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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.102/2002/col 
 
Arrêt du 10 juin 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Reeb, Catenazzi, 
greffier Kurz. 
 
M.________, 
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat, 
rue de la Synagogue 41, case postale 5654, 1211 Genève 11, 
 
contre 
 
Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section extraditions, Bundesrain 20, 3003 Berne. 
 
Extradition à la France 
 
(recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral de la justice du 18 avril 2002) 
 
Faits: 
A. 
Détenu à Genève dans le cadre d'une procédure pénale pour violation de la LStup, M.________, ressortissant français né en 1966, a fait l'objet le 27 décembre 2001 d'une demande d'arrestation d'Interpol France, sur la base d'un mandat d'arrêt délivré le 21 décembre précédent par un juge d'instruction au Tribunal de Grande Instance de Paris. Entendu le 24 janvier 2002, M.________ s'est opposé à une extradition simplifiée. Le mandat d'arrêt en vue d'extradition lui a été notifié le 7 février 2002. 
 
Le 15 février 2002, l'Ambassade de France à Berne a fait parvenir à l'Office fédéral de la justice (OFJ) une demande formelle d'extradition exposant ce qui suit. Des mesures de surveillance effectuées par l'Office central pour la répression du banditisme avaient révélé, début avril 2000, un dispositif suspect mis en place par B.________, M.________ et des comparses. Les constatations suivantes avaient notamment été faites: le 5 avril 2000 au matin, un fourgon volé et maquillé avait été garé à proximité de l'avenue de Saxe à Paris, et déplacé le soir. Le même jour, un autre véhicule volé avait été maquillé, puis garé à la rue du Hameau. Le lendemain, B.________ s'était rendu avec ce dernier véhicule à une adresse où une importante cache d'armes allait être découverte par la suite. Il s'était ensuite rendu avec M.________ à la rue de Saxe, demeurant dans le véhicule entre 18 heures 40 et 19 heures 20. Le 11 avril, les suspects s'étaient encore livrés à des surveillances dans le même secteur, M.________ pénétrant à deux reprises dans une station de métro, avant de quitter définitivement les lieux. Selon les indices recueillis et les déclarations de l'ancienne compagne de B.________, les suspects préparaient l'enlèvement d'un agent de change de l'avenue de Saxe. Le projet avait échoué en raison des horaires aléatoires de l'agent de change, et du fait que celui-ci avait été victime, le 13 avril 2000, d'une rupture d'anévrisme. Ces faits étaient constitutifs d'association de malfaiteurs (art. 450-1 et 450-3 du code pénal français). 
Par mémoire du 14 mars 2002 de son avocat d'office, M.________ s'est opposé à l'extradition. Les faits décrits dans la demande ne tomberaient pas, en droit suisse, sous le coup de l'art. 260bis CP (actes préparatoires délictueux), la demande ne faisant pas état d'un plan pré-défini, connu et approuvé, mais seulement d'une reconnaissance, sans le moindre indice de l'imminence d'un passage à l'acte. Les armes trouvées et les véhicules volés ne faisaient pas l'objet d'une incrimination distincte. 
B. 
Par décision du 18 avril 2002, l'OFJ a admis la demande d'extradition. Selon les faits exposés dans la demande, les mesures prises par les suspects (repérage des lieux et des habitudes de la victime, acquisition d'armes) étaient suffisantes pour admettre l'existence d'actes préparatoires délictueux. La renonciation à l'infraction (art. 260bis ch. 2 CP) était due à des circonstances extérieures. 
C. 
M.________ forme un recours de droit administratif contre cette décision. Il en demande l'annulation, ainsi que le refus de l'extradition à la France, subsidiairement que l'autorité requérante soit invitée à fournir copie de la procédure pénale ou à préciser sa demande. Il requiert l'assistance judiciaire. 
 
L'OFJ conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. En réplique, le recourant a indiqué que le juge d'instruction de Paris s'était dessaisi du dossier en renvoyant les personnes mises en examen devant le Tribunal correctionnel, qui devrait rendre une décision le 5 juin 2002; ce renvoi ne concernerait pas le recourant, de sorte qu'aucune autorité ne serait maintenant compétente pour statuer sur la détention du recourant. Celui-ci demande l'interpellation de l'autorité requérante sur ces points. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision par laquelle l'OFJ accorde l'extradition (art. 55 al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1) peut faire l'objet d'un recours de droit administratif (art. 25 al. 1 EIMP). La personne extradée a qualité pour recourir (art. 21 al. 3 EIMP et 103 let. a OJ). 
2. 
L'extradition entre la France et la Suisse est régie par la Convention européenne d'extradition (CEExtr., RS 0.353. 1). Le droit interne, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP, RS 351.11), s'applique aux questions qui ne sont pas réglées par le droit conventionnel, et lorsqu'il permet la collaboration internationale à des conditions plus favorables (ATF 122 II 373 consid. 1a p. 375). 
3. 
Le recourant reprend ses motifs d'opposition. Il soutient que, tels qu'ils sont exposés par l'autorité requérante, les faits qui lui sont reprochés ne seraient pas constitutifs, en droit suisse, d'actes préparatoires délictueux. Rien ne permettrait de penser que les actes de repérage et de surveillance correspondaient à un plan connu et approuvé par le recourant. Il n'y aurait eu qu'un seul repérage, le 6 avril 2000, M.________ s'étant par ailleurs rendu à deux reprises dans une station de métro, le 11 avril suivant. On ne pourrait parler de surveillance systématique correspondant à un plan, mais simplement d'une reconnaissance afin d'évaluer si l'agent de change pouvait faire une "bonne victime". De tels actes d'évaluation ne seraient pas punissables. Pour le surplus, il n'est pas prétendu que les armes découvertes après coup étaient destinées à l'enlèvement, et le vol de véhicules ne ferait pas l'objet d'une incrimination spécifique. 
3.1 Selon l'art. 260bis CP, est puni de la réclusion celui qui aura pris, conformément à un plan, des dispositions concrètes d'ordre technique ou d'organisation, dont la nature et l'ampleur indiquent qu'il s'apprêtait à passer à l'exécution de certaines infractions, notamment la séquestration et l'enlèvement (art. 183 CP). L'art. 260bis ch. 2 prévoit l'exemption de toute peine pour celui qui renonce de son propre mouvement à poursuivre jusqu'au bout son activité préparatoire. Les éléments constitutifs objectifs de l'infraction sont l'existence d'un plan et des dispositions concrètes, soit des actes matériels, qui doivent en tout cas être connus et approuvés de l'auteur. L'acte préparatoire est une étape entre la simple discussion d'un projet et le franchissement du pas décisif, qui constitue déjà une tentative de l'infraction principale (Corboz, Les principales infractions, Berne 1999, vol. II n° 7 p. 264). L'auteur doit ainsi avoir engagé un processus qui conduit normalement, selon une appréciation objective, à la réalisation de l'infraction (op. cit., n° 19 p. 267). 
3.2 Comme le rappelle la décision attaquée, la question de la double incrimination doit être résolue sur la seule base des faits exposés dans la demande. A moins d'inexactitudes ou d'invraisemblances manifestes, l'autorité suisse d'extradition se trouve liée par cet exposé (ATF 123 II 279 consid. 2b p. 281 et les arrêts cités), qu'il s'agisse des circonstances objectives de l'infraction ou des éléments subjectifs, tels le mobile ou la volonté des prévenus. 
3.3 En l'espèce, l'autorité requérante indique que des mesures de surveillance auraient été effectuées dans le secteur de l'avenue de Saxe, soit le 6 avril 2000 à bord d'un véhicule, puis le 11 avril; à cette occasion, le recourant a pénétré à deux reprises dans une station de métro, alors que quatre comparses effectuaient manifestement d'autres surveillances. Ces indications font clairement penser à une action concertée de reconnaissance afin de connaître les habitudes et les horaires de la victime, agissements qui constituent des actes préparatoires (Corboz, op. cit. n° 15 p. 265-266). Il en va de même de la possession d'armes (ATF 125 II 569 consid. 6b in fine p. 576-577 et les références, 111 IV 155 consid. 3 p. 158-159), même si celles-ci ont été découvertes par la suite et ne font pas l'objet d'une accusation spécifique. Le recourant soutient qu'il s'agissait uniquement d'actes d'évaluation, dont l'ampleur ne permettrait pas de redouter un passage à l'acte. Les doutes que l'on peut avoir à ce sujet, sur le vu des seules constatations faites par la police, sont toutefois levés par les autres indications figurant dans la demande d'extradition. Selon celles-ci en effet, la découverte d'indices matériels qui a suivi les surveillances policières et l'interpellation des suspects, ainsi que le témoignage "précis et circonstancié" de F.________ (l'ancienne compagne de B.________ ayant pris part dans une certaine mesure aux agissements décrits), auraient permis d'établir, d'une part, que l'action délictueuse concertée consistait dans l'enlèvement et la séquestration d'un agent de change, et, d'autre part, que le projet n'avait échoué qu'en raison des horaires aléatoires de la victime et d'un accident vasculaire survenu le 13 avril 2000. Ces indications, dont l'autorité requise n'a pas à s'écarter, permettent d'affirmer que les suspects avaient largement dépassé le stade de la simple évaluation, pour s'engager sur la voie de la réalisation. La condition de la double incrimination est par conséquent réalisée. 
4. 
En réplique, le recourant produit une lettre d'un avocat parisien exposant que le juge d'instruction de Paris se serait récemment dessaisi du dossier en renvoyant les personnes mises en examen devant le Tribunal correctionnel, à l'exception du recourant - qui n'est pas encore en examen -, sans toutefois disjoindre les causes. Le Tribunal correctionnel devrait statuer le 5 juin 2002, le Tribunal fédéral étant invité à se procurer cette décision. Le renvoi en jugement ne concernerait toutefois pas le recourant, ce qui équivaudrait à un classement en sa faveur. Par ailleurs, aucune autorité ne serait compétente pour statuer sur la détention du recourant. Celui-ci demande l'interpellation de l'autorité requérante sur ces points. 
4.1 Selon la lettre produite en annexe à la réplique, le juge d'instruction n'a pas mentionné le recourant dans son ordonnance de renvoi. Selon l'avocat parisien, cela serait normal puisque le recourant n'a pas encore été mis en examen, mais est seulement susceptible de l'être, comme cela ressort aussi du mandat d'arrêt international. On peut aisément envisager que le juge d'instruction attend la remise du recourant pour procéder à sa mise en examen, puis à son renvoi en jugement, sans qu'il soit forcément nécessaire de disjoindre formellement les causes. Rien ne permet en tout cas de penser que le recourant serait au bénéfice d'un abandon de poursuite justifiant l'application de l'art. 5 al. 1 let. a EIMP ou de l'art. 9 CEExtr. Le principe "ne bis in idem" réservé par cette disposition a d'ailleurs une portée réduite, puisqu'il ne permet en principe pas de tenir compte d'un jugement rendu dans l'Etat requérant. Par ailleurs, lorsque la personne recherchée entend se prévaloir d'une décision de non-lieu définitive rendue dans cet Etat, la Suisse ne refuse l'extradition que si, au regard de la législation de l'Etat requérant, les poursuites ne peuvent manifestement être reprises. En cas de doute, l'extradition doit être accordée, la question devant être tranchée définitivement par les tribunaux compétents de l'Etat requérant (ATF 110 Ib 185, consid. 5 non publié, reproduit in: SJ 107/1985 p. 186-188; cf. aussi ATF 112 Ib 215 consid. 6 p. 221-222). 
4.2 En l'occurrence, en dépit des incertitudes sur la situation procédurale du recourant, celui-ci ne saurait prétendre être au bénéfice d'une décision assimilable à un classement. On ne distingue d'ailleurs pas ce qui pourrait motiver un tel abandon de poursuite. 
4.3 Comme le relève le recourant lui-même, les griefs relatifs au contrôle de la détention en France n'ont pas à être examinés par le juge de l'extradition. Il y a d'ailleurs lieu de présumer que le droit de procédure français permet d'éviter un conflit négatif de compétence en cette matière. Il ne se justifie pas d'interpeller l'autorité requérante à ce propos, et moins encore de refuser l'extradition. 
5. 
La décision attaquée ne prête donc pas le flanc à la critique, et le recours de droit administratif doit être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire, qui peut lui être accordée. Me Garbade est désigné comme défenseur d'office, et rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours de droit administratif est rejeté 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Garbade est désigné comme avocat d'office du recourant, et une indemnité de 1500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
3. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à l'Office fédéral de la justice (B 129 201). 
Lausanne, le 10 juin 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: