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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_30/2022  
 
 
Arrêt du 9 février 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
B.________, 
C.________, 
tous les trois représentés par Me Philippe Vladimir Boss, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, Division criminalité économique, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale aux Pays-Bas; remise de moyens de preuve, séquestre, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 5 janvier 2022 (RR.2021.226-228). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision de clôture du 21 septembre 2021, le Ministère public du canton de Vaud a ordonné la transmission au Parquet de Bois-le-Duc (Pays-Bas) de la documentation relative aux comptes détenus par A.________, sa compagne B.________ et la société C.________. Cette transmission intervient en exécution d'une demande d'entraide judiciaire formée dans le cadre d'une enquête dirigée notamment contre A.________ pour violation de la loi sur les jeux de hasard, blanchiment d'argent et participation à une organisation délictueuse. Entre 2007 et 2014, les prévenus auraient, personnellement ou par l'entremise de sociétés sises à Malte ou Curaçao, proposé des jeux de hasard en ligne sur le marché néerlandais, sans autorisation. Les gains étaient perçus par les sociétés maltaises et reversés, après déduction des frais d'exploitation, aux actionnaires. Au total, cette activité aurait généré un bénéfice de plus de 250 millions d'euros. En 2014, la vente de ces activités par C.________à une société suédoise aurait encore dégagé un gain de 132 millions d'euros. A.________ aurait lui même personnellement retiré plus de 37 millions d'euros. Outre la documentation bancaire, l'autorité requérante demandait le blocage des fonds, immeubles, automobiles et bateau provenant des revenus illicites, ainsi que la perquisition au domicile de A.________. Au cours de l'exécution de la demande, le Ministère public a, sur requête de A.________ et B.________ et après avoir interpellé l'autorité requérante, autorisé une unique levée partielle du séquestre, pour un montant de 75'000 fr. Dans sa décision de clôture, le Ministère public vaudois a confirmé les séquestres précédemment ordonnés les 11, 17, 18 juin et 1er juillet 2021. 
 
B.  
Par arrêt du 5 janvier 2022, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par A.________, B.________ et C.________. Elle a rejeté les griefs formels relatifs au refus de lever les séquestres, de caviarder les documents, de se prononcer sur le paper trail et sur le respect du minimum vital. Si l'autorité pénale étrangère avait à un certain moment toléré l'activité litigieuse, elle ne violait pas le principe de la bonne foi en présentant une demande d'entraide, la question de la punissabilité devant être soumise au juge du fond. Sous l'angle de la double incrimination, les faits décrits dans la demande d'entraide tomberaient, en droit suisse, sous le coup de l'art. 130 al. 2 de la loi fédérale sur les jeux d'argent du 29 septembre 2017 (LJAr, RS 935.51) et 305bis CP. L'autorité suisse n'avait pas à vérifier la compétence répressive de l'Etat requérant. Le principe de la proportionnalité était respecté s'agissant de la remise des renseignements bancaires, de cartes de crédit et d'assurances, sans caviardage. Il en allait de même s'agissant des biens saisis, dont la valeur totale n'atteignait pas le montant des revenus illicites (plus de 37 millions d'euros). Le minimum vital n'avait pas à être pris en compte à ce stade pour des biens susceptibles d'être confisqués ou de faire l'objet d'une créance compensatrice.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes et l'ensemble des décisions du Ministère public vaudois, de rejeter la demande d'entraide, de refuser toute transmission et de lever les séquestres. Subsidiairement, ils concluent à une levée mensuelle des séquestres bancaires à hauteur de 13'535 et 8'000 fr. et à la levée pour diverses dépenses ponctuelles dûment justifiées; plus subsidiairement, ils demandent le renvoi de la cause à la Cour des plaintes pour nouvelle décision garantissant les droits aux conditions minimales d'existence des recourants après les avoir entendus. Ils demandent encore que l'assistance judiciaire leur soit accordée pour la procédure devant la Cour des plaintes et requièrent également l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
La Cour des plaintes persiste dans les termes de son arrêt, sans observations. Le Ministère public vaudois conclut au rejet du recours et l'Office fédéral de la justice à son irrecevabilité, vu l'absence d'un cas particulièrement important. Dans leur dernière écriture, les recourants se plaignent de ce que la question de la double incrimination n'aurait pas été suffisamment examinée par les instances précédentes. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 84 LTF, le recours est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet notamment la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1). En particulier, il ne suffit pas d'invoquer des violations des droits fondamentaux de procédure pour justifier l'entrée en matière; seule une violation importante, suffisamment détaillée et crédible peut conduire, le cas échéant, à considérer que la condition de recevabilité posée à l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5). 
 
1.1. L'arrêt attaqué se rapporte à un recours dirigé contre une ordonnance de clôture prévoyant la transmission de documents bancaires concernant les recourants. La première condition posée à l'art. 84 al. 1 LTF est ainsi réalisée.  
 
1.2. Afin de justifier l'existence d'un cas particulièrement important, les recourants soutiennent que la question de la punissabilité des faits en droit suisse - dans le cadre de l'examen de la double incrimination - constituerait une question de principe. Ils estiment qu'une offre de jeux de hasard en ligne en Suisse par un exploitant à l'étranger ne serait pas punissable, seul étant prévu le blocage d'accès. La mise à disposition des jeux, au sens de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr, impliquerait des actes concrets tels que la fourniture de locaux ou d'installations. La répression du blanchiment d'argent serait aussi impossible, faute de crime préalable.  
L'argumentation des recourants se heurte au texte clair de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr, dont la teneur est la suivante: 
 
1 Est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement: 
 
a. exploite, organise ou met à disposition des jeux de casino ou des jeux de grande envergure sans être titulaire des concessions ou des autorisations nécessaires; 
 
b. tout en sachant quelle est l'utilisation prévue, met à la disposition d'exploitants qui ne disposent pas des concessions ou autorisations nécessaires les moyens techniques permettant d'exploiter des jeux de casino ou des jeux de grande envergure. 
 
Contrairement à ce que soutiennent les recourants, la disposition précitée (let. a) réprime la mise à disposition non pas seulement de matériel ou d'infrastructure (let. b), mais directement de jeux - y compris en ligne - pour lesquels il n'existe ni autorisation ni concession en Suisse au sens de l'art. 4 LJAr. La lutte contre les offres non autorisées en provenance de l'étranger ne se limite pas au blocage d'accès prévu aux art. 86 ss LJAr, mais comprend également le volet pénal (Message concernant la loi fédérale sur les jeux d'argent, FF 2015 7627 ss, 7648). Le législateur a ainsi entendu punir le simple fait de rendre un jeu illicite accessible au public en Suisse. L'exploitant de la plateforme en question tombe ainsi sous le coup de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr, même s'il se trouve à l'étranger. Les considération de la Cour des plaintes sur ce point ne prêtent pas le flanc à la critique et il ne se pose, sur le vu des termes clairs de la loi, aucune question de principe. 
 
1.3. Les recourants reprochent par ailleurs à la Cour des plaintes d'avoir considéré que la question du minimum vital ne se posait pas lorsque les biens séquestrés constituent le produit de l'infraction. Invoquant là aussi une question de principe, ils soutiennent que le droit aux conditions minimales d'existence (art. 12 Cst.) devait s'appliquer dans l'éventualité d'une créance compensatrice. Ils relèvent en outre que les séquestres ordonnés par le Ministère public vaudois couvrent l'ensemble de leurs revenus, de sorte qu'ils y voient également une violation de principes fondamentaux.  
La jurisprudence invoquée par les recourants (ATF 141 IV 360) porte sur le séquestre, en couverture des frais et en garantie d'une créance compensatrice, lorsqu'il touche la totalité des revenus de l'intéressé, en particulier ceux (en l'occurrence des indemnités perte de gain) qui sont perçus après la commission des infractions et ne peuvent être considérés comme le produit de celles-ci ou son remploi (cf. aussi arrêt 1P.21/2007 du 2 mai 2007). Tel n'est pas le cas en l'occurrence, dès lors que les séquestres portent sur le produit allégué des infractions décrites dans la demande. Dans un tel cas, le principe (à la base de la confiscation) est que le crime ne doit pas profiter à son auteur (ATF 144 IV 1 consid. 4.2.1; 144 IV 155 consid. 4.1 et les références citées), et la Suisse, saisie d'une demande d'entraide judiciaire, doit faire prévaloir le respect de ses obligations internationales (arrêt 1C_152/2018 du 18 juin 2018 consid. 6.1). Les recourants ne contestent pas que la valeur des biens séquestrés (entre 20 et 30 millions de francs selon leur propre estimation) est inférieure aux montants résultant de l'infraction, soit plus de 37 millions d'euros. La durée du séquestre n'apparaît pas non plus disproportionnée et rien ne permet de supposer que l'Etat requérant, une fois nanti des renseignements qu'il requiert, ne sera pas à même de poursuivre la procédure dans des délais raisonnables. 
 
1.4. Sur le vu de ce qui précède, aucun des motifs invoqués par les recourants (y compris le grief relatif au refus de l'assistance judiciaire par la Cour des plaintes) ne justifie une entrée en matière.  
 
2.  
Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable. Ses chances de succès apparaissent insuffisantes pour accorder aux recourants l'assistance judiciaire. Conformément à la règle de l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge solidaire des recourants. Le présent arrêt est rendu selon la procédure prévue à l'art. 109 al. 1 let. a LTF
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge solidaire des recourants. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Ministère public central du canton de Vaud, Division criminalité économique, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire. 
 
 
Lausanne, le 9 février 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Kurz