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[AZA 0/2] 
 
4P.13/2002 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
10 juin 2002 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et 
Favre, juges. Greffière: Mme Charif Feller. 
 
___________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
dame X.________, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 12 décembre 2001 par la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause qui oppose la recourante à Z.________ S.A.; 
(art. 9 et 29 Cst. ; procédure civile; certificat de travail) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- a) Dame X.________ a été engagée dès le 12 juillet 1995 par Z.________ S.A., en qualité de vendeuse au stand Y.________. Son salaire mensuel brut s'élevait à 3700 fr. A ce salaire s'ajoutaient une première prime annuelle équivalant, pour 1995, à 35% d'un salaire mensuel brut, une seconde prime correspondant au 0.33% du chiffre d'affaires réalisé par la vendeuse ainsi qu'une commission payée par la maison Y.________ en fonction du chiffre d'affaires. Dame X.________ s'est révélée être une excellente vendeuse. Toutefois, avec certaines de ses collègues les relations étaient difficiles. Par ailleurs, dame X.________ ne s'occupait pas de certaines tâches annexes à la vente. Son attitude n'a pas changé suite à un, voire deux entretiens avec sa cheffe. Dame X.________ a été en incapacité totale de travailler du 9 au 13 décembre 1995 puis à 50% jusqu'au 3 janvier 1996, date à laquelle elle a été informée de la résiliation de son contrat avec effet au 29 février 1996 et de sa libération de son obligation de travailler pendant le délai de congé. Dans un courrier du 4 janvier 1996, l'employeur a confirmé le licenciement, indiquant que le motif était une "incompatibilité d'humeur" de dame X.________ avec "son chef hiérarchique direct". Le certificat de travail, établi par l'employeur le 29 février 1996, a la teneur suivante: 
"Mademoiselle X.________ est au bénéfice d'excellentes connaissances et a su ainsi satisfaire une clientèle très exigeante, qu'elle a su fidéliser grâce à ses contacts privilégiés". 
 
b) Le 8 février 1996, dame X.________ s'est inscrite auprès d'une entreprise de placement. Son dossier a été traité par différentes personnes, en dernier lieu par dame N.________, en 1997. Celle-ci avait été avertie que dame X.________ n'avait pu être placée suite aux renseignements négatifs donnés par le dernier employeur. Dame N.________ a d'abord contacté une autre agence de placement qui a refusé le dossier de dame X.________, les prises de références à son sujet étant mauvaises. Dame N.________ a également eu un entretien téléphonique avec l'ancienne cheffe de dame X.________, dont les déclarations font l'objet du présent litige et qui seront examinées en détail ci-après. Sur la base des informations obtenues, dame N.________ a averti l'agence de placement qu'elle ne pouvait pas continuer sur ce dossier. Celle-ci a rendu le dossier à dame X.________, le 7 juillet 1997, soulignant que ses connaissances professionnelles et linguistiques n'étaient nullement en cause, mais que les références négatives de son dernier employeur la pénalisaient. 
L'agence de placement a conseillé à dame X.________ d'éclaircir la situation avec celui-ci. 
 
En avril 1996, dame X.________ s'est également adressée à l'office cantonal de l'emploi. Le conseiller en placement responsable de son dossier a présenté sa candidature notamment à une pharmacie qui cherchait une vendeuse expérimentée. Après avoir mis beaucoup de temps à se déterminer, la cheffe du personnel de cette pharmacie a refusé la candidature proposée, le 8 septembre 1997. Au conseiller en placement, elle a déclaré, gênée, que c'était en raison de mauvaises références dont elle n'a pas précisé la source; les compétences professionnelles et la présentation de dame X.________ n'étaient pas remises en cause. Selon le conseiller en placement, celle-ci était très motivée et très sociale. 
Il a notamment déclaré: "on ne comprend pas pourquoi elle ne trouve pas d'emploi. Il est clair qu'il y a eu un problème; quelqu'un a dû donner un renseignement qui a fait bloc". 
 
Par courrier du 26 février 1997, dame X.________ est intervenue auprès de son ancien employeur pour faire cesser les propos diffamatoires, tenus à son sujet par son ancienne cheffe lors de contacts avec des employeurs potentiels. 
Le 18 mars 1997, Z.________ S.A. a répondu que l'ancienne cheffe n'avait en aucun cas tenu des propos pouvant porter préjudice à dame X.________ et qu'elle avait été invitée à ne plus donner de renseignements sur celle-ci. Le 19 septembre 1997, dame X.________ est de nouveau intervenue auprès de son ancien employeur, par l'intermédiaire du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs. 
Deux entrevues ont eu lieu entre les parties, dont la seconde le 16 avril 1998. 
 
Arrivée en fin de droit de chômage le 20 juin 1996, dame X.________ a occupé un emploi temporaire à l'université. 
Elle a ensuite à nouveau perçu des indemnités de chômage jusqu'en décembre 1998. Puis elle a été prise en charge par le revenu minimum cantonal d'aide sociale pour chômeurs en fin de droits. Elle fait état de problèmes de santé et de nombreuses dettes qui seraient consécutives à l'attitude de son ancien employeur. 
 
B.- Par demande déposée le 21 janvier 1999 auprès du Tribunal des prud'hommes du canton de Genève, dame X.________ a assigné Z.________ S.A. en paiement de 36 254 fr., à titre de dommages-intérêts, et de 20 000 fr., à titre d'indemnité de tort moral, le tout avec intérêts. Elle a également conclu à ce qu'il soit fait interdiction à son ex-employeur et à son ancienne cheffe de donner des renseignements à son sujet. 
 
Par jugement du 19 mars 2001, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevables les conclusions de dame X.________ tendant à faire interdire à son ancienne cheffe de donner des renseignements sur elle et sur la qualité de son travail et l'a déboutée de toutes ses autres conclusions. 
Après avoir retenu, en substance, que l'ancienne cheffe avait donné au moins à deux occasions des informations à des tiers (à l'agence de placement, à la pharmacie et à d'autres employeurs potentiels) au sujet de son ex-employée, le Tribunal a estimé que ces renseignements étaient conformes à la réalité et que les remarques étaient objectives, dame X.________ n'ayant pas démontré le caractère inexact ou inutilement péjoratif de celles-ci. 
 
Statuant sur appel de dame X.________, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève a, par arrêt du 12 décembre 2001, confirmé le jugement de première instance. 
 
C.- Parallèlement à un recours en réforme, dame X.________ exerce un recours de droit public, concluant à l'annulation de l'arrêt de la Cour d'appel. 
 
Par décision du 19 février 2002, la Cour de céans a admis la demande d'assistance judiciaire de la recourante, limitée à la dispense des frais judiciaires et des sûretés pour les dépens. 
 
L'intimée conclut à la confirmation de l'arrêt attaqué et au déboutement de la recourante de toutes ses conclusions. 
 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son 
arrêt. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Sous réserve d'exceptions dont les conditions ne sont pas réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 127 III 279 consid. 1b p. 282; 126 III 524 consid. 1b p. 526). Les conclusions de l'intimée sont donc irrecevables, dans la mesure où elles tendent à la confirmation de l'arrêt entrepris et au déboutement de la recourante. 
 
 
2.- a) La recourante invoque d'abord la violation de l'art. 9 Cst. Elle reproche à la cour cantonale une appréciation arbitraire des preuves. Elle fait notamment valoir que la cour cantonale n'aurait considéré qu'une partie du témoignage de dame N.________ portant sur le contenu des propos de l'ancienne cheffe à son sujet, ignorant une autre partie de ce témoignage, laquelle contiendrait des appréciations formulées par l'ancienne cheffe, dont il convenait de déterminer si elles étaient ou non objectives et pertinentes, c'est-à-dire conformes au droit fédéral (art. 330a CO). 
 
b) Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué soient insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit arbitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée apparaît comme concevable, voire préférable (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a). 
 
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves, le juge tombe dans l'arbitraire si, sans raison sérieuse, il omet de prendre en considération un élément important propre à modifier la décision, s'il se fonde sur un moyen manifestement inapte à apporter la preuve, s'il a, de manière évidente, mal compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ou encore si, sur la base des éléments réunis, il a fait des déductions insoutenables. Le grief tiré de l'appréciation arbitraire des preuves ne peut être pris en considération que si son admission est de nature à modifier le sort du litige, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une constatation de fait n'ayant aucune incidence sur l'application du droit. 
 
c) L'arrêt attaqué reproduit dans la partie "En fait" le témoignage de dame N.________ sur le contenu des propos de l'ancienne cheffe de la recourante. Celle-ci aurait notamment déclaré que dame X.________ était un bon élément, qu'elle effectuait très bien son travail, mais qu'elle était difficile, qu'elle ne se laissait pas approcher des autres, qu'elle créait une distance et qu'elle n'était pas faite pour travailler en équipe; il s'agissait d'une personne qu'il fallait mettre dans un bureau, si possible seule. Il est vrai que cette reproduction est tronquée, puisqu'en la comparant avec le procès-verbal d'enquêtes, mentionné par la recourante, on constate qu'il manque la phrase suivante: "La vente n'était donc pas son élément". Or la cour cantonale, qui déclare expressément se référer audit témoignage, admet implicitement qu'il est crédible. Dès lors, elle n'avait aucune raison d'en retrancher cette phrase, du moins pas sans explications, dans la mesure où ces propos revêtent une importance particulière pour juger de l'objectivité des renseignements fournis par l'ancienne cheffe, dont l'incompatibilité d'humeur avec la recourante avait constitué le motif officiel du licenciement. En effet, lesdits propos contredisent manifestement la teneur du certificat de travail, que l'arrêt attaqué considère comme établie, au sujet des compétences de la recourante en tant que vendeuse. La cour cantonale ne pouvait ignorer cet élément, même dans l'hypothèse où il ne représenterait qu'un commentaire de dame N.________, comme le suggère l'intimée, car celui-ci ferait alors suite aux déclarations de l'ancienne cheffe, desquelles il découlerait - toujours en contradiction avec le certificat de travail délivré - que la recourante n'était guère apte à exercer le métier de vendeuse. En omettant de tenir compte des propos litigieux, la cour cantonale est tombée dans l'arbitraire. 
 
d) La recourante reproche également à la Cour d'appel d'avoir retenu, sur la base des déclarations de son ancienne cheffe, que ses contacts personnels avec ses collègues ont été difficiles, alors qu'il découlerait de leurs témoignages qu'elle entretenait de bons rapports avec trois d'entre elles. 
 
Il ressort des cinq témoignages reproduits dans l'arrêt que la majorité des collègues entendues (A.________, B.________ et C.________) n'avait pas rencontré de problèmes particuliers avec la recourante, l'une d'entre elles (B.________) affirmant même qu'il n'y avait pas de problèmes particuliers entre la recourante et l'équipe. Seules deux des témoins entendus (D.________ et E.________) se sont plaints de difficultés personnelles avec la recourante. Sur ce point, l'appréciation de la cour cantonale contredit les faits et doit être qualifiée d'arbitraire. 
 
Au vu de ce qui précède, la qualification par la cour cantonale des renseignements donnés sur la recourante apparaît comme basée sur des déductions insoutenables. 
 
3.- La recourante dénonce également une violation de son droit d'être entendu, tel qu'il découle de l'art. 29 al. 2 Cst. Elle soutient que la cour cantonale aurait dénié l'atteinte à la personnalité alléguée (art. 328 CO), en n'indiquant ni sur quel moyen de preuve elle se fondait, ni pour quel motif elle avait écarté un certain témoignage qui serait déterminant. A ce sujet, l'arrêt attaqué ne reposerait sur aucune motivation 
 
L'examen de ce grief s'avère superflu, dès lors que celui de l'appréciation arbitraire des preuves est fondé, ce qui entraîne l'admission du recours et l'annulation de l'arrêt cantonal. 
 
4.- La valeur litigieuse dépassant 30 000 fr. à l'ouverture de l'action, la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO; cf. ATF 115 II 30 consid. 5b). Cette règle vaut également pour la procédure de recours de droit public (ATF 98 Ia 561 consid. 6a). La partie qui succombe supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et les dépens (art. 159 al. 1 OJ). Toutefois, la recourante n'étant pas représentée par un avocat, il n'y a pas lieu de lui allouer des dépens. 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la charge de l'intimée; 
 
3. Communique le présent arrêt en copie aux parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. 
 
__________ 
Lausanne, le 10 juin 2002ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
La Greffière,