demande de rente présentée par la recourante à la lumière de la convention de sécurité sociale conclue le 21 février 1968 entre la Suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, en vigueur depuis le 1er avril 1969. Certes, cette convention est postérieure à l'époque à laquelle la recourante a séjourné en Suisse et cotisé à l'AVS, de 1951 à 1953. Du reste, il n'existait à ce moment-là aucune convention de sécurité sociale entre les deux Etats précités puisque la première convention en matière d'assurances sociales entre la Suisse et le Royaume-Uni, conclue le 16 janvier 1953, n'était entrée en vigueur que le 1er juin 1954 (ROLF 1954 p. 1023). Il n'importe, car l'art. 24 al. 3 de la convention de 1968 prescrit de prendre en compte toute période de cotisations ou période équivalente accomplie par une personne avant l'entrée en vigueur du traité pour la détermination du droit aux prestations selon cette convention. Une disposition semblable figurait déjà à l'art. 21 ch. 4 de la convention de 1953, d'après laquelle toute contribution payée par un ressortissant de l'une ou l'autre Partie avant la date d'entrée en vigueur du traité était prise en considération pour la détermination du droit aux prestations conformément aux dispositions de ladite convention.

3. Aux termes de l'art. 18 al. 2 LAVS, les étrangers et leurs survivants qui ne possèdent pas la nationalité suisse n'ont droit à une rente qu'aussi longtemps qu'ils ont leur domicile civil en Suisse et que si les cotisations ont été payées pendant au moins dix années entières. Sont réservées les dispositions spéciales de droit fédéral
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relatives au statut des réfugiés et des apatrides ainsi que les conventions internationales contraires, conclues en particulier avec des Etats dont la législation accorde aux ressortissants suisses et à leurs survivants des avantages à peu près équivalents à ceux de la présente loi.
Selon la convention conclue avec le Royaume-Uni, le droit aux rentes ordinaires de l'AVS suisse des ressortissants britanniques est donné après une année de cotisations, la rente - calculée comme l'est celle revenant à un ressortissant suisse - pouvant être versée dans chaque Etat de domicile (un remboursement des cotisations est en revanche exclu; art. 3, consacrant l'égalité de traitement des ressortissants des parties à la convention). La recourante ayant cotisé pendant plus d'une année à l'AVS, les conditions précitées sont remplies en l'espèce, de sorte qu'elle a droit à une rente de vieillesse.

4. Le recours doit ainsi être admis et la cause renvoyée à l'administration pour qu'elle arrête le montant de la rente que l'assurée peut prétendre.

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Considérants 1 2 3 4

références

ATF: 112 V 93, 112 V 89, 118 II 86

Article: Art. 18 al. 2 LAVS, art. 23 al. 2 LDIP, art. 1 al. 1 let, art. 6, 9 et 39 LAI suite...

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