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Ecriture agrandie
 

Regeste

SUISSE: Art. 10 CEDH. Condamnation pénale pour avoir contesté publiquement l'existence du génocide arménien.

Le requérant est un homme politique turc qui a qualifié publiquement la thèse du génocide arménien de mensonge international. Condamné par les autorités suisses pour discrimination raciale, le requérant se plaint d'une violation de son droit à la liberté d'expression.
La Grande Chambre a examiné si les autorités suisses avaient ménagé un juste équilibre entre le droit du requérant à la liberté d'expression et le droit des Arméniens à la protection de leur dignité. Pour procéder à cette évaluation, les juges strasbourgeois ont tenu compte des circonstances du cas d'espèce: nature des propos du requérant, contexte de l'ingérence, mesure dans laquelle les propos litigieux ont heurté les droits des Arméniens, existence ou non d'un consensus parmi les Hautes Parties contractantes quant à la nécessité de recourir à des sanctions pénales à l'égard de propos de cette nature, existence éventuelle de règles de droit international en la matière, raisonnement suivi par les juridictions suisses pour justifier la condamnation du requérant et gravité de l'ingérence. La Cour est arrivée à la conclusion qu'il n'était pas nécessaire dans une société démocratique de condamner pénalement le requérant afin de protéger les droits de la communauté arménienne (ch. 196-280).
Conclusion: violation de l'art. 10 CEDH.

N.B. Cet arrêt de la Grande Chambre fait suite à celui du 17.12.2013 d'une chambre, qui était arrivée à la même conclusion.



Synthèse de l'OFJ


(4ème rapport trimestriel 2015)

Liberté d'expression (art. 10 CEDH); condamnation pénale pour négation du génocide arménien.

L'affaire concernait la condamnation pénale en vertu de l'article 261bis, al. 4, du Code pénal suisse (norme antiraciste), d'un homme politique turc qui avait publiquement exprimé en Suisse l'opinion que les déportations massives et massacres subis par les Arméniens au sein de l'Empire ottoman en 1915 et les années suivantes ne constituaient pas un génocide. Devant la Cour, le requérant a fait valoir une violation de sa liberté d'expression.

La Cour a mis en balance le droit à la liberté d'expression du requérant et le droit au respect de la dignité des victimes et la dignité et l'identité des Arméniens (protégé par l'article 8 CEDH : droit au respect de la vie privée). Elle a conclu qu'il n'était pas nécessaire, dans une société démocratique, de condamner pénalement le requérant afin de protéger les droits de la communauté arménienne qui étaient en jeu en l'espèce. Elle a tenu compte en particulier des éléments suivants: les propos du requérant se rapportaient à une question d'intérêt public et n'étaient pas assimilables à un appel à la haine ou à l'intolérance ; le contexte dans lequel ils ont été tenus n'était pas marqué par de fortes tensions ni par des antécédents historiques particuliers en Suisse ; les propos ne pouvaient être regardés comme ayant attenté à la dignité des membres de la communauté arménienne au point d'appeler une réponse pénale en Suisse ; aucune obligation internationale n'imposait à la Suisse de criminaliser des propos de cette nature ; les tribunaux suisses apparaissent avoir censuré le requérant pour avoir simplement exprimé une opinion divergente de celles ayant cours en Suisse et l'ingérence a pris la forme grave d'une condamnation pénale. Violation de l'art. 10 CEDH (10 voix contre 7).

contenu

Arrêt CourEDH entier
résumé (français)

références

Article: Art. 10 CEDH