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Intestazione

12573/06


Ellès Christiane, et autres c. Suisse
Arrêt no. 12573/06, 16 décembre 2010

Regesto

Questo riassunto esiste solo in francese.

SUISSE: Art. 6 par. 1 CEDH. Non-communication par le Tribunal fédéral d'une convention envoyée par la partie adverse et impossibilité pour les recourants de se déterminer sur cette pièce.

Les garanties du procès équitable impliquent le respect de l'égalité des armes, qui comprend notamment le droit pour les parties au procès de prendre connaissance de toute pièce présentée au juge et de la discuter.
En l'espèce, quelques jours après que les requérants ont déposé leur recours de droit public, la partie adverse a transmis au Tribunal fédéral une convention concernant le transport des enfants fréquentant un autre collège que celui de leur domicile. Le Tribunal fédéral s'est ensuite référé dans son arrêt à cette convention déterminante pour l'issue du litige, sans avoir autorisé les requérants à présenter des observations complémentaires, de sorte qu'il n'a pas respecté le principe de l'égalité des armes (ch. 26 - 29).
Conclusion: violation de l'art. 6 par. 1 CEDH.



Sintesi dell'UFG
(4° rapporto trimestriale 2010)

Diritto a un processo equo (art. 6 EMRK); controversia in materia civile ai sensi dell'articolo 6 CEDU e diritto alla replica.

La Corte dichiara applicabile l'articolo 6 CEDU in una controversia riguardante il trasporto scolastico dei figli dei ricorrenti. Nel procedimento dinnanzi al Tribunale federale, ai ricorrenti è stata negata la possibilità di replicare a un nuovo documento presentato dal Comune. È stato così violato il principio della parità di armi. Violazione dell'articolo 6 CEDU (unanimità).





Fatti

En l'affaire Ellès et autres c. Suisse,
La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Christos Rozakis, président,
Anatoly Kovler,
Elisabeth Steiner,
Dean Spielmann,
Sverre Erik Jebens,
Giorgio Malinverni,
George Nicolaou, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 novembre 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 12573/06) dirigée contre la Conféderation suisse et dont six ressortissants de cet Etat, Mme et M. Christiane et Laurent Ellès, Mme et M. Zahra et Christian Pittex ainsi que Mme et M. Olivia et Frédéric Pittex (« les requérants »), ont saisi la Cour le 23 mars 2006 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Me F. Roux, avocat à Lausanne. Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. F. Schürmann de l'Office fédéral de la justice.

3. Les requérants allèguent une violation du droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6 § 1 de la Convention et du droit à la vie (article 2 de la Convention).

4. Le 26 mars 2008, le président de la première section a décidé de communiquer au Gouvernement le grief tiré de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention. Comme le permet l'article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5. Par convention du 20 décembre 2001, les communes d'Ormont-Dessous, d'Ormont-Dessus et de Leysin (canton de Vaud) créèrent un établissement scolaire regroupant, entre autres, les classes primaires de ces trois communes. L'article 6 § 2 de ladite convention se lit ainsi :
« Dans la mesure du possible, les classes des élèves du cycle initial et des classes primaires demeureront dans leur commune respective. »

6. Le 4 mai 2005, les requérants furent informés que leurs enfants, N.E., M.P. et C.P., âgés alors de cinq ans, seraient scolarisés dans une commune autre que celle de leur domicile.

7. Par recours du 17 mai 2005, les requérants saisirent le département de la formation et de la jeunesse du canton de Vaud (ci-après : le département). Ils se plaignaient que le transport de leurs enfants entre leur commune de domicile et celle où se trouvait l'école était organisé de manière insatisfaisante. En particulier, ils alléguaient qu'aucune concession n'avait été conclue entre le transporteur et la commune concernée, que les assurances nécessaires n'avaient pas été souscrites et que le trajet prévu était dangereux en hiver.

8. Par décision du 13 juillet 2005, le département rejeta leur recours « sous réserve que la commune organise un transport adéquat [...] pour la rentrée scolaire 2005-2006 ». A ce propos, il releva « qu'on [pouvait] admettre qu'un transport sera mis en place dans les délais et qu'il répondra aux exigences d'adéquation, de sécurité et d'assurance que les [requérants] ont eu l'occasion de mentionner ». Concernant la dangerosité du trajet prévu, le département constata que la route était correctement entretenue durant l'hiver, si bien que les enfants ne courraient aucun danger.

9. Le 12 août 2005, les requérants saisirent le Tribunal fédéral. A l'appui de leur recours de droit public, ils prétendaient que la décision du 13 juillet 2005 était « arbitraire » et « disproportionnée ». Ils exposaient qu'aucun transport adéquat de leurs enfants n'avait encore été organisé et que la seule personne pressentie pour le faire y avait renoncé. Ils se plaignaient également de la violation de leur droit d'être entendus, au motif que les autorités avaient recueilli certains renseignements sans les en informer.

10. Le 18 août 2005, la commune de résidence des requérants adressa au Tribunal fédéral un exemplaire d'une convention conclue le 17 août 2005 au sujet du transport des enfants.

11. Par lettre du 27 septembre 2005, les requérants demandèrent à pouvoir présenter des observations complémentaires relatives au contenu de la convention du 17 août 2005. Le 29 septembre 2005, le président de la cour compétente du Tribunal fédéral refusa de faire suite à cette demande. Il s'exprima en ces termes :
« Les conditions pour ordonner un échange ultérieur d'écritures - qui n'a par ailleurs lieu qu'exceptionnellement (article 93, alinéa 3, de la loi fédérale d'organisation judiciaire) - ne sont pas réunies en l'espèce. On ne voit pas en quoi la réponse des autorités contiendrait des éléments nouveaux et importants sur lesquels les requérants n'ont pas eu la possibilité de se déterminer. »

12. Par arrêt du 29 novembre 2005, le Tribunal fédéral rejeta le recours de droit public des requérants. Il releva que la décision d'obliger les enfants des requérants à fréquenter un autre établissement scolaire répondait à des impératifs de gestion des ressources financières et qu'il ne s'agissait pas d'un acte d'arbitraire. Constatant qu'une convention au sujet du transport des enfants avait été finalement conclue, et que la route empruntée était régulièrement entretenue en hiver, la haute juridiction estima que rien ne permettait de douter du caractère adéquat des prestations. Elle en déduisit que les requérants n'avaient « plus d'intérêt juridiquement protégé ni d'ailleurs d'intérêt pratique à faire trancher une question résolue en leur faveur par l'autorité intimée ». Le Tribunal fédéral ajouta que les parties avaient eu l'occasion de s'exprimer sur l'ensemble des éléments factuels et juridiques en cause, si bien qu'un second échange d'observations n'était pas nécessaire et qu'aucune violation du droit d'être entendu des requérants n'était établie en l'espèce.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
A. La Constitution de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Article 9 - Interdiction de l'arbitraire
« Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. »
B. La loi scolaire du canton de Vaud du 12 juin 1984
Article 6
« 1. Tous les parents domiciliés ou résidant dans le canton ont le droit et le devoir d'envoyer leurs enfants en âge de scolarité obligatoire dans une école publique ou privée, ou de leur dispenser un enseignement à domicile (...) »
Article 13 (version en vigueur au moment des faits)
« 1. Sous réserve de l'article 6, les enfants fréquentent les classes de la commune, du groupement scolaire ou de l'arrondissement scolaire (...) de domicile ou de résidence des parents (...) »
C. La loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (en vigueur au moment des faits)
Article 93
« 1. Si le tribunal ordonne un échange d'écritures, il communique le recours à l'autorité qui a pris l'arrêté ou la décision attaqués ainsi qu'à la partie adverse et d'autres intéressés éventuels en leur impartissant un délai suffisant pour répondre et pour produire le dossier.
(...)
3. Un échange ultérieur d'écritures n'a lieu qu'exceptionnellement. »


Considerandi

EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

13. Les requérants se plaignent sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention que la procédure n'a pas été équitable. Ils soutiennent que la procédure devant le Tribunal fédéral n'a pas respecté l'égalité des armes. L'article 6 § 1 est libellé ainsi en ses passages pertinents :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité

14. Le Gouvernement soutient que l'article 6 de la Convention n'était pas applicable en l'espèce, le litige ne portant pas sur un droit de caractère civil. En particulier, il expose que le droit interne pertinent ne conférait aucun droit aux requérants d'exiger que leurs enfants fréquentent l'école de leur commune de résidence. Les décisions relatives à la scolarisation des enfants ne mettaient pas en cause des « intérêts individuels de nature économique ou pécuniaire », mais constituaient des « mesures étatiques fondées sur un acte de souveraineté ». Se référant à l'arrêt rendu dans l'affaire Balmer-Schafroth c. Suisse (arrêt du 26 août 1997, § 40, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV), il prétend que l'issue de la procédure n'était pas déterminante pour le droit à la vie que les requérants avaient par ailleurs invoqué.

15. Les requérants rétorquent qu'un droit peut être reconnu par le droit interne, même si la loi en subordonne l'usage à plusieurs conditions et habilite l'administration à fixer certaines d'entre-elles. La seule existence d'un élément discrétionnaire dans le libellé d'une disposition légale n'exclurait pas en soi l'existence d'un droit. Par ailleurs, les requérants constatent que le Tribunal fédéral a statué sur leur recours. Ils en déduisent qu'il y a lieu d'admettre que le droit qu'ils invoquent présente un degré suffisant de sérieux. Concernant le caractère civil de la contestation, les requérants soutiennent que la décision relative à la scolarisation de leurs enfants ne constituait pas un « acte de souveraineté » et que l'issue du litige était déterminante pour le droit à la vie de leurs enfants.

16. La Cour rappelle que l'article 6 vaut pour les contestations relatives à un droit que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit s'agir d'une contestation réelle et sérieuse ; elle peut concerner aussi bien l'existence même du droit que son étendue ou ses modalités d'exercice. L'issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question, l'article 6 § 1 ne se contentant pas, pour entrer en jeu, d'un lien ténu ni de répercussions lointaines (Athanassoglou et autres c. Suisse [GC], no 27644/95, § 53, CEDH 2000-IV; Balmer-Schafroth et autres c. Suisse, 26 août 1997, § 40, Recueil 1997-IV). La seule existence d'un élément discrétionnaire dans le libellé d'une disposition légale n'exclut cependant pas en soi l'existence d'un droit (Camps c. France (déc.), no 42401/98, 23 novembre 1999).

17. En l'espèce, la Cour relève que le Tribunal fédéral, saisi par les requérants, a examiné leur recours au fond et qu'il s'est prononcé sur une éventuelle violation du droit constitutionnel des requérants à ne pas être traités de manière arbitraire par les organes de l'Etat, droit garanti à l'article 9 de la Constitution suisse. La Cour en déduit que la haute juridiction a examiné la demande au fond et qu'il y a lieu de présumer que le Tribunal fédéral a ainsi statué sur une contestation relative aux droits des intéressés (mutatis mutandis, Vilho Eskelinen et autres c. Finlande [GC], no 63235/00, §§ 40-41, CEDH 2007-IV)

18. La Cour note, ensuite, que l'article 13 de la loi scolaire vaudoise et la convention du 20 décembre 2001 (voir paragraphe 5 ci-dessus) applicables en l'espèce conféraient aux requérants un droit à ce que leurs enfants soient scolarisés dans leur commune de domicile « dans la mesure du possible ». Le Tribunal fédéral a, par ailleurs, examiné de manière détaillée les conditions dans lesquelles les enfants seraient transportés entre leur lieu de domicile et l'établissement scolaire qu'ils étaient amenés à fréquenter avant de conclure que la solution adoptée par les autorités était satisfaisante (voir paragraphe 12 ci-dessus).

19. La Cour relève finalement que la présente espèce diffère également des affaires Balmer-Schafroth et Athanassoglou, précitées, dans lesquelles les requérants n'avaient pas pu obtenir une décision d'un tribunal sur leurs griefs. Elle en déduit que la procédure devant le Tribunal fédéral constituait une contestation réelle et sérieuse relative aux droits des requérants.

20. Pour que l'article 6 de la Convention trouve à s'appliquer, le droit doit, ensuite, revêtir un caractère civil (Voggenreiter c. Allemagne, no 47169/99, § 34, CEDH 2004-I; Gutfreund c. France, no 45681/99, § 38, CEDH 2003-VII; Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, 23 juin 1981, § 47, série A no 43). A ce propos, la Cour souligne que, selon sa jurisprudence, la notion de « droits et obligations de caractère civil » ne peut être interprétée uniquement par référence au droit interne de l'Etat défendeur (Maaouia c. France [GC], no 39652/98, § 34, CEDH 2000-X ; Malige c. France, 23 septembre 1998, § 34, Recueil 1998-VII ; Baraona c. Portugal, 8 juillet 1987, § 42, série A no 122 ; König c. Allemagne, 28 juin 1978, §§ 88-89, série A no 27). Une procédure peut, ainsi, relever de l'article 6 § 1 de la Convention, même si elle se déroule devant une juridiction constitutionnelle (Voggenreiter, précité, § 31 ; Kraska c. Suisse, 19 avril 1993, § 26, série A no 254-B) ou si elle entraîne l'application de dispositions administratives (Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, § 94, série A no 13).

21. En l'espèce, la Cour relève que la procédure litigieuse a été introduite par les requérants pour se plaindre que leurs enfants n'étaient pas scolarisés dans l'établissement scolaire de leur commune de résidence et que les conditions de transport n'étaient pas adéquates (voir paragraphe 9 ci-dessus). Le Tribunal fédéral a, de surcroît, spécifiquement examiné le caractère adéquat des prestations de transport et la question de la sécurité des enfants (voir paragraphe 12 ci-dessus). Les requérants n'ont fait qu'exercer, en empruntant les voies de recours internes à leur disposition, leurs droits parentaux, parmi lesquels figure le droit de se préoccuper du bien-être de leurs enfants. Que les autorités aient eu le pouvoir de restreindre ce droit en imposant aux enfants des requérants la fréquentation d'un autre établissement scolaire, ne signifie pas nécessairement, aux yeux de la Cour, la disparition de tout droit parental en la matière aussitôt prise l'une des mesures en cause ( mutatis mutandis W. c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987, §§ 74-77, série A no 121).

22. En introduisant un recours de droit public devant le Tribunal fédéral, les requérants ont donc utilisé l'unique moyen dont ils disposaient pour se plaindre d'une atteinte au bien-être de leurs enfants du fait de l'obligation de fréquenter un autre établissement scolaire que celui de leur commune de résidence (mutatis mutandis, Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, no 62543/00, §§ 46-47, CEDH 2004-III). Par conséquent, l'issue de la procédure devant le Tribunal fédéral peut être considérée comme portant sur des droits de caractère civil des requérants.

23. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que l'article 6 § 1 de la Convention était applicable en l'espèce. Elle constate en outre que le grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond

24. Se référant à l'affaire Gorraiz Lizarraga (arrêt du 27 avril 2004, no 62543/00, § 56, CEDH 2004-III), les requérants exposent que le principe de l'égalité des armes exige que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse. Ils considèrent que l'égalité des armes implique aussi en principe la faculté pour les parties au procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation et de pouvoir en discuter.

25. Le Gouvernement rétorque que la question qui demeurait encore litigieuse devant le Tribunal fédéral était celle de savoir si le transport des enfants des requérants avait été organisé de manière adéquate. La question ayant été résolue au cours de la procédure devant cette juridiction, celle-ci n'avait plus aucune raison de l'examiner. Il n'était donc pas nécessaire de donner aux requérants l'opportunité de présenter des observations sur le contenu de la convention conclue à ce sujet.

26. La Cour rappelle que les garanties du procès équitable impliquent le respect du principe de l'égalité des armes, soit, notamment, le droit, pour les parties au procès, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter ( Lobo Machado c. Portugal, 20 février 1996, § 31, Recueil 1996-I).

27. Dans plusieurs affaires concernant la Suisse, la Cour a constaté une violation de l'article 6 § 1 au motif que le requérant n'avait pas été invité à s'exprimer sur les observations d'une autorité judiciaire inférieure, d'une autorité administrative ou de la partie adverse (Nideröst-Huber c. Suisse, 18 février 1997, § 24, Recueil 1997-I ; F.R. c. Suisse, no 37292/97, § 36, 28 juin 2001 ; Ziegler c. Suisse, no 33499/96, § 33, 21 février 2002 ; Contardi c. Suisse, no 7020/02, § 40, 12 juillet 2005 ; Spang c. Suisse, no 45228/99, § 28, 11 octobre 2005 ; Ressegatti c. Suisse, no 17671/02, § 30, 13 juillet 2006 ; Kessler c. Suisse, no 10577/04, § 31, 26 juillet 2007).

28. En l'espèce, la Cour constate que les requérants ont adressé leur recours de droit public au Tribunal fédéral le 12 août 2005 (paragraphe 9 ci-dessus). La convention concernant le transport des enfants fréquentant un autre établissement scolaire que celui de leur domicile a été conclue le 17 août 2005 et a été portée à la connaissance du Tribunal fédéral le lendemain (paragraphe 10 ci-dessus), soit après que les requérants eurent présenté leur mémoire de recours. Le Tribunal fédéral s'est ensuite référé à ladite convention dans son arrêt du 29 novembre 2005 (paragraphe 12 ci-dessus). En n'autorisant pas les requérants à présenter des observations complémentaires sur cette nouvelle pièce, alors qu'elle était déterminante pour l'issue du litige, le Tribunal fédéral n'a donc pas respecté le principe de l'égalité des armes.

29. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que l'article 6 § 1 de la Convention a été violé en l'espèce.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

30. Les requérants se plaignent finalement de la violation du droit à la vie, dans la mesure où les conditions dans lesquelles se déroule le transport de leurs enfants ne respectent pas les exigences légales en matière de sécurité routière. Ils exposent que la convention conclue le 17 août 2005 prévoit l'utilisation d'un bus scolaire avec des bans latéraux dépourvus d'appuie-têtes et sans ceintures de sécurité. Ils prétendent que l'usage d'un tel véhicule est légalement prohibé et qu'il fait courir à leurs enfants un danger mortel. Ils invoquent à cet égard l'article 2 de la Convention, ainsi libellé en ses passages pertinents :
« Le droit de toute personne à la vie est protégé (...)»
Sur la recevabilité

31. La Cour rappelle que l'article 2 de la Convention implique l'obligation positive pour les États de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de leur juridiction. Cette obligation est valable dans le contexte de toute activité, publique ou non, susceptible de mettre en jeu le droit à la vie (Öneryildiz c. Turquie [GC], no 48939/99, § 71, CEDH 2004-XII). Il ne faut toutefois pas l'interpréter de manière à imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif. Toute menace présumée contre la vie n'oblige pas les autorités, au regard de la Convention, à prendre des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation. Pour que la responsabilité de l'État soit engagée, il faut que lesdites autorités aient conscience qu'un ou plusieurs individus sont menacés de manière réelle et immédiate dans leur vie, et qu'elles ne prennent pas les mesures qui, d'un point de vue raisonnable, peuvent pallier à ce risque (mutatis mutandis, Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, § 116, Recueil 1998-VIII).

32. En l'espèce, la Cour observe que les requérants se plaignent essentiellement du non respect des règles légales en matière de transport d'enfants. La Cour relève toutefois que la simple violation de telles dispositions n'est pas en soi susceptible de soulever de problème sous l'angle de l'article 2 de la Convention. Encore faut-il que les requérants démontrent, au-delà de tout doute raisonnable (mutatis mutandis, Mathew c. Pays-Bas, no 24919/03, § 156, CEDH 2005-IX ; Natchova et autres c. Bulgarie [GC], nos 43577/98 et 43579/98, § 147, CEDH 2005-VII), que l'absence d'intervention des autorités fait courir un risque réel et immédiat à leurs enfants. La Cour observe que les requérants sont muets sur ce point, leurs allégations n'étant pas suffisamment étayées. Compte tenu des éléments en sa possession, la Cour ne relève aucune apparence de violation de l'article 2 de la Convention.

33. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

34. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage

35. Les requérants réclament 5 000 francs suisses (CHF), soit 3 770 euros (EUR) par famille au titre du préjudice moral subi du fait du comportement contradictoire des autorités judiciaires à leur égard et des dangers auxquels leurs enfants sont exposés.

36. Le Gouvernement s'oppose à cette demande. Se référant aux arrêts rendus par la Cour dans les affaires Ressegatti c. Suisse (no 17671/02, arrêt du 13 juillet 2006 , § 32) et Contardi c. Suisse (no 7020/02, arrêt du 12 juillet 2005, § 62), il estime que le constat de violation de l'article 6 § 1 de la Convention constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral dont les requérants auraient pu souffrir.

37. Statuant en équité, la Cour estime qu'il y a lieu d'octroyer 3 000 EUR à Mme et M. Christiane et Laurent Ellès conjointement, 3 000 EUR à Mme et M. Zahra et Christian Pittex conjointement ainsi que 3 000 EUR à Mme et M. Olivia et Frédéric Pittex conjointement, au titre du préjudice moral subi en raison de la violation du droit d'accès à un tribunal, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt.
B. Frais et dépens

38. Les requérants demandent également, notes d'honoraires et factures de frais de justice à l'appui, 36 232 CHF, soit 27 312 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour.

39. Le Gouvernement s'oppose à cette demande. Il soutient que les frais de la procédure engagés avant le 29 septembre 2005 ne sauraient être indemnisés étant donné qu'ils n'ont pas été encourus pour faire constater la violation de l'article 6 § 1 de la Convention. Quant aux honoraires de l'avocat, il allègue que l'activité du défenseur n'est pas mise en rapport avec les montants facturés, les sommes demandées n'étant dès lors pas établies. Il conclut dès lors à ce que le montant des frais et dépens soit ramené à 2 000 CHF, soit 1 508 EUR.

40. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).

41. En l'espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 3 000 EUR tous frais confondus et l'accorde aux six requérants conjointement plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d'impôt.
C. Intérêts moratoires

42. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.


Disposizione

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit
a) que l'État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 3 000 EUR (trois mille euros) à Mme et M. Christiane et Laurent Ellès conjointement, 3 000 EUR (trois mille euros) à Mme et M. Zahra et Christian Pittex conjointement et 3 000 EUR (trois mille euros) à Mme et M. Olivia et Frédéric Pittex conjointement, au titre du préjudice moral, ainsi que 3 000 EUR (trois mille euros) aux six requérants conjointement, pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, à convertir en francs suisses au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 décembre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Greffier
Christos Rozakis Président

contenuto

decisione CorteEDU intera
regesto tedesco francese italiano

Fatti

Considerandi

Dispositivo

referenze

Articolo: Art. 6 par. 1 CEDH